Bubbles-(c)Spotted_Drum

Bubbles © Spotted Drum / Flickr
Depeche Mode – Enjoy the silence

avantage du vélo pliant est son faible encombrement.

A quoi tu penses ? disait ma mère, et mon silence semblait être aussi gênant, aussi contrariant que si j’avais été bruyant – peut-être même davantage. Peut-être y a-t-il un art de se taire, que j’ignorais, et que j’ignore encore, une façon de se taire qui ne dérange pas : en un sens je n’ai jamais su me taire. Me taire avec élégance, me taire sans que ça gêne.

(…) Tu as l’air triste, disait-elle encore, et je sentais comme une inquiétude dans sa voix ; alors je m’efforçais de dire quelque chose, n’importe quoi, n’importe comment, juste pour la rassurer. En même temps, je ne comprenais pas : pourquoi quelqu’un qui parle serait-il plus rassurant que quelqu’un qui ne dit rien ?
(p. 67)

Sabina…
Je lui disais : Je suis bien avec toi. Je ne savais pas le dire autrement, elle traduisait dans sa langue à elle, et dans sa langue ça devenait une déclaration de bonne camaraderie, presque d’indifférence, presque une offense. Pourtant… Pourtant j’étais si bien avec elle. On se taisait ensemble parfois, on se parlait avec les yeux, avec les mains ; c’était bien.
C’était bien, mais elle aurait voulu des mots, je n’ai pas su. Les mots qu’elle voulait, moi je les trouvais trop usés, ayant traîné dans trop de bouches, abîmés par trop de mensonges ; je les avais prononcés autrefois, et je les avais traînés dans la boue. C’étaient des mots qui ne voulaient plus rien dire, je n’ai pas voulu m’en servir.
Ou bien ce n’était là qu’un prétexte, un prétexte de taiseux ?
Ou bien j’avais peur de ce qui se passerait si je prononçais ces mots-là ? Je me suis trompé de peur, j’aurais mieux fait de craindre ce qui se passerait si je ne les prononçais pas. Elle a attendu, un peu, beaucoup, puis plus du tout. Mes silences ont fini par lui faire violence. Dommage, on parlait si bien avec les mains…
(p. 70)

Les repas de famille sont parfois comme une petite souffrance, lancinante comme un mal de tête qu’on connaît bien, qui s’en va puis qui s’en revient ; je ne cherche plus à rentrer dans la danse, je suis fatigué de ces bruits autour de moi, de ces mots qui vont trop vite pour moi, ou de ces rires sans joie. J’ai l’impression d’être sur le quai, de regarder partir le train, sans même essayer de monter dedans. On m’invite de moins en moins, on m’évite de plus en plus.
(p. 72)

Isabelle Minière, Maison buissonnière – Le taiseux