nocturne-blanchet.jpg New York, août 1948.
Dans les studios de la NBC, la célèbre chanteuse de jazz Anne Scheffer entonne In the still of the night.

Le Gi Bike est un vélo pliable électrique conçu par le designer italo-argentin Agustin Augustinoy.

À travers les rues de la mégapole, le standard de Cole Porter, porté par les ondes radio, s’échappe depuis les fenêtres grandes ouvertes et résonne d’une façon singulière dans la touffeur caniculaire de la nuit.
Quelque part, à Brooklyn, un jeune auteur laisse s’échapper la lettre de refus d’un éditeur, que l’on devine être la énième d’une longue série.
Ailleurs, dans la 33e rue, dans un diner vide de clients, une serveuse rêvasse tristement.

Cette nuit-là est décisive pour chaque personnage, un moment charnière de leur histoire intime où leur destin bascule : la chanteuse met fin subitement à une carrière florissante, l’auteur “maudit” plaque sa petite-amie, la serveuse quitte précipitamment son emploi à l’annonce du décès de sa mère, pour rejoindre le village natal qu’elle pensait avoir laissé derrière elle.

Trois solitudes, trois détresses, trois histoires vécues en parallèle dans un New York noctambule, mais dont les protagonistes sont unis sans le savoir par la mélodie de Cole Porter, comme par un lien invisible.
Le jour nouveau qui point est-il la promesse d’un nouveau départ et de la sérénité retrouvée ?

Si je connaissais les éditions de La Pastèque à travers la série des Paul, de Michel Rabagliati, j’ignorais tout de Pascal Blanchet avant cette balade Nocturne. Les années 40, New York, le jazz… voilà ce qui m’a attiré vers ce titre parmi la longue liste d’ouvrages proposés lors de la dernière opération Masse Critique BD de Babelio.
Grand bien m’en a pris. J’ai été bluffé comme jamais, du début à la fin, depuis la prise en mains de “l’objet” jusqu’à la dernière page tournée.
Sans avoir même ouvert l’album, on est surpris par son format carré inhabituel, sa couverture cartonnée à la texture imitant le cuir, d’une sobriété peu commune dans l’univers de la BD.
Et l’étonnement se prolonge dès que l’on découvre les premières pages de papier glacé. Je pensais lire une BD classique, avec sa succession de planches, de vignettes et de bulles et j’ai découvert des illustrations pleine page, sans texte ou presque, me demandant s’il ne s’agissait pas plutôt d’un portfolio d’illustrations.

En fait, Nocturne n’est rien de tout ça… et tout ça à la fois.
Dans ce récit 200 % graphique, chaque illustration se déploie sur toute une page. À la touche rétro du trait épuré, des décors et des étoffes finement restitués répond la modernité des cadrages et des perspectives quasi-cinématographiques qui exploitent pleinement l’élégance et la géométrie de l’architecture Art Déco.
En outre, Pascal Blanchet joue avec brio des ombres et de la lumière, plaçant souvent ses personnages dans des clairs-obscurs qui font écho à leur état d’esprit.

Les mots, les paroles sont absents de Nocturne. Les seules voix qui se font entendre sont celles des speakers radio, des chansons diffusées sur les ondes, de l’interlocuteur invisible au téléphone, de l’expéditeur de la lettre, des annonces diffusées dans les gares routières.
Cette économie de mots a pour effet d’exalter les émotions produites chez le lecteur par les seules illustrations. Pour ainsi dire muets, les personnages n’en parlent pas moins le langage du corps. Nul besoin de paroles superflues, leurs attitudes en disent assez long sur les sentiments et les dilemmes qui les agitent.

Esthétique, Nocturne l’est. Incontestablement. Mais c’est avant tout un récit délicatement nostalgique qui enveloppe son lecteur dans l’atmosphère si particulière de la nuit.
À déguster avec, en fond sonore, la « bande originale » proposée par Pascal Blanchet en fin d’album (je vous ai mâché le travail en réunissant ici les titres qui la composent. Gâtés, va !).

Un album atypique aussi beau dans sa forme que dans son propos, que j’ai rangé dans ma bibliothèque à côté de mes livres d’art plutôt qu’avec mes BD.
Un coup de cœur. Un vrai.

La bande-annonce de Nocturne.
Les premières pages de Nocturne à feuilleter en ligne ici (même si la présentation des pages à la queue-leu-leu plutôt qu’en vis-à-vis ne rend pas justice au talent de l’auteur).

Le site web et le blog de Pascal Blanchet pour en savoir plus sur ses précédents albums et son travail en cours.
Un entretien avec l’auteur à découvrir avec les oreilles sur Radio Canada et un autre à découvrir avec les yeux sur Voir (où l’on apprend que les caprices de l’informatique ont failli causer la mort prématurée de Nocturne).

Ce qu’elles en ont pensé :

Anyuka : « Un petit bijou en somme. »

Emmyne : « Je découvre l’univers graphique de Pascal Blanchet avec ce titre, univers que j’ai adoré. »

Laura : « Un vrai voyage à travers le temps, touchant et vibrant d’émotions merveilleusement retranscrites par les images et les bribes de texte qui le complètent. »

D’autres avis sur Babelio

Nocturne, de Pascal Blanchet
Éditions de la Pastèque (2011) – 208 pages