rosa-candida-olafsdottir Comment peut-on être père alors qu’on ne se sent pas encore un homme ?
Comment peut-on envisager une vie de couple alors qu’on n’a pas vraiment coupé le cordon avec sa mère adorée, tout juste décédée ?

Arnljótur, jeune Finlandais de 22 ans, a pris la vie à contre-pied.
Il a conçu un « enfant-accident » avec Anna, une étudiante en biogénétique… qui se trouve être la petite-amie de son meilleur ami. Une aventure d’un « quart de nuit », sans lendemain, puisqu’il ne reverra cette jeune fille qu’il connaît à peine que neuf mois plus tard, quand elle vient lui annoncer sa nouvelle paternité.

vélo-pliant.

Ajoutant à la confusion du garçon, peu de temps avant que sa petite Florá Sól voie le jour, Arnljótur perd sa mère dans un accident de voiture. Très proches, ils cultivaient ensemble des roses dans la serre attenante à la maison familiale. Leur fierté ? La Rosa candida, une variété rare à huit pétales solidaires, de couleur pourpre et à la tige dépourvue d’épines.

Le jour où il décide de quitter son Islande natale, laissant son vieux père et son frère jumeau autiste, il emporte avec lui ce qu’il possède de plus cher : trois boutures de Rosa candida, soigneusement protégées dans du papier humide, et la photographie de Florá Sól, alors âgée de six mois et demi.
« L’incarnation de ma négligence en matière de contraception me regardait en face. »

Au volant de sa vieille bagnole jaune, il traverse le continent pour rejoindre le Merveilleux Jardin des Roses Célestes dont tous les livres anciens vantent la beauté. Avec l’accord des moines qui occupent les lieux, Arnljótur entreprend de rendre son lustre d’antan à ce jardin retiré, aujourd’hui à l’abandon.

Partir pour mieux se retrouver. Sur ce postulat usé jusqu’à la corde, Audur Ava Ólafsdóttir a bâti un récit d’apprentissage lumineux, à la voix singulière et attachante. De Rosa candida émanent une tendresse et une poésie qui sont surtout inhérentes à son personnage central.

Rouquin lunaire, Arnljótur est un doux rêveur, en questionnement permanent sur la façon dont il doit s’y prendre avec les gens qu’il rencontre, se comporter face aux événements qu’il traverse. Toutes ces choses de la vie qu’il croyait aller de soi ne lui viennent pas naturellement. Gauche, il doit apprivoiser la vie. Son manque de confiance en soi le rend touchant.
« J’avais tellement peur d’être rejeté, peur qu’elle me repousse et comme elle ne l’a pas fait, j’ai encore plus peur. »

D’une grande fraîcheur, le jeune homme n’a pas peur de dévoiler ses fragilités, ses doutes, ses hésitations, quand d’autres que lui afficheraient une assurance de façade par peur de se ridiculiser.
« Il me semble qu’il y a comme un petit bruit parasite dans la voiture. Si un problème technique se présente, il ne faudra pas mesurer ma virilité à l’aune de mon aptitude à réparer une bagnole en panne car je ne suis pas ce genre de type. »

Foncièrement lucide, il n’est ni naïf, ni crédule. C’est d’ailleurs pourquoi, comme le titre du roman tendrait à suggérer, s’il est candide, c’est uniquement dans le sens premier du terme : « pur », « franc », « sincère ».

Dans cette histoire pas vraiment conte ni tout à fait roman, le lecteur croise aussi un vieux papa gâteau de 77 ans, déboussolé par la perte de sa femme ; une petite fille aux airs d’enfant Jésus, drôlement gracieuse et éveillée (ça donnerait presque envie d’avoir des enfants tant elle est parfaite et sans problème !) ; un moine épicurien, amateur d’eaux de vie de fruits, mais surtout cinéphile passionné, qui puise dans le cinéma d’auteur les réponses aux questions existentielles d’Arnljótur.

Point de chute de ce voyage initiatique, le monastère a des airs d’Éden terrestre, reproduction grandeur nature au soleil du sud de la serre familiale des terres australes. Là, à l’instar du Candide de Voltaire, Arnljótur va cultiver son jardin, au propre comme au figuré. En remettant en état la roseraie du monastère, à force de désherbage et de plantation, il va du même coup remettre de l’ordre dans son existence.
« Je suis là, en train d’organiser un jardin de rêve où littéralement tout ce qui est mis en terre pousse et se développe, et j’essaie de mettre de l’ordre dans ma vie. Même si je suis son père, j’ignore ce qui est mieux pour l’enfant ; je ne sais même pas ce qui est le mieux pour moi. On peut dire qu’un gosse m’est tombé dessus avant que j’aie pu décider si j’allais en avoir ou pas. »

Dans ce coin perdu, où il pensait s’isoler du monde pour prendre le temps de faire le point, il va au contraire venir au plus près des personnes chères à son cœur, apprendre à connaître la mère de sa petite fille, à devenir un amant et un père.
« Ceux qui arrivent à entrer un court instant dans la vie des autres peuvent avoir plus d’importance que ceux qui y sont installés depuis des années ; j’ai déjà fait l’expérience de ce que le hasard peut être sournois et lourd de conséquences. »

Sans en avoir l’air, en toute simplicité, Rosa candida instille un doux sentiment de plénitude, surtout dans la seconde partie du récit qui touche à la vie au monastère que j’ai préférée à la première, relatant le voyage du narrateur.
Un joli roman hors du temps et à la géographie floue, tout doux et plein de poésie, sur la paternité, l’amour et le deuil.

Pour aller plus loin avec Rosa candida et lire un extrait c’est sur le site de l’éditeur Zulma que ça se passe ou en pièce jointe à ce billet.
Également, une vidéo dans laquelle l’auteur présente son roman.

Ce qu’ils en ont pensé :

Comme d’habitude, je suis à la bourre sur mes petits collègues et depuis la sortie du roman, pléthore de billets sur Rosa candida ont fleuri sur le web. Beaucoup sont recensés sur Babelio.
En voici qui n’y sont pas répertoriés, tirés de blogs auxquels je suis fidèle :

Ankya : « Ce roman a été une très bonne surprise ! »

Antigone : « Malgré toutes les bonnes critiques entrevues un peu partout, je m’ennuie terriblement à lire ce roman, et comme c’est un emprunt de bibliothèque, et bien tant pis… j’abandonne. »

Aproposdelivres : « Ce livre est pour moi un vrai coup de cœur, c’est frais, c’est tendre, c’est touchant, c’est poétique. »

BMR & MAM : « Un roman en forme de berceuse, très “zen”, où il faut accepter de se laisser porter, tout comme le héros, sans jamais trop savoir où cela va nous/le mener. »

Cathe : « Cette histoire originale a un côté merveilleux qui nous enchante. »

Cathulu : « Un roman chatoyant comme une bulle de savon mais qui reste longtemps en mémoire. Un gros coup de cœur ! »

Chiffonnette : « Un petit bijou, un moment de bonheur confortable comme un vieux canapé recouvert d’un plaid douillet, un banc à côté d’une fontaine un jour de beau temps, un fruit mûr qu’on déguste… »

Choupynette : « J’ai fini ce roman, mais sans vrai plaisir de lecture. Tout m’a semblé très trivial, dans le mauvais sens du terme. Certains écrivains parviennent, en racontant les choses les plus basiques (voire carrément inintéressantes) à les sublimer, à leur donner de l’intérêt. Ici, rien de cela. Le style est d’ailleurs très plat. »

Cuné : « C’est un roman adorable au sens premier du terme, un roman pour pousser des petits “Ooooooooooh”, pour ressentir la lumière qui nimbe les petites scènes, on voudrait le papouiller entre nos mains. »

Esmeraldae : « Un premier roman très bien réussi. »

Gambadou : « En fait, j’ai plus l’impression d’avoir lu un conte gentillet, agréable et bien écrit, mais qui ne me laissera pas un souvenir impérissable. »

Gwenaëlle : « Il ressort une grande humanité et un parfum léger de Rosa Candida qu’on voudrait humer encore plus longtemps… »

Kali : « C’est sucré, mais pas comme une guimauve, plutôt comme un bonbon de l’enfance… ou un bouquet de roses printanières. »

Liliba : « Je suis bien évidement tombée sous le charme de l’écriture de l’auteur, vraiment très belle et agréable à lire, mais mon cœur n’a pas vibré pour cette histoire… »

Melle Curieuse : « Une histoire douce qui mêle l’odeur des roses aux imprévus de la vie. Une déception toutefois sur cette histoire qui tourne autour de la rose Rosa Candida sans jamais vraiment la toucher du doigt. »

Pagesapages : « Le décalage entre le narrateur et ce qui l’entoure, teinté d’humour candide, imprime un rythme faussement léger, entre perturbations, contemplations et lucidité ironique. »

Sylire : « Un joli conte des temps modernes (ou d’un autre temps ?) au charme indéfinissable. »

Sylvie : « Divertissant, drôle, tendre, émouvant, rafraîchissant (…) Un vrai bonheur ! »

Yueyin : « Le style très simple confine parfois à la poésie, les recettes donnent envie d’être essayées et les personnages sont ma foi bien agréables à côtoyer. Une jolie réussite ! »

Rosa candida, de Audur Ava Ólafsdóttir
(Afleggjarinn) Traduction de l’islandais : Catherine Eyjólfsson
Zulma (2010) – 333 pages