je-villon-teulé C’est tandis que la pucelle d’Orléans finit de se consumer lentement sur son bûcher que François de Montcorbier voit le jour.
Son père, dont le cadavre se balance toujours à la potence du gibet de Montfaucon, n’aura pas eu la chance de l’entendre pousser son premier cri.
Sa mère se verra réserver le même sort, quelques années plus tard : alors qu’elle a déjà eu les oreilles coupées en représailles de deux précédents larcins, elle sera pendue pour un troisième vol… qui n’en était pas un.

Ce vélo pliant électrique de haute qualité vous rendra la vie beaucoup plus facile.

Avant de mourir, elle confie son jeune fils au chanoine Guillaume de Villon.
Toute sa vie durant, maître Guillaume prendra soin de François comme de son propre fils. A tel point que celui-ci le considèrera toujours comme son « plus que père » et prendra son nom. Voulant faire de François un érudit et un religieux, le brave homme lui fait suivre des études à l’université de Paris.
François devient clerc. Mais s’il arbore tonsure, froc et bonnet, son comportement n’est en rien celui d’un homme de Dieu. Aux bancs de l’université, l’étudiant indiscipliné et facétieux préfère ceux des tavernes et des bordels.
En compagnie d’amis peu fréquentables, il se retrouve impliqué dans des bagarres de soulards et des vols qui n’ont plus rien de l’esprit bon-enfant du temps où il arpentait les rues à la nuit tombée pour y chaparder les enseignes des maisons et des boutiques du Quartier Latin.

Ses premiers gros ennuis surviennent quand, lors d’une rixe, il blesse un prêtre, Philippe Sermoise, qui décèdera le lendemain de ses blessures. Pour échapper à la justice, Villon doit fuir Paris. Il a 24 ans.

François Villon a connu de nombreux démêlés avec la justice, l’errance, l’emprisonnement, la torture et l’exil. Mais jamais, au cours de sa vie dissolue et mouvementée, il n’a cessé d’écrire des vers et de composer des poèmes.
En rupture avec les usages policés du poème courtois, ses ballades, rondeaux, lais et quatrains ont traversé les âges et alimenté sa légende par leur caractère largement autobiographique.
« Presque tous mes vers roulent sur moi, sur ma vie, mes malheurs, mes vices. Je trouve mon inspiration dans les bas lieux, dans les amours de coin de rue !
– Pourquoi ne racontez-vous pas en un quatrain, par exemple, un peu de neige sur une branche ?
– Ce n’est pas le scintillement de la neige sur la branche que je vois l’hiver, mais les engelures aux pieds !
– Décrivez la rivière du Maine, la forêt là-bas… insiste René.
– Je ne suis pas champêtre, pas paysagiste du tout ! Mon seul arbre est la potence. Je ne fais rien de la nature. Pour moi, il n’est de paysage que la ville, le cimetière est ma campagne, mes couchers de soleil sont les rixes dans la rue ! Je sors de la poésie bel esprit.
– Vous êtes le mauvais garçon du siècle !
– Je ressemble sans doute à un balai de four à pain mais je fais la sale besogne d’enlever la suie sur les mots d’amour courtois et les pastorales ! Mes maîtresses ne sortent pas de l’imagination châtrée d’un évêque. Mes maîtresses sont la blanche savetière et la gente saulcissière du coin qui veulent bien, vite fait, derrière un tonneau. »

Toutefois, de celui considéré aujourd’hui comme le premier poète maudit, on ne sait guère plus que ce que nous apprennent son œuvre et les quelques documents officiels retrouvés dans les archives de la justice.
Pour écrire, Je, François Villon, Jean Teulé s’est glissé dans la peau du poète. Dans un récit à la première personne, il en retrace la vie, prenant un plaisir visible à en combler les nombreuses zones d’ombre. C’est pourquoi si, de toute évidence, il s’est efforcé de circonscrire son récit au plus près de la réalité historique, il ne faudrait pas considérer Je, François Villon comme une biographie du poète médiéval.
Encore moins comme une hagiographie, car Teulé s’abstient d’idéaliser Villon, d’en faire une figure aimable, une icône collant à sa légende. Au contraire, il en livre un portrait sans concession qui met en lumière toute la dualité de l’homme, à la fois poète et criminel, fréquentant aussi bien les lettrés et les rois que les brigands et les prostituées, un homme en révolte permanente mais qui ne rechigne pas à rejoindre les rangs des courtisans quand cela lui semble nécessaire.

Les frasques estudiantines nous rendent Villon sympathique, beaucoup moins sa fascination quasi morbide pour le sordide et la fange, qui le conduit aux pires ignominies, comme livrer à un viol collectif sa bien-aimée, Isabelle de Bruyère, en signe d’allégeance à une bande de bandits sans foi ni loi (événement fruit de l’imagination de Teulé).
François Villon est-il criminel par plaisir ou par accident ? À moins qu’il ne soit qu’un marginal qui a fini par payer un lourd tribut à sa quête effrénée de liberté absolue ? Une chose est certaine, il est un homme de son époque.
Impossible de dissocier Villon de ce Moyen-âge trouble, marqué par la violence sous toutes ses formes : guerres, justice expéditive, exécutions sommaires, tortures, peste, famine, promiscuité, puanteur et manque d’hygiène total… La vie est dure, courte et de peu de valeur ; la mort, omniprésente. Toutes les deux sont intimement liées (comme dans le pâté à base de chair de suppliciés du charcutier !).

Difficile dans ces conditions de blâmer Villon de vouloir jouir de la vie, d’abuser d’alcool et de sexe, sans se soucier des conséquences puisque la mort peut frapper à tout instant.
Autant j’avais regretté que Mangez-le si vous voulez se résume presque uniquement à une description complaisante du traitement réservé à Monéys, autant ici, j’ai trouvé justifiées les descriptions, souvent crues, de la violence, du sexe et des tortures. Non seulement elles font partie intégrale du quotidien, mais elles sont indispensables pour appréhender la personnalité de Villon et mieux comprendre sa poésie. Reprocher à Teulé cet aspect du roman reviendrait à visiter certaines régions défavorisées du monde, en se pinçant le nez d’un air dégoûté, tout en détournant les yeux des populations miséreuses. Mieux vaut choisir une autre destination ou faire un tour à Disneyland.
D’autant que de toute cette salté émergent des figures lumineuses dont la bonté contraste avec la noirceur environnante : le bienveillant chanoine Guillaume à qui Villon devra plus d’une fois son salut ; la douce Isabelle qui, après avoir vu son amour trahi, préfèrera s’enterrer vivante dans une loge de recluse. Moins ragoutante, Margot la prostituée crasseuse et obèse est elle aussi, à sa manière, une lueur d’humanité dans cet univers bestial.

Je, François Villon est une brillante réussite, au rythme enlevé, captivante de bout en bout, tantôt drôle, tantôt mélancolique. Teulé réussit à restituer une langue foisonnante qui crée l’illusion de venir tout droit du Moyen-âge, sonnant comme de l’ancien français médiéval parsemé d’argot Coquillard, à la fois truculente et désenchantée, paillarde et poétique. Une langue qui ne “jure” pas quand sont insérés sous leur forme originale certains des poèmes de Villon, traduits ensuite en français moderne.
Je gardais un souvenir pour le moins abscons de La ballade des pendus qu’on m’avait présentée telle quelle au collège, sans aucune explication contextuelle. Mieux que mon prof de français de l’époque, Jean Teulé a su m’intéresser à Villon et m’a rendu sa poésie abordable, compréhensible… et donc touchante.
Une découverte que je dois à mon collègue Alexandre.

Une version BD tirée du roman de Teulé, signée Luigi Critone, vient tout juste de sortir aux éditions Delcourt.
Les avis de Jérôme et de Wal sur l’adaptation du roman par Critone.

Ce qu’ils en ont pensé :

Antigone : « Je suis navrée mais je n’ai pas pu lire ce livre…trop de tueries, de sang, et de scènes dégoûtantes. (…) François Villon, je vous laisse à votre moyen-âge et m’en vais découvrir d’autres contrées, plus clémentes… »

Biblioblog : « J’ai commencé cet ouvrage avec curiosité et je l’ai fini avec un sentiment de plénitude, d’achevé. J’ai sourit beaucoup, été écœuré un peu et rit pas mal de fois. »

Bladelor : « J’ai essayé, et je n’ai pas pu. Cependant, et comme toute expérience nous apporte quelque chose, cet essai de lecture m’aura quand-même permis d’entrer en contact avec l’écriture de Jean Teulé que j’ai par ailleurs beaucoup appréciée. »

Caro(line) : « Ce livre est très bien écrit, dans un beau langage. Je me suis laissé entraîner dans les aventures de François, mais j’avoue ne pas avoir été emballée plus que ça. »

Cathe : « J’ai été passionnée par ce livre car, même si certains passages vous mettent un peu le cœur au bord des lèvres, on a l’impression, en le refermant, d’être entré dans l’intimité de François Villon et de mieux le connaître. »

ChezLo : « François Villon (…) reste un mystère. A l’inverse, le travail historique, que l’auteur n’a pu éviter de faire, donne au livre des allures de fresque médiévale très réaliste (réelle ?), saisissante et vivante. »

Chimère : « Finalement, il n’y a rien de sympathique dans le personnage de François Villon, de nos jours, il ferait dans le braquage et le meurtre gratuit et je suis probablement trop moraliste mais ce n’est pas vraiment le genre de personnage pour qui je peux avoir ne serait-ce qu’un peu de sympathie. »

Choupynette : « Malgré la dureté de certains passages, j’ai été frappée par cette lecture (dire que je l’ai aimée n’est vraiment pas le mot, car on souffre beaucoup), qui reste encore très présente à mon esprit plus d’une semaine après… »

Delphine : « L’auteur n’oublie pas de nous narrer la période fort troublée durant laquelle a vécu le poète et à la poésie de l’homme se juxtaposent les horreurs et la barbarie qui font que, plusieurs fois l’envie de refermer l’ouvrage m’a effleuré. »

Depagesenpages : « J’ai laissé François Villon sur les routes angevines. Je me suis lassée des horreurs de cette époque même si j’ai apprécié la plume de Jean Teulé (…). Cette biographie a le mérite de replacer les poèmes de Villon dans leur contexte et d’en éclairer leur compréhension. »

Gambadou : « J’aurais aimé plus de passage sur sa poésie, et moins sur la sanglante vie de l’époque. Je n’ai pas réussi à finir…. »

Grominou : « Je comprends bien que Teulé a voulu nous montrer un Moyen-âge différent de celui, par exemple, de Jeanne Bourin (…) Mais personnellement mon Moyen-âge, je le préfère un peu moins gore. Surtout que le Villon qu’on nous présente est 100 % antipathique. »

Joëlle : « Une lecture parfois choquante, parfois très crue, toujours puissante, toujours captivante, elle est en tous points remarquable ! »

Kalistina : « Si l’on parvient à dépasser ce qui pour moi constitue, non pas un défaut du récit puisqu’il en est constitutif, mais simplement sa part d’ombre, on se passionne pour la vie de François. Le rythme ne faiblit jamais et j’ai été emportée jusqu’à la dernière page. »

Karine : « Aussitôt le livre refermé, je me suis précipitée pour “démêler le vrai de la légende”, tâche qui s’avère presque impossible ! »

Katell : « Un texte qui ne laisse pas indifférent, un texte captivant, un texte qui peut être très dérangeant…et un texte d’une sensibilité exacerbée et qui en devient beau ! »”

Liliba : « Une vraie lecture plaisir, s’alliant de plus avec un peu de culture générale, ce qui ne peut pas faire de mal ! »

Malice : « Le grand mérite de Jean Teulé est de nous faire connaître ce grand poète de façon accessible. »

Papillon : « Presque malgré moi, j’ai été emportée par la langue, puis par la réalité brutale de cette époque, jusqu’à me sentir pleine de compassion et de tendresse pour cet homme que la vie n’a pas gâté et qui n’était ni plus ni moins barbare ou cruel que son époque, et dont la poésie, en tout cas, transcende les siècles. »

Sylire : « Même si la lecture de certains passages m’a coûté, voire écœurée, je ne regrette pas ce voyage au cœur du Moyen-âge, bien au contraire. Jean Teulé a une belle écriture. Je le relirai très certainement. »

Thom : « (L’auteur) s’est nourri de son histoire (donc de ses poèmes) se l’est appropriée et l’a digérée admirablement, signant un de ces livres terriblement documentés et fouillés qui n’en ont jamais l’air – les meilleurs comme chacun sait. »

Yspaddaden : « J’imagine bien que certains lecteurs trouveront cet humour déplacé et certaines scènes insoutenables. Moi je trouve que Teulé est un bon romancier, qui sait restituer l’atmosphère d’une époque, qui a travaillé son sujet et qui ne s’embarrasse pas d’empathie ou de bienséance. J’ai été prise dans ce roman fascinant et violent. »

Yueyin : « Un régal dans un style unique où on ne sait quand s’arrête Teulé pour faire place à Villon… une pure merveille ! »

Et sur Babelio

Je, François Villon, de Jean Teulé
Pocket n° 13135 (2007) – 238 pages