exode

Retour d’exode © Co-Libris.net

« Après avoir considéré d’un œil terne ces bâtiments sans attrait, Diane remit leur véhicule en marche. Elle écarta les deux rênes l’une de l’autre l’air professionnel, claqua de la langue et cria : « Hou là !… Hou là !… Hou là là ! » ce qui, sans qu’il sût pourquoi, au lieu de l’amuser, agaça Loïc qui l’avait rejointe au banc des commandes.
– Ce n’est pas « Hou là ! Hou là là ! » marmonna-t-il malgré lui.
Diane, que les chevaux obéissants renforçaient dans son assurance, tourna vers lui un visage irrité :
– Ce n’est pas quoi ?
– Ce n’est pas « Hou là là ! Hou là là ! » qu’on dit aux chevaux… A vrai dire, cela n’a aucune importance, Diane, de toute façon. Regardez donc la route, plutôt, devant.
Hélas, il avait touché une corde, très nouvelle sans doute mais très sensible, dans l’orgueil de Diane.
– Ah bon ! Ce n’est pas « Hou là ! » demanda-t-elle d’une voix étonnée et sarcastique qui rappela à Luce certaines de ses philippiques et lui fit jeter vers Loïc des yeux effrayés.
– Et c’est quoi, alors, s’il vous plaît, cher ami ?
Loïc, qui regrettait déjà sa remarque, se débattit :
– Je ne sais pas… Je ne sais pas précisément. Moi, j’aurais plutôt dit : « Hue ! Hue ! Hue dia ! »
Il sourit avec d’autant plus de gêne que le silence, à l’intérieur de cette combe, était deux fois plus sonore que là-haut, au ras des champs.
– Hue ? Hue dia ?… répéta Diane. Et elle fouillait des yeux les buissons alentour comme pour y interroger un dieu agricole caché dedans.
– Hue dia ? répéta-t-elle d’un ton incrédule. Vous êtes sûr, mon cher Loïc ? C’est un souvenir personnel ou c’est le fruit de vos lectures ?
– Oh, laissons tomber ! dit-il en se détournant et en tentant de regagner sa place tranquille au bout de la charrette, près de Bruno, mais un cahot sur la route l’obligea à se cramponner au banc.
– Voulez-vous prendre les rênes ? Vous auriez peut-être d^^u le faire tout à l’heure, quand les bêtes avaient le mors aux dents et nous menaient au galop vers quelque autre catastrophe ! Votre « Hue dia ! » les aurait surement arrêtées ! C’est idiot que dans mon ignorance je n’aie pas su plus tôt ce terme, cela m’aurait évité de me battre avec ces choses-là ! (Diane indiquait les rênes dans ses mains.) Et de m’y casser deux ongles en criant Hou là là. Remarquez, ces bêtes, courtoises, ont fait semblant de reconnaître mon langage… La preuve : regardez-les, toutes tranquilles ! Mais je veux bien essayer votre « Hue dia ! » si vous voulez, Loïc, si c’est leur vrai dialecte !…
– Vraiment, Diane, dit Loïc, épuisé – et agacé aussi car le profil de Bruno accusait une joie perfide à l’écoute de leur dialogue – , vraiment, ce n’est pas la peine !
– C’est toujours la peine de s’instruire ! N’est-ce pas, vous deux ? cria-t-elle à ses fidèles percherons. On va essayer ! Allez !… Hue dia ! Hue dia ! Hue dia ! lança-t-elle avec dérision mais d’une voix de stentor qui provoqua chez ces bêtes peut-être polyglottes une accélération machinale, à moins que la proximité de leur écurie n’eût déjà redoublé leur énergie. Et c’est avec un Loïc plus inquiet que triomphant qu’ils entrèrent dans la cour de la ferme au petit galop.
– Ho !… Ho là !… Ho là ! Ho !
Les mânes de quelques aïeux gentlemen-farmers leur soufflant le même mot pour freiner les bêtes, ils arrivèrent à les arrêter en même temps que leur discussion. »
(p. 45-49)


vélo pliant de route, vélo pliant tout chemin ou vélo pliant urbain.

« – Je ne sais pas si vous vous rendez compte, Loïc, mais depuis ce matin nous avons été mitraillés trois ou quatre fois, notre chauffeur a été tué sous nos yeux, notre voiture démolie et flambée, notre hôte a eu la cheville transpercée par une balle, ses chevaux se sont emballés et c’est un miracle que j’aie pu les dompter… et maintenant nous voilà dans un bâtiment rustique à demander asile à une femme qui ne parle pas un mot de français ! J’ai beau avoir un caractère d’acier, je vous l’avoue, Loïc, il commence à plier… »
(p. 52)