dongala-enfants-etoiles D’instinct, je me place toujours du côté de la veuve et de l’opprimé. C’est mon côté mère Teresa… ou Loana, comme vous préférez.
Alors, quand un écrivain dénonce intelligemment les dérives du régime politique en place dans son pays, j’adhère d’emblée. Quand cela est fait tout en subtilité, j’applaudis très fort.
Et dans le cas présent les mains me brûlent. Les Petits garçons naissent aussi des étoiles, d’Emmanuel B. Dongala, roman aux couleurs et aux senteurs de l’Afrique, est un pur bonheur.

Candide au Congo. Dans une ambiance digne des légendes et contes africains, l’auteur brocarde le régime communiste post-colonialiste qui régissait son pays dans les années 1980, et avec lui, la corruption chronique et l’affairisme des responsables en place.
Et puisque la vérité sort toujours de la bouche des enfants, il délivre sa démonstration, faussement ingénue mais réellement acerbe, à travers le regard que Matapari, jeune congolais dégourdi, pose sur le monde qui l’entoure.
Matapari observe les adultes et les évolutions de son pays, coincé entre modernité et tradition. Sa vision du monde donne lieu à une série d’anecdotes, drôles et rythmées, toutes plus savoureuses les unes que les autres.

avoue que les kilomètres sont passés comme une lettre à la poste avec ce petit vélo pliant. Il a passé la journée à côté de mon bureau, pas de risques de vols, le côté pratique de la chose.

Michel doit son surnom de Matapari (qui signifie problèmes, soucis, tracasseries) aux conséquences exceptionnelles de sa naissance. Troisième garçon d’une fratrie de triplés, il ne sortira du ventre de sa mère que deux jours après ses frères aînés, le jour même où le Congo célèbre le vingtième anniversaire de son indépendance qui plus est !
Il vit entouré de sa mère, fervente chrétienne qui n’hésite pas à faire appel aux croyances locales quand la situation (désespérée) l’exige, de son père, humaniste intellectuel athée, fervent défenseur de la laïcité chère à son cœur de professeur du village, et de son grand-père, détenteur de la sagesse ancestrale.
Et puis, il y a surtout son oncle, Boula Boula, petit escroc que son opportunisme va porter jusqu’aux plus hautes sphères du pouvoir, pour finir déchu, sur le banc des accusés lors d’un procès à l’absurdité toute kafkaïenne.

C’est tendre, ironique, jamais manichéen… mais surtout, c’est extrêmement instructif.

Extraits choisis
Matapari découvre la démocratie (p 275) : « Alors, la colère monta en moi et je devins furax. Pourquoi des hommes faisaient-ils souffrir d’autres hommes ? Pourquoi tapaient-ils sur ces femmes qu’ils ne connaissaient pas et qui ne leur avaient rien fait ? (…) Mais au fait, n’était-ce pas la démocratie que réclamaient ces gens ? Si je n’étais pas venu réclamer la liberté pour papa, aurais-je reçu ce coup de pied qui aurait pu réduire en compote mes bijoux de famille ? Et soudain, ce fut la révélation, l’illumination : nous combattions pour la liberté, nous combattions pour la démocratie. En vérité, ce coup de godasse au popotin m’avait fait comprendre le sens de la démocratie. »

Le monde vu par Grand-père (p 49) : « Le monde est plein d’énigmes car tout ce qui est profond ne se révèle pas au premier coup d’œil ; l’univers s’avance masqué et les hommes après avoir mangé, dansé et fait l’amour, passent le reste de leur temps à essayer de déchiffrer ce qui se cache derrière l’apparence des choses. C’est pourquoi ils écrivent des livres et ceux qui ne savent pas écrire interrogent les forêts, écoutent les animaux, creusent la terre ou regardent les étoiles. Sache lire mon enfant, sache lire et les livres des hommes et le livre de l’univers. »

L’avis de Matoo, qui m’a donné envie de lire ce livre.

Les petits garçons naissent aussi des étoiles, d’Emmanuel B. Dongala
Le Serpent à Plumes – 200 pages