laurain-fume-tue Pour qui fréquente régulièrement les blogs de lecture, et particulièrement celui de Caro(line), le nom d’Antoine Laurain est familier.
L’an dernier, Caro(line)[1] avait d’ailleurs convié son auteur chouchou au pique-nique de la blogoboule N’ayant rien lu de lui, je me suis bien gardé de me faire connaître auprès de l’intéressé.
Pas sûr que ma lecture en demi-teinte de Fume et tue me rende plus amène si l’occasion m’était donnée de croiser une nouvelle fois le chemin de l’auteur.

La petite cinquantaine dynamique, Fabrice Valantine est chasseur de tête, mais surtout accro à la clope. Sa journée ne saurait se dérouler correctement sans ses deux paquets de blondes.
Sur l’insistance de sa femme, rédactrice d’un magazine d’art, il consulte un hypnotiseur censé le débarrasser à tout jamais de son addiction.

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Contre toute attente, la thérapie est un succès. Du jour au lendemain, Fabrice se retrouve non-fumeur presque malgré lui.
Mais, après quelques jours de sevrage, il craque et décide de s’en griller une petite. Il réalise alors qu’il ne ressent plus rien : le plaisir associé à la cigarette, depuis sa toute première taffe, a complètement disparu.

Une nuit, Valantine se fait agresser par un marginal sur le quai du métro. Au cours de la bagarre, il projette son assaillant sur les voies au moment même où la rame entre en gare. Après s’être enfui, il reprend ses esprits, allume machinalement une cigarette… et retrouve le plaisir voluptueux de la nicotine.

Pour éprouver encore cette jouissive sensation, il lui faudra tuer à nouveau, cette fois-ci de sang froid.

La cigarette, la nicotine, la dépendance et le plaisir qu’elles procurent sont de chaque page de Fume et tue. A tel point que je me suis pris plusieurs fois à renifler les pages, persuadé qu’elles exhalaient le vieux cendrier (véridique !).

Peut-être est-ce cela, ajouté au fait que je n’ai jamais fumé et suis donc totalement étranger à cette dépendance, qui fait que j’ai peiné à entrer dans le récit. Non pas que ce soit mal écrit, loin de là ; le style d’Antoine Laurain est enlevé, bourré d’humour et cynique à souhait. Les pages se tournent sans difficulté, mais j’ai eu du mal à m’intéresser aux affres du narrateur. J’étais voué à rester définitivement un fumeur passif.

Heureusement pour moi, je me suis délecté des coups de griffes que l’auteur distribue généreusement par le truchement de son narrateur : la stigmatisation croissante des fumeurs par les non-fumeurs (et pire encore, par les ex-fumeurs) depuis l’entrée en vigueur des lois anti-tabac ; la sale manie des pouvoirs publics de décider à votre place ce qui est bon ou pas pour vous et la valse des avertissements en tout genre qui déresponsabilisent plutôt qu’ils protègent (A consommer avec modération ; Pour votre santé, évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé ; La consommation d’alcool pendant la grossesse peut occasionner…, sans parler de la paranoïa hygiéniste) ; le monde hostile de l’entreprise (la soirée incentive à la piscine de Pontoise est une scène d’anthologie), une certaine prétention du milieu de l’art contemporain….

Dans le même temps, prêt à tout pour une nouvelle bouffée de plaisir, l’assassin malgré-lui va se muer en un serial killer retors et ingénieux. Les cadavres vont s’entasser mais Fume et tue se terminera sans que j’aie eu ma dose, l’issue trop convenue me laissant en état de manque : le roman qui s’annonçait subversif ne tient finalement pas sa promesse.
C’est donc un roman qui se lit sans réel déplaisir mais auquel il manque un petit quelque chose pour être mémorable.

Les premières pages de Fume et tue sont en accès libre sur le site des éditions Le Passage.
En savoir plus sur Antoine Laurain : son blog.

Je remercie Brize d’en avoir fait un livre voyageur, me donnant ainsi l’occasion de me faire une idée de ce livre largement encensé par la blogosphère.
Blog-o-Book recense les dizaines de billets qui lui ont été consacrés. Je me contenterai donc d’ajouter ici ceux de blogs auxquels je suis fidèle et qui n’y figurent pas :

Delphine : « L’ironie est maniée ici avec dextérité et se glisse tout au long d’un texte, de l’histoire de Fabrice Valantine, de son quotidien et de ses relations avec la cigarette. »

Gwenaëlle : « Bien que n’étant pas fumeuse, j’ai savouré chaque volute de ce livre… Avec un style inimitable, fait de distance, d’humour à froid et de dérision, Antoine Laurain pose peu à peu les jalons d’une histoire drôle, férocement drôle… »

Yueyin : « Voilà le bouquin le moins politiquement correct que j’ai lu depuis longtemps (…) Cynique, drôle, bien écrit avec un final plus que réjouissant… osons le dire : jubilatoire ! »

Fume et tue, d’Antoine Laurain
Le Passage (2008) – 279 pages

Notes

[1] J’en profite pour m’excuser, Caro, de massacrer ton pseudo comme ça à chaque fois, mais sur DotClear, tout ce qui est entre crochets s’affiche d’office sous forme de lien hypertexte. Je suis donc obligé d’user de parenthèses.