maynard-long-week-end Henry peut être content de lui. Prétextant des achats pour la prochaine rentrée des classes, il a réussi à entraîner sa mère dans une virée au Pricemart du coin.
Un événement pour Adele qui ne met plus un pied dehors qu’en cas d’extrême nécessité, soit une fois par mois pour faire le plein de plats surgelés et de boîtes de soupe Campbell’s constituant l’ordinaire de leurs repas.
Voilà qui va occuper un peu leur journée et donner un petit air d’exceptionnel à ce long week-end du Labor Day qui s’annonce déjà comme interminable.

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Depuis que son père s’est remarié avec son ancienne secrétaire, Henry, treize ans, vit seul avec sa mère.
Sans autres amis qu’Evelyn, une connaissance d’Adele, éternellement escortée de son fils Barry, handicapé mental.
Sans autre famille que celle, recomposée, de son père, avec qui Henry doit déjeuner tous les samedis. Son calvaire hebdomadaire.

Henry le sent, Henry le sait : Adele n’est pas une mère ordinaire. Neurasthénique, cyclothymique. Folle pensent certains.
« Parfois je me demandais si le problème n’était pas qu’elle avait trop aimé mon père. J’avais entendu parler de cas de personnes qui ne se remettaient jamais de la mort ou du départ de quelqu’un qu’ils avaient trop aimé. On disait qu’ils avaient le cœur brisé. Un soir, pendant notre dîner de surgelés, au moment du troisième verre de vin, je faillis lui poser la question. Est-ce que pour haïr quelqu’un comme elle semblait haïr mon père, il ne fallait pas d’abord l’avoir beaucoup aimé ? Comme dans le jeu de bascule : plus bas descend l’un, plus haut monte l’autre.
J’ai fini par conclure que ce n’était pas d’avoir perdu mon père qui avait brisé le cœur de ma mère – si c’est bien ce qui lui était arrivé -, c’était d’avoir perdu l’amour tout court – voyager en vendant du pop-corn et des hot-dogs, traverser l’Amérique en dansant, vêtue d’une robe scintillante et d’une petite culotte rouge. Avoir quelqu’un qui vous dit tous les jours que vous êtes belle, ce que faisait mon père, racontait-elle. »

Tout à la fois peiné et un peu honteux du comportement de sa mère, Henry veille tendrement sur elle, la protégeant de tout ce qui serait susceptible de briser son fragile équilibre. Pas facile dans ces conditions de s’intégrer aux garçons de son âge avec lesquels il se sent toujours en décalage.
Ça ne l’empêche nullement de commencer à s’intéresser de près aux filles et aux “choses de la vie”. Alors, pendant que sa mère fait le tour des allées de la supérette, il en profite pour s’esquiver jusqu’au présentoir des magazines reluquer le dernier numéro de Playboy. Discrètement, un homme l’aborde, la jambe en sang, et lui demande si sa mère peut le déposer quelque part, chez eux peut-être ?
Sans lui poser de question, Adele accepte de venir en aide à cet homme qui se trouvera être un prisonnier en cavale.

Henry qui s’ennuie à mourir dans sa banlieue résidentielle accueille les événements avec une certaine excitation, voyant dans l’aventure l’occasion idéale de bousculer enfin le quotidien. Même si Adele et lui sont des otages peu ordinaires, puisque Frank, c’est le nom du prisonnier, à aucun moment ne les menace et ne possède même pas d’arme.
« Je croyais que vous nous reteniez prisonniers. Qu’est-ce qu’il se passera si ma mère ou moi on file pendant que vous aurez le dos tourné ?
Eh bien, ce sera votre vraie punition. Vous devrez retourner dans le monde. »

Au fil des heures, l’homme qu’ils découvrent sa mère et lui n’a rien de commun avec le dangereux meurtrier décrit dans les bulletins d’information. Bricoleur, Frank entreprend de changer les ampoules grillées depuis des mois que ni Adele ni Harry n’avaient pris la peine de changer, il décape les huisseries. C’est lui également qui prépare le café et les petits déjeuners, confectionne de succulentes tartes aux pêches. Le redoutable criminel se révèle un homme foncièrement bon, plein de délicatesse.
« En tout cas, une chose est sûre : la façon qu’il avait de porter la nourriture aux lèvres de ma mère, et elle de la recevoir, n’avait rien de commun avec ce que faisait Evelyn quand elle donnait à manger à Barry. (…) On pourrait croire que c’est plutôt humiliant pour quelqu’un de devoir se faire nourrir comme ça par quelqu’un d’autre. Obligé d’avaler, même si la cuiller est trop pleine, ou de rester la bouche ouverte, s’il n’y en a pas assez. On pourrait supposer que ça vous rend furieux ou désespéré, et que du coup, la seule chose à faire c’est de recracher la nourriture à la figure de la personne en question. Après quoi, vous mourrez de faim.
Mais il y avait une sorte de beauté dans la façon dont s’y prenait Frank, on pensait à un joaillier, ou à un savant maniant une éprouvette, ou à un de ces vieux Japonais qui passent une journée à travailler sur un unique bonsaï.
Il veillait à ce que chaque cuillerée soit pleine juste comme il faut, afin qu’elle ne s’étouffe pas et ne bave pas. Il comprenait, c’est évident, le genre de personne qu’était ma mère, soucieuse de son apparence, même sans autre spectateur dans sa cuisine que son fils et un prisonnier échappé. Bon, le regard de son fils, elle s’en fichait peut-être, mais celui de l’autre, sûrement pas. »

Au bout que quelques temps, la présence de Frank à la maison semble aller de soi.
« Le sentiment de malaise que me causait notre situation venait en partie de ce que je n’étais jamais sûr à cent pour cent de ce que Frank signifiait pour nous. On pouvait le prendre pour un invité venu de province, sauf que nous savions tous les trois comment il avait débarqué à la maison. »

Rapidement, entre Frank et Adele, une complicité s’installe, comme une évidence. Ces deux-là se sont trouvés et vont s’ouvrir l’un à l’autre. La femme instable et blessée, étrangère au monde, va s’effacer au profit de la jeune fille entière et passionnée qui rêvait d’être danseuse.
« Soudain, je découvre l’une des meilleures conséquences de son arrivée chez nous. Je n’ai plus la responsabilité de la rendre heureuse. C’est son boulot à lui. Ce qui me laisse libre pour d’autres choses. Vivre ma vie, par exemple. »

Alors qu’elle ressassait ses désillusions sur son mariage, Adele découvre qu’elle peut être amoureuse à nouveau. D’ailleurs, de Frank et d’Adele, qui retient l’autre prisonnier ?
« Il regarda ma mère.
La question pourtant se pose, dit-il : dans le cas présent, qui retient l’autre captif ?
Il approcha la tête de son oreille, lui écarta les cheveux, peut-être pensait-il que je n’entendrais pas, ou peut-être qu’il s’en fichait.
Je suis ton prisonnier, Adèle, voilà ce qu’il lui a dit. »

A force de gentillesse et de disponibilité, Frank réussit aussi à se faire adopter par Henry. Mieux encore, il parvient même à lui faire aimer le baseball que le garçon a toujours détesté.
Malgré tout, témoin de l’attachement grandissant entre Frank et sa mère, Henry commence à se sentir exclu. Imperceptiblement, Frank lui vole sa place auprès de sa mère. Et si Adele décidait de s’enfuir avec lui, laissant son fils seul, abandonné. Pour l’ado, le dilemme est de taille : couper le cordon et voler de ses propres ailes comme il en rêve ou continuer de protéger sa mère comme il l’a toujours fait.

Paradoxalement, pour Adele et Henry, au bout de l’impasse (au sens propre comme au figuré), leur captivité va être une occasion inespérée de s’ouvrir au monde. Le temps d’une parenthèse enchantée, comme hors du temps, ils vont vivre quatre jours intenses qui vont bouleverser leur destin. Après de longues années de réclusion, l’irruption de Frank va leur donner l’impression d’être enfin en vie. Confusément, ils commencent à entrevoir un avenir autrement plus agréable que celui qu’ils pensaient leur être réservé jusque-là.
Le temps du week-end du Labor Day, ces trois êtres que la vie n’a pas épargnés vont vivre l’illusion d’une famille ordinaire et envisager la possibilité d’un nouveau départ. Cette chance leur sera-t-elle donnée ?

A la fois drôle et grave, Long week-end est un récit constamment sous tension. Tension psychologique, parce qu’à tout moment, tout peut arriver ; tension sexuelle, parce que dans la chaleur moite de la canicule, la sensualité se fait palpable.
A partir d’une histoire a priori banale, Joyce Meynard a construit un roman lumineux et sensible, sur les interrogations de l’adolescence, les caprices du destin, ses occasions qu’il faut saisir et ses malentendus, la fugacité du bonheur…

Ce qu’elles en ont pensé :

BlueGrey : « Car voilà un roman qui à la fois donne la recette de la tarte aux pêches, décrit l’émoi du premier baiser, dépeint la solitude des banlieues résidentielles, évoque la détresse d’une femme comme étrangère au monde, et rappelle la fragilité du bonheur… »

Cathulu : « Rien ne se déroule comme prévu dans ce roman sobre où le suspense tout autant que l’évolution des personnages se révèlent d’une efficacité redoutable. »

Cuné : « Un roman fort prenant qui sait se faire aimer, qui tisse avec son lecteur des liens affectifs. Il ne brille pas par son originalité ni par une écriture impressionnante, mais il s’insinue avec grâce. On y croit, on a l’impression d’embraser toute la complexité de l’adolescence, on s’attache, on ressent. »

Livraire : « Partant d’un cadre tout à fait banal, le sujet évolue progressivement, se transformant imperceptiblement en une histoire hors du commun. (…) Rien n’est jamais joué, semblent dire tour à tour les personnages, et l’écriture de Joyce Maynard porte magnifiquement ce roman surprenant au sein duquel l’amour -ou son absence- occupe une place majeure. »

Lucie : « Je ne me suis jamais ennuyée au long de cette lecture car on veut absolument savoir ce qu’il va advenir de ces personnages. (…) Il oscille entre le roman jeunesse et livre dramatique, avec un soupçon de suspense. »

Tasse de thé : « Souvent grave, parfois drôle et toujours touchant, ce roman est une très belle galerie de portraits. C’est d’ailleurs sa qualité principale, l’écriture n’étant pas particulièrement remarquable, si ce n’est dans la capacité de Joyce Maynard à rendre son roman très visuel. »

D’autres avis sont répertoriés sur Babelio que je remercie pour cette très agréable découverte reçue dans le cadre de Masse Critique de janvier.

Long week-end, de Joyce Maynard
(Labor Day) Traduction de l’anglais (États-Unis) : Françoise Adelstain
Éditions Philippe Rey (2010) – 285 pages