Quand un nouveau spectacle est à l’affiche, j’ai la fâcheuse tendance de me dire que j’ai tout le temps pour y aller… et bien entendu, les trois quart du temps je me fais avoir.
Il aurait été légitime de penser que deux ou trois grosses déconvenues me serviraient de leçon. Que nenni ! Je suis indécrottable, et je ne compte plus les occasions manquées.
Nombreux sont les termes pour qualifier le vélo pliant aussi appelé vélo pliable. Le vélo pliant est un peu de tout cela à la fois.
Ça m’est encore arrivé dernièrement avec deux pièces qui se sont jouées quasiment simultanément à Paris : Vincent River, de Philip Ridley, et Le Projet Laramie, de Moïses Kaufman.
Alors cette fois-ci pour compenser, je me suis procuré les textes parus aux Éditions de l’Amandier pour le premier, et à L’Avant-Scène Théâtre, pour le second.
Ces deux textes sont si bouleversants, leur charge émotionnelle et leur force de suggestion sont telles que je me suis demandé ce que j’aurais gagné à y avoir assisté live.
Depuis plusieurs jours, Anita a remarqué qu’un jeune homme la suivait. Pour enfin savoir ce qu’il lui veut, elle l’invite à entrer chez elle.
Davey, c’est son nom, est le garçon qui a trouvé le corps mutilé de Vincent, le fils d’Anita. Depuis cette morbide découverte, le fantôme de Vincent ne cesse de hanter Davey. Il veut savoir quel garçon était Vincent, quels étaient ses rapports avec sa mère.
De son côté, Anita presse Davey de questions : Qu’est-ce qui a poussé Davey vers cette gare désaffectée où gisait Vincent ? Qu’a-t-il fait exactement cette nuit-là ? A l’issue d’un face à face impitoyable, chacun en apprendra plus qu’il ne l’aurait imaginé.
Octobre 1998, à Laramie (Wyoming), un cycliste découvre Matthew Shepard, étudiant gay de 21 ans, ligoté à une barrière, agonisant après avoir été violemment frappé et torturé. Après plusieurs jours de coma, Matthew Shepard décède des suites de ses blessures.
En novembre, Moisés Kaufman part à Laramie avec quelques membres de sa troupe. Deux ans et quelque 200 interviews plus tard, sa pièce Le Projet Laramie est créée à Denver.
Témoignages de personnes plus ou moins proches de la victime, rapports médicaux, minutes du procès… Une soixantaine de personnages se succèdent, chacun exprimant son point de vue sur cette affaire -compassion, intolérance, hypocrisie.
La pièce ne porte aucun jugement, et évite tout manichéisme ou discours politiquement correct.
Outre leur thème – le rejet de la différence qui conduit au crime -, ces deux pièces ont certains points communs. Leurs répliques, incisives souvent, crues parfois, justes toujours, contribuent à ce côté “vérité”.
Enfin, chacune à sa façon dépeint son personnage principal par touches successives, qui accumulées en donnent au final une image plus complète : une polyphonie de témoignages, dans Le Projet Laramie, des révélations qui s’enchaînent en flash-back, dans Vincent River.
Vincent River, de Philip Ridley
Traduction : Sébastien Cagnoli – Éditions de l’Amandier – 124 pages
Le Projet Laramie, de Moïses Kaufman
Adaptation : Hervé Bernard Omnes – L’Avant-scène théâtre – 96 pages