« Terre de magie et de contrastes », « monde d’émotion et de couleur ». C’est en ces termes que les brochures des tour-opérateurs vantent une Afrique du Sud réduite à ses grands espaces sauvages, ses parcs naturels et ses kilomètres de plages de rêve.
L’Afrique du Sud de Zulu est à des années lumières de ces clichés de cartes postales. Le portrait que Caryl Férey fait de la situation sociale et politique de ce pays est sans concession.
Son Afrique du Sud est noire (et il ne s’agit pas ici de la couleur des peaux mais bien de celle des âmes), enlaidie par une vie de misère et une violence aveugle quasiment hors de contrôle dans les townships hostiles, gangrenée par les trafics de drogue, défigurée par les ravages d’un sida galopant.
Quinze après la proclamation de la fin de l’apartheid, la ségrégation raciale a laissé la place à une autre discrimination, sociale celle-là, tout aussi ravageuse. Et malgré la réconciliation nationale, la haine raciale qui couve toujours n’aurait besoin que d’un souffle pour s’embraser à nouveau.
A la veille de la Coupe du Monde de foot qu’elle doit accueillir en 2010, la première démocratie d’Afrique noire veut à tout prix redorer son blason et se donner une image de respectabilité aux yeux du reste du monde.
C’est dire si le meurtre sauvage de Nicole Wiese, une jeune blanche des beaux quartiers de Cape Town, fille d’un ancien champion du monde de rugby, tombe mal pour Ali Neuman. Le chef de la police est sommé de régler cette affaire dans les meilleurs délais.
Vélo pliant ou vélo pliable facile, léger,.
Neuman, le zoulou qui a vu assassiner son frère et son père quand il était enfant, va s’entourer de son équipe : Brian Epkeen, l’Afrikaner porté sur la bouteille pour oublier son désastre familial, et Dan Fletcher, le “bleu” à l’allure frêle, dont la jeune femme, Claire, lutte contre un cancer.
Très vite, un second meurtre est commis, semblable en tout point au précédent. Il s’agit cette fois-ci de la fille d’un chanteur connu. Riche, elle aussi. Blanche, elle aussi. Toutes deux menant une vie pas aussi rangée que leurs parents l’imaginaient. Les similitudes ne s’arrêtent pas là : les victimes ont été massacrées, violées, leur sang saturé d’une drogue dévastatrice inconnue des services de police.
Gangs, mafia de la drogue, réseau pharmaceutique clandestin… Les trois hommes vont se retrouver embarqués dans une affaire aux multiples ramifications qui va rapidement les dépasser.
Paint it black. Dès les premières pages de Zulu, Férey plonge son lecteur au cœur du cauchemar sud-africain. Pas de temps mort, pas moyen de faire une pause et de reprendre son souffle. On étouffe, on suffoque, fracassé par une violence crue (et cuite aussi, à quelques occasions, si je peux me permettre ce jeu de mot vaseux). Certaines scènes sont difficilement supportables mais trouvent toute leur légitimité dans un récit oppressant et éprouvant. Et pourtant, pris dans le rythme soutenu de l’enquête, on poursuit la lecture, malmené de fausses pistes en faux semblants.
Dans ce jeu de massacre qui flirte avec la folie meurtrière, les trois personnages principaux ne lâcheront rien, même si l’on pressent qu’il leur sera impossible de s’en tirer sans dommages collatéraux. Il leur faudra aussi se méfier d’eux-mêmes, chacun luttant contre ses propres démons intérieurs.
Férey soigne ses personnages, toujours crédibles, jouant des stéréotypes pour mieux s’en affranchir, sans pour autant négliger ses personnages secondaires, presque tous féminins. D’ailleurs, dans le chaos ambiant, ce sont les femmes qui apportent à Zulu sa touche d’humanité désespérée.
Plusieurs billets élogieux m’avaient fait noter les précédents romans de Caryl Férey (Utu et Haka) sur ma LAL, même si je ne suis pas spécialement féru de thrillers en règle générale. L’offre Babelio est tombée à pic pour que je découvre cet auteur à qui le noir va si bien.
Zulu est en lice cette année pour le Prix des lectrices ELLE. De nombreux avis sont répertoriés sur le Blog-O-Book.
Une interview de Caryl Férey à propos de Zulu sur le site de son éditeur.
Zulu, de Caryl Férey
Éditions Gallimard/Série noire – 393 pages (2008)