J’ai lu Lettres d’amour en Somalie de Frédéric Mitterrand fin juin, au moment où la Somalie faisait de nouveau parler d’elle lors de la prise de Mogadiscio par les islamistes.
Ce livre qui date de 1983 m’était passé largement au-dessus au moment de sa sortie. Pour moi, à cette époque, Frédéric Mitterrand se résumait à ce neveu de… au phrasé si particulier, un peu jet set et fan de stars glamour, mortes de préférence.
La lecture de La Mauvaise Vie, l’an dernier, a balayé tous mes préjugés et m’a donné de l’auteur une image autrement plus complexe et touchante. Si bien que j’ai eu envie d’en savoir un peu plus en lisant ces Lettres d’amour en Somalie.
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Dans ce journal intime, Frédéric Mitterrand décrit la Somalie qu’il découvre au fil de son parcours : un pays ravagé par la guerre, où subsistent quelques vestiges de la présence italienne, puis soviétique.
En parallèle, il écrit à l’être aimé qui vient de le quitter et qu’il essaie d’oublier dans ce pays où il est arrivé un peu par hasard.
J’ai retrouvé dans Lettres d’amour en Somalie la délicatesse et la mélancolie qui m’avaient ému dans La Mauvaise Vie, un art de se dévoiler en toute pudeur, sans pleurnicherie ni apitoiement. A aucun moment le sexe de cet « être aimé » n’est trahi, car Frédéric Mitterrand use habilement des pronoms neutres.
De toute façon, on se moque éperdument de savoir qui est cet(te) inconnu(e), ce n’est pas un livre people à clé. En outre, cela permet d’universaliser le propos, chacun y projetant ce qui lui convient le mieux.
« Je veux être près de toi au moment de ton départ, je veux que tu me tiennes contre toi lorsque ce sera ma fin, je veux qu’il y ait un adieu, un au revoir, un à bientôt, je veux une pression de la main qui dise « n’aies pas peur, je suis encore là ». A l’instant du passage, je veux que la tendresse se brise sur la seule vraie frontière que franchit le corps en partance, je veux que les battements du cœur qui reste disent « je t’accompagne » à ceux du cœur qui flanche, je veux des réponses sans appel, des élans sans demande, je veux des cadeaux et des bagages, je veux qu’un même poids nous écrase alors qu’il nous déchire, je veux des yeux qui se perdent de droite et de gauche, des téléphones qui sonnent, des escaliers que l’on dévale tandis qu’on s’accroche au temps qui va, je veux la peur, l’effroi, le désespoir, dès lors qu’ils seront les nôtres, je veux qu’il n’y ait plus de regrets quand il n’y aura plus d’avenir, je veux que les années perdues nous reviennent soudain reconquises lorsqu’il n’y aura plus que des secondes, je veux que le dernier regard de l’un soit uniquement pour l’autre. »
En bonus, tout au moins dans l’édition originale, je ne sais pas si c’est le cas dans la version poche rééditée ce mois-ci chez Pocket, de très jolies photographies de Diane Delehaye.
Lettres d’amour en Somalie, de Frédéric Mitterrand
Éditions du Regard – 103 pages