christie-mallowan-archeologue En cinquième, en cours de français, nous devions, chacun notre tour, présenter à la classe un livre que nous avions choisi, raconter son histoire et argumenter pourquoi nous l’avions aimé.
A la suite d’un exposé sur Le Meurtre de Roger Ackroyd, notre prof nous a conseillé d’autres romans d’Agatha Christie, ceux dont les chutes sont moins conventionnelles.
C’est ainsi que je me suis enquillé coup sur coup Mort sur le Nil, Les Dix petits nègres, Le Meurtre de l’Orient-Express, dans la collection du Masque, avec leur couverture orange reconnaissable entre toutes.

Mini vélo pliable révisé voici qq jours. Utilisé pour trajet maison arrêt de bus.

A douze ans, j’avais le sentiment de lire enfin des livres de “grands”.
Face à ma passion soudaine, mon père a eu l’idée géniale de souscrire pour moi à une collection regroupant l’ensemble des romans policiers d’Agatha Christie. Et un jour, le premier tome est arrivé au courrier (dans son carton adressé à mon nom !).
Pour le coup, avec leur reliure plein cuir bleu marine rehaussée de dorures et leurs illustrations à l’encre de chine, c’était mes premiers vrais livres d’adulte, et je n’étais pas peu fier de les ranger précieusement dans ma bibliothèque. Au rythme d’un volume tous les deux mois, rassemblant selon les cas deux ou trois romans, j’ai donc lu l’intégrale Christie sur deux ou trois ans.

Au fil du temps, mon intérêt pour Dame Agatha s’est émoussé. Résolues par Poirot, miss Marple, ou Tuppence, les intrigues fomentées dans les ambiances feutrées de la bonne société anglaise ont fini par toutes se ressembler (à quelques exceptions près) et par me lasser.

Alors que j’avais mis cet auteur à l’index durant toutes ces années, je suis tombé il y a quelques mois sur La Romancière et l’archéologue, récit des expéditions archéologiques au Moyen-Orient, lors desquelles Agatha Christie faisait office d’assistante pour son mari, autour des années 1930.

A cette époque, Agatha est déjà un auteur reconnu quand elle suit Max Mallowan, son archéologue de mari, en Irak et en Syrie. Lors de ces expéditions, elle participe activement à la vie du chantier, se rend sur les sites, s’occupe de l’inventaire des pièces trouvées qu’elle nettoie, photographie, classifie…
Sa condition d’écrivain reprenant le dessus, elle note dans des carnets, avec un sens aigu du détail et un humour typically british, des anecdotes savoureuses, dans lesquelles elle rend parfaitement la vie du campement, souvent dans son quotidien le plus trivial.

Souvent j’ai souri à l’évocation des retards de courrier, de tous les efforts déployés pour lutter contre les fléaux locaux (moustiques et rats), ou encore comment garder son flegme face l’attitude nonchalante des fonctionnaires locaux…
Mais sous cette légèreté apparente se cache un sens de l’observation avéré des mœurs de la population locale. Sans condescendance colonialiste, elle dépeint tout aussi bien les altercations entre ouvriers, la condition des femmes, les rapports entre les différentes tribus…

On retrouve dans ce récit toute l’ambiance qui fait le charme de ses romans les plus populaires, comme Meurtre en Mésopotamie ou Mort sur le Nil, et on se prend à avoir la nostalgie de la douceur et du charme idyllique que l’Orient de cette époque pouvait avoir pour les classes sociales aisées.
Néanmoins, au-delà des clichés de carte postale, Agatha Christie est assez lucide et intelligente pour sentir sur les tensions croissantes, annonciatrices des futures violences dans la région.
Bref, j’ai adoré ce livre qui m’a dévoilé une Agatha Christie humaine et malicieuse.

La Romancière et l’archéologue, d’Agatha Christie Mallowan
Payot – 254 pages