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Soldat Joseph Delaney – Soldat Rowland Geers – Caporal Jerry Blandford – Caporal Pierre Brockett – Soldat Archie Lemon – Caporal Walter Rose – Soldat Samuel Updike – Sergent Michael Riggin – Sergent Theodore Donohoe – Capitaine Terence L. Matlock – Adjudant-chef Patrick Boss – Soldat Roger Jones – Soldat Carter Atlas – Soldat Lucien Janoff – Soldat Thomas Stahl – Sergent James Dunning – Sergent Wilbur Tietjen – Soldat Jesse Bogan – Soldat Philip Calhoun – Soldat Edward Romano – Lieutenant Edward Bartelstone – Soldat Jacob Geller – Soldat Walter Landt – Soldat Graley Borden – Lieutenant Thomas Jewett – Soldat Stephen Carroll – Soldat Carroll Hart – Soldat William Anderson – Soldat Martin Dailey – Soldat Henry Demarest – Caporal Lloyd Somerville – Soldat Lawrence Dickson – Soldat Nathan Mountain – Soldat Christian Geils – Soldat Mark Mumford – Soldat Bernard Glass – Soldat John Townsend – Soldat Wilbur Halsey – Soldat Harry Waddell – Soldat Benjamin Hunzinger – Soldat Plez Yancey – Lieutenant Archibald Smith – Soldat Edward Carter – Soldat Emile Ayres – Soldat Martin Appleton – Soldat Leslie Westmore – Soldat Sylvester Wendell – Soldat Ralph Brucker – Soldat Byron Long – Soldat Philip Wadsworth – Soldat Alex Marro – Soldat John McGill – Soldat Sidney Borgstead – Soldat Allan Methot – Soldat Danny O’Leary – Soldat Jeremiah Easton – Soldat William Mulcahey – Sergent Julius Pelton – Caporal Clarence Foster – Soldat Walter Drury – Soldat Charles Gordon – Soldat Roger Inabinett – Soldat Richard Mundy – Soldat Howard Nettleton – Soldat Harland Perry – Soldat Albert Nallett – Soldat Robert Nalls – Soldat Oswald Pollard – Soldat Martin Passy – Soldat Leo Hastings – Soldat Silas Pullman – Soldat Samuel Quillin – Soldat Abraham Rickey – Soldat Wilbur Bowden – Soldat Eugene Merriam – Soldat Herbert Merriam – Soldat Peter Stafford – Soldat Sidney Belmont – Soldat Richard Starnes – Caporal Frederick Willcoxen – Sergent Marvin Mooney – Soldat Oliver Teclaw – Soldat Franklin Good – Le soldat inconnu – Soldat Charles Upson – Caporal Stephen Waller – Soldat Leo Brogan – Soldat Robert Armstrong – Soldat Christian Van Osten – Soldat Albert Hayes – Soldat Andrew Lurton – Soldat Howard Bartow – Soldat William Nugent – Soldat Ralph Nerion – Soldat Paul Waite – Sergent Jack Howie – Soldat Arthur Crenshaw – Soldat Everett Qualls – Soldat Harold Dresser – Soldat Walter Webster – Soldat Sylvester Keith – Soldat Leslie Jourdan – Soldat Frederick Terwilliger – Soldat Colin Wiltsee – Soldat Roy Howard – Soldat Theodore Irvine – Soldat Howard Virtue – Soldat Leslie Yawfitz – Soldat Manuel Burt – Soldat Colin Urquhart – Lieutenant James Fairbrother – Soldat Rufus Yeomans – Soldat Sam Ziegler

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Caporaux, sergents, capitaines, lieutenants ou simples soldats, ils sont cent-treize hommes à appartenir à la Compagnie K.
Cent-treize Marines américains, engagés volontaires, appelés en renfort en 1917 dans les combats qui font rage sur le front français, dans la Marne et la Meuse.
Cent-treize hommes qui, tour à tour, vont raconter à la première personne une anecdote, une situation marquante de leur guerre, depuis leur embarquement pour la France jusqu’à leur retour au pays (pour certains d’entre eux). Parfois, l’anecdote est commune à plusieurs hommes, qui apportent ainsi un point de vue différent sur l’événement.

Ramassés sur une page ou deux (à de rares exceptions près), se succèdent ainsi cent-treize chapitres, portant chacun le nom et le grade d’un Marine de la Compagnie K. Tous prennent la parole, les vivants comme les morts, puisque certains racontent leurs ultimes instants, juste avant qu’ils soient abattus par la balle du fusil, fauchés par l’éclat d’obus ou éventrés par la baïonnette.

« Je ne me suis d’abord par rendu compte que j’étais blessé. J’étais couché dans les barbelés, j’avais du mal à respirer. Je dois rester parfaitement calme, je me suis dit. Si je remue, je vais tellement m’empêtrer que j’en sortirais jamais. Alors une fusée blanche est montée dans le ciel, et dans la lumière qui a suivi j’ai vu que j’avais le ventre complètement déchiré et que mes viscères se répandaient comme un bouquet de roses bleues. Cette vision m’a terrifié et j’ai commencé à me débattre, mais plus je me tordais, plus les pointes s’enfonçaient. J’ai fini par ne plus pouvoir bouger les jambes alors j’ai su que j’allais mourir. Je suis donc resté tranquille, étiré de tout mon long, à geindre et à cracher le sang. »
(Le soldat inconnu)

Ces cent-treize témoignages sont autant de tranches de vie, dramatiques, cocasses ou ubuesques, des plus triviales (la faim et la nourriture infecte, toujours en quantité insuffisante) aux plus philosophiques (tuer ou se faire tuer), voire spirituelles (où trouver Dieu sur un champ de bataille ?).

« Tout ce en quoi on m’a appris à croire sur la miséricorde, la justice et la vertu est un mensonge, je me disais… Mais le plus gros mensonge de tous, c’est la phrase “Dieu est amour”. C’est vraiment le mensonge le plus terrible que l’homme ait jamais conçu. »
(Soldat Charles Gordon)

Au fil des récits, il apparaît rapidement que les Allemands ne sont pas nécessairement le danger le plus craint des soldats. Bien entendu, sous le feu incessant des balles, obus et autres gaz toxiques lâchés par le camp adverse, les hommes sont perpétuellement sur le qui-vive. Mais la faim qui taraude les estomacs, la vermine qui dévore les chairs, les poux qui démangent les crânes, l’épuisement qui affaiblit les corps et les esprits, autant que la dysenterie et les maladies, sont une violence permanente tout aussi redoutée des troupes.
Et, si le militaire se méfie de la fourberie de l’ennemi en embuscade, il sait aussi que rien ne le protège des ordres stupides de supérieurs arrogants ou incapables, ni des lâchetés et indélicatesses de ses compagnons d’arme.

Physique ou psychologique, la souffrance est omniprésente sur le terrain. Associée à la peur, elle peut conduire aux pires extrémités : désertion, automutilation, suicide…, tous les moyens sont bons pour échapper à l’enfer. Certains préfèrent même se réfugier pour toujours dans la folie.
Courageux, couards, violents, pacifistes, révoltés, cyniques, charitables, vengeurs, malhonnêtes, méprisables, émouvants, repentants… ces cent-treize hommes sont un concentré d’humanité (et donc, d’inhumanité). La réalité est rude pour ces jeunes hommes partis la fleur au fusil, abreuvés de nobles valeurs comme l’héroïsme et le patriotisme.

« Au début, j’écoutais Les Yawfitz et ce gars, Nallett, quand ils discutent tous les deux au dortoir. (…) la plupart du temps, c’est de la guerre qu’ils parlent, et de comment c’est les nantis qui l’ont causée uniquement pour protéger leurs propres intérêts. Que l’idéalisme ou l’amour de la patrie puissent avoir un rapport avec la guerre, ça les fait rire. La guerre, pour eux, c’est brutal et dégradant, et les imbéciles qui se battent sont des pions destinés à servir l’intérêt des autres.
Pendant un temps, je les ai écoutés, et j’ai essayé de bien réfléchir à la question dans ma tête. Et puis j’ai arrêté d’y penser. Si les trucs qu’ils disent sont vrais pour de bon, je veux pas le savoir. Je deviendrais dingue et je me tuerais, si je pensais que c’était vrai… un homme qui verrait réellement les choses comme ça, je comprends pas comment il pourrait vouloir, comment il pourrait se permettre de…
Alors maintenant, quand ils commencent à parler, je me lève et je quitte le dortoir, ou alors je me tourne contre le mur et je me bouche les oreilles. »
(Soldat Émile Ayres)

En proie à des instincts auxquels il choisira de céder ou pas, chacun de ces hommes se retrouvera acculé à un moment fatidique, face à face avec lui-même, obligé de prendre en un fragment de seconde la décision qui lui semblera la plus juste, la mieux appropriée à l’urgence de la situation… et à sa survie.

« Pendant tout le temps où j’ai été sous les drapeaux, j’ai été pris dans un seul barrage. Je n’ai pas utilisé mon fusil une seule fois. Je n’ai même jamais vu un soldat allemand, à part quelques prisonniers à Brest dans un camp. Mais quand on a défilé à New York, personne savait que je n’avais pas vécu ce qu’avaient vécu les autres gars de la compagnie. Et moi aussi j’ai eu droit aux vieilles gâteuses qui versaient leur larme et aux roses lancées à la tête des combattants, au même titre que Harold Dresser, Matt Passy ou Jack Howie. Faut savoir se servir de sa cervelle dans l’armée si on veut survivre ! »
(Soldat Howard Bartow)

Dans la boue et le froid glacial des tranchées, dans la furie et le carnage des combats, ils seront vite rattrapés par les désillusions.

« Chère madame,
Votre fils Francis est mort au bois de Belleau pour rien. Vous serez contente d’apprendre qu’au moment de sa mort, il grouillait de vermine et était affaibli par la diarrhée. Ses pieds avaient enflé et pourri, ils puaient. Il vivait comme un animal qui a peur, rongé par le froid et la faim. Puis, le 6 juin, une bille de shrapnel l’a frappé et il est mort lentement dans des souffrances atroces. Vous ne croirez jamais qu’il a pu vivre encore trois heures entières à hurler et jurer tour à tour. Vous comprenez, il n’avait rien à quoi se raccrocher : depuis longtemps il avait compris que toutes ces choses auxquelles vous, sa mère, lui aviez appris à croire sous les mots honneur, courage et patriotisme, n’étaient que des mensonges. »
(Soldat Sylvester Wendel)

Le plus terrible est sans doute que la guerre ne sera jamais terminée pour ceux qui en reviendront. Tant espéré au fond des tranchées boueuses, le retour à la vie civile, dans les foyers et les familles sera pour les vétérans une nouvelle épreuve avec son lot d’infamies.

« En trente ans de métier de soldat, j’ai vu beaucoup d choses, et j’ai observé la réaction de quantité d’hommes à la douleur, à la faim et à la mort, mais tout ce que j’ai appris, c’est qu’aucun homme ne réagit comme un autre, et que de cette expérience aucun ne ressort le même. Je n’ai jamais cessé d’être fasciné par cette chose qu’on appelle la nature humaine, qui a ses heures de beauté et ses heures d’abjection, ni par l’océan de bêtise qui s’étend entre les deux.
Je n’ai ni théories ni remèdes à proposer. Mais tout ce que je ais, malgré tout, c’est qu’il devrait y avoir au nom de l’humanité une loi rendant obligatoire l’exécution de tout soldat qui a servi au front et réussi à y échapper à la mort. Il est bien entendu impossible qu’une telle loi soit votée : car les chrétiens qui prient dans leurs églises pour la destruction de leurs ennemis et glorifient la barbarie de leurs soldats en les couvrant de bronze – ces mêmes personnes jugeraient cette mesure sauvage et cruelle et courraient aux urnes pour la rejeter. »
(Soldat Colin Urquhart)

Incompris d’une famille qui ne veut rien entendre de ce qu’ils ont enduré là-bas, rejetés par une bien-aimée dégoûtée par leurs mutilations, hantés par le cauchemar de l’Allemand qu’ils ont abattu…, les “gueules cassées” vont parfois se demander si les soldats morts au combat ne sont finalement pas plus bienheureux.

« Allez mon chéri, m’a dit ma mère. (…) Je sais que ce doit être douloureux de repenser à tout ça, tu n’as pas besoin d’en parler. »
(Soldat Paul Waite)

« Je me suis approché d’elle, mais je ne l’ai pas touchée. Je me suis agenouillé, j’ai appuyé ma joue contre ses genoux… Si elle avait seulement posé sa main sur ma tête ! Si elle avait seulement prononcé une parole bienveillante !… Mais non. Elle a fermé les yeux et elle s’est rétractée. J’ai senti les muscles de ses cuisses se raidir de dégoût.
– Si tu me touches, je vomis, elle a dit. »
(Soldat Walter Webster)

William March, de son véritable nom William Edward Campell, sait de quoi il parle : son action lors des tristement célèbres batailles du Bois de Belleau et de Saint-Mihiel en 1917 lui a valu les plus hautes distinctions militaires (Croix de Guerre française, Distinguished Service Cross et Navy Cross américaines). Fortement traumatisé par son expérience, il attendra une douzaine d’années avant de s’attaquer à la rédaction de Compagnie K, roman largement autobiographique, publié aux États-Unis d’abord dans un magazine sous forme de feuilleton de 1930 à 1932, puis dans sa globalité sous forme de roman, en 1933.
March ne cherche pas à enjoliver la réalité, à faire de la guerre le terreau d’un quelconque héroïsme, pas plus qu’il n’essaie de passer sous silence les atrocités les plus abjectes. Il livre le quotidien de la compagnie K dans sa réalité la plus crue ; les témoignages sont bruts, factuels. D’un réalisme désabusé qui glace les sangs.

« (…) la guerre est aussi infecte que la soupe de l’hospice et aussi mesquine que les ragots d’une vieille fille. »
(Soldat Andrew Lurton)

Et au fil de ces prises de parole, plus encore que la cruauté et la barbarie des combats, la violence des corps mutilés et des esprits dérangés, c’est toute l’absurdité, toute l’ironie, l’arbitraire et l’injustice de la guerre qui nous saute au visage. « Le triomphe de la stupidité sur toute autre chose. »
En cela, Compagnie K m’a ému, dérangé, révulsé de la même façon qu’en son temps le film Dalton Trumbo, Johnny got his gun.

Inédit en France jusqu’à aujourd’hui, Compagnie K n’est pas un recueil de témoignages sur la première guerre mondiale. C’est une dénonciation de la guerre, toutes les guerres, quelles qu’elles soient, qu’importent le lieu et l’époque où elles se déroulent.

« Au début, ce livre devait rapporter l’histoire de ma compagnie, mais ce n’est plus ce que je veux maintenant. Je veux que ce soit une histoire de toutes les compagnies, de toutes les armées. Si ses personnages et sa couleur sont américains, c’est uniquement parce que c’est le théâtre américain que je connais. Avec des noms différents et des décors différents, les hommes que j’ai évoqués pourraient tout aussi bien être français, allemands, anglais, ou russes d’ailleurs. »
(Soldat Joseph Delaney)

Compagnie K est un roman profondément humain poignant, révoltant et essentiel, au-delà du seul cadre des commémorations du centenaire de la Première guerre mondiale prévues l’an prochain.
Et si vous ne croyez toujours pas qu’il est plus qu’urgent de découvrir ce roman, allez voir par vous-mêmes les cinq premiers témoignages offerts à la lecture sur le site des éditions Gallmeister.

Toutes ces voix qui se libèrent, tous ces témoignages qui jaillissent dans la nuit, ont résonné chez moi comme celles du Projet Laramie, de Moïses Kaufman. Et je me suis imaginé quel beau moment ce serait de voir et d’écouter une pléiade de comédiens donner corps à ces voix sur scène, dans une mise en scène dépouillée, semblable à celle imaginée par Kaufman. Avis aux metteurs-en-scène…

Ce qu’ils en ont pensé :

Clara : « Toutes ces voix si réalistes portées comme un chant sont autant de vies. Un livre puissant et sobre que je ne suis pas prête d’oublier ! »

Emily : « William March montre avec beaucoup de justesse le traumatisme et le pessimisme d’une génération qui s’est sentie flouée, parce qu’on lui avait décrit la guerre comme belle et juste, et sacrifiée. C’est un grand livre, que l’on devrait tous lire de toute urgence pour comprendre l’horreur des tranchées, et la difficulté de l’après-guerre. Un document historique de premier ordre, basé sur l’expérience de l’auteur. »

La Cause Littéraire : « Compagnie K est un de ces livres dont on sait, en le lisant, qu’il rentrera pour toujours dans nos mémoires de lecteurs. Il marque d’un trait indélébile la première grande plainte du XXème siècle. »

Miss Leo : « Un remarquable témoignage sur la Première Guerre Mondiale, telle que l’ont vécue les soldats américains. A lire ! »

Sandrine : « Il n’y a pas un soldat, celui qu’on fantasme ou qu’on glorifie, mais autant de soldats qu’il y a d’hommes : des courageux et des lâches, des naïfs et des cyniques, des bellicistes et des pacifistes. Tous resteront marqués par ces mois de guerre, dans leur corps ou dans leur tête. (…) Les écrivains combattants en ont témoigné mieux que personne. »

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Compagnie K, de William March
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Stéphanie Levet
Gallmeister / Collection Americana (2013) – 288 pages