Le décor : la grisaille et l’ennui de la campagne ardennaise.
Les personnages : Martin, un adolescent taciturne, qui vit seul avec sa grand-mère, Isabelle.
Pour lui, le lycée tient du chemin de croix. Dans le meilleur des cas, il est mis à l’écart. Au pire, il subit, résigné et silencieux, les insultes et les épreuves que lui infligent Cassandra et Géraldine, deux inséparables pétasses.
Chez lui, Martin passe la plupart de son temps devant le poste de télévision, où il se gave d’images qui viennent nourrir son imaginaire et ses fantasmes.
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Dans ce trou paumé, débarque, un jour, Solaap, un jeune garçon au prénom énigmatique et aux yeux violets.
Paolo et Juliette, ses parents, ont du quitter leur cocon bourgeois de la côte d’azur et venir s’exiler dans les Ardennes pour éviter un scandale.
Martin tente de se rapprocher de Solaap et de s’en faire un ami. Mais, Solaap, bien que conscient de son pouvoir d’attraction, l’ignore, préférant exercer ses charmes auprès des filles, jouets sexuels pour lesquels il montre peu de considération.
Entre le monde de Martin et celui de Solaap, il y a Madeleine Pierrat, leur professeur de Lettres. Elle est la seule à sentir les prémices du danger et à s’en inquiéter.
Je ne sais franchement que penser de ce roman qui m’a tout autant horripilé que dérangé.
Généralement, j’aime les livres que je lis, je les déteste, ou ils m’indiffèrent. Dans le cas présent, il m’est impossible de “ranger” L’Oeil du maître dans aucune de ces catégories.
Si l’on en croit la quatrième de couverture, l’auteur aurait donc réussi son pari : « A l’image de Martin, ils (les personnages) vivent leur sexualité sur le mode du fantasme et du désir avorté, jamais de la satisfaction. C’est cette part d’ombre commune et secrète qui lie tous les personnages et les place au centre de tableaux éblouissants qui s’impriment d’autant plus durablement sur la rétine que leurs sujets bousculent et dérangent : la violence intime à l’œuvre dans la vie de chacun ».
En fait, bien plus que l’évocation de cette « violence intime », c’est la complaisance avec laquelle Bernard Sauviraa se vautre dans le trash qui m’a incommodé (honnêtement, je doute de l’intérêt véritable pour la compréhension du récit du pseudo-délire public de Juliette au chapitre 5, de la soudaine passion de Paolo pour l’horticulture, où il va jusqu’à goûter le compost, ou encore de l’émoi de Madeleine Pierrat face au clocher de l’église page 86…).
Au fait, doit-on voir dans Solaap, une (presque)anagramme de Salope ?
Mon passage préféré reste le chapitre 12, dans lequel Agnès, une ancienne élève de Madeleine Pierrat et « coup d’un jour » de Solaap, évoque toute l’admiration qu’elle voue à sa prof. Dans un monologue très émouvant, cette brave fille raconte combien elle est chaque fois impressionnée par la faconde de sa prof, elle qui n’est pas très douée pour les études.
En résumé, ce roman possède un univers bien particulier, volontairement provocant et choquant, qui en fait sans nul doute un roman à part dans cette rentrée littéraire 2006.
L’Oeil du maître, de Bernard Souviraa
Éditions de l’Olivier – 172 pages