mccoy-acheve-chevaux Los Angeles, 1935.
Alors qu’il quitte la Paramount, Robert Syberten, aspirant metteur-en-scène, croise accidentellement le chemin de Gloria Bettie.
Faisant route avec elle jusqu’aux studios Western, il apprend que la jeune fille est une obscure figurante qui court le cachet et ambitionne, comme lui, de devenir une star de cinéma.

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Sous le charme de Gloria, Robert va se laisser convaincre de participer à ses côtés à un marathon de danse.
Non seulement il y a 1000 dollars à la clé s’ils décrochent le premier prix, une petite fortune en cette période de Grande Dépression pour quiconque est issu de leur milieu social, mais il n’est pas question de laisser passer l’occasion de se faire remarquer d’un des producteurs qui se trouvent toujours dans l’assistance de ces manifestations.
Une chance unique pour ces deux apprenties vedettes sans grand avenir de se faire un nom à Hollywood.

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, il n’est pas nécessaire d’être un danseur chevronné pour remporter un marathon de danse ; l’endurance prime sur la technique. Pour les couples en lice, il suffit d’être suffisamment résistant pour enchaîner, des semaines durant, des sessions d’une heure cinquante sans jamais cesser de remuer.
À la fin de chaque période, les candidats disposent d’une pause de dix minutes pour récupérer, boire, manger, soigner leurs blessures, dormir… avant de retrouver l’arène et rejoindre la ronde infernale.
Jusqu’à épuisement total.
« Gloria et moi avions été prévenus par de vieux routiers que la seule façon de tenir le coup jusqu’au bout dans un marathon de danse, c’était d’utiliser au mieux ces pauses de dix minutes grâce à une méthode précise : apprendre à manger son sandwich tout en se rasant et en se faisant soigner les pieds, apprendre à lire les journaux en dansant, apprendre à dormir sur l’épaule de son ou de sa partenaire ; mais tout cela, c’étaient des trucs de métier qui demandaient de l’entraînement. »

Sur la piste, la compétition est rude pour Robert et Gloria. Certains concurrents sont de véritables professionnels qui ne vivent que de ces marathons de danse.
Le manque de sommeil, les courbatures, les douleurs finissent par jouer sur le moral des couples exténués. Dans la salle, le public se repaît avec un plaisir pervers du spectacle dégradant de ces jeunes qui s’effondrent comme des mouches, disqualifiés les uns après les autres. Robert et Gloria, eux, peuvent compter sur le soutien sans faille de la vieille Madame Layden qui, depuis les gradins, encourage avec passion son couple chouchou.

Au fil des jours et des semaines d’une compétition éprouvante tant pour les corps que pour les esprits, Robert va apprendre à connaître un peu mieux sa partenaire et les autres concurrents.
Jusqu’au dénouement que l’on sait tragique dès les premiers mots du livre.

En effet, le roman s’ouvre sur la lecture du verdict qui condamne Robert pour le meurtre de Gloria : « Accusé, levez-vous. » Verdict interrompu à treize reprises par des flashbacks qui retracent le parcours commun de Robert et Gloria.
Cette condamnation à mort, mise en suspens tout au long du récit, à la fois compte-à-rebours et épée de Damoclès, crée une tension chez le lecteur qui sait que tout sera joué dès que la sentence sera entièrement formulée.
Un malaise que renforce tout au long du récit l’ambiance oppressante et frénétique du marathon de danse. Comme les participants, le lecteur est aspiré par le rythme infernal de la compétition ; comme eux, il est coincé des jours entiers dans l’ancien dancing de la jetée-promenade, sans jamais voir la lumière du jour, tandis qu’au-dehors, tout proche, le Pacifique résonne comme la promesse d’un avenir inaccessible, indifférent au destin tragique de ces nouveaux gladiateurs qui luttent à l’intérieur du bâtiment.

Pas besoin d’avoir fait Saint-Cyr pour voir dans la compétition de danse une dénonciation de l’impitoyable machine à rêve hollywoodienne qui se joue avec cynisme de la naïveté des candidats à la gloire en leur faisant miroiter argent et célébrité.
Pour satisfaire un public voyeur, avide de spectacle sordide, les organisateurs du marathon ne vont pas s’embarrasser de scrupules. Pour gagner de l’audience, ils vont multiplier effets d’annonce et coups tordus, dans un scénario avilissant pour les participants. En cela, le roman paru en 1935 annonçait de façon prémonitoire la téléréalité de ces dernières décennies et ses dérives.

À ce jeu cruel, Robert, l’idéaliste embringué malgré lui dans la ronde infernale, et Gloria, toujours plus lasse et amère, vont laisser des plumes. Le jeune homme va devoir composer avec les accès dépressifs de plus en plus fréquents de sa cavalière qui ne cesse de ressasser son envie morbide d’en finir avec la vie.
« Voulez-vous me dire pourquoi tous ces savants à grosse tête n’arrêtent pas de se décarcasser pour essayer de prolonger la vie au lieu de chercher des moyens agréables pour la finir ? Il doit y avoir dans le monde une tripotée de gens comme moi, qui ont envie de mourir, mais qui n’en ont pas le courage. »

Est-on coupable de meurtre quand on supprime quelqu’un à sa demande, pour lui rendre service, en quelque sorte ? Robert ne le pense pas. On achève bien les chevaux, non ?
« Je me rappelle combien j’étais surpris quand on arrêta Mario pour meurtre. Je ne pouvais pas le croire. C’était un des plus gentils garçons que j’eusse jamais connus. Mais c’était alors que je ne pouvais pas le croire. Maintenant je sais qu’on peut être gentil et être en même temps un assassin. Personne n’a jamais été plus gentil avec une femme que je l’étais avec Gloria. Ce qui vous prouve que ça ne veut rien dire, d’être gentil… »
Mais les jurés qui l’ont condamné à mort ne sont pas du même avis.

Sombre et désenchanté, On achève bien les chevaux, d’Horace Mc Coy est un récit court mais saisissant sur l’absurdité de la condition humaine, un texte à charge contre le rêve américain. Un classique.

Ce qu’ils en ont pensé:

Allie : « L’écriture est vive, et n’a pas perdue de son charme malgré les années. L’histoire est intéressante et bien écrite. »

Karine : « J’ai vraiment aimé le style, direct et simple et j’ai beaucoup apprécié cette lecture. »

Lili Galipette : « Le texte est court mais percutant. Pas de fioriture, pas d’introspection. Le lecteur est happé par le rythme infernal du mouvement. Les faits s’enchaînent, se télescopent jusqu’à l’issue finale, doublement tragique. »

Orchidée : « Horace McCoy livre ici un brillant ouvrage sur la souffrance de l’homme, son avidité (ces êtres humais que l’on donne en spectacle et que l’on expose comme des bêtes de foire), son extrémisme. C’est un magnifique roman sur la condition humaine. »

William : « Un roman percutant qui montre encore une fois la plus mauvaise face de ce monde de paillettes, qui broie dans sa machine ces jeunes venus de tout le pays pour trouver un peu de gloire et qui se brûlent les ailes à sa lumière cruelle. »

Toujours plus sur Babelio.

On achève bien les chevaux, d’Horace McCoy
(They shoot horses, don’t they?) Traduction de l’anglais (États-Unis): Marcel Duhamel
Folio Policier n°117 (1999) – 184 pages