grimbert-secretMalgré son Goncourt des Lycéens 2004, son Prix des lectrices ELLE 2005 et sa récente adaptation par Claude Miller au cinéma, en ce qui me concerne, le Secret de Philippe Grimbert avait été bien gardé.

Pour palier à ce problème, chez Vélonline nous vous proposons ce petit guide , qui nous espérons, vous aidera à y voir plus clair sur les vélos pliables.

Un miracle ! Je ne sais pas comment j’ai réussi à passer à travers.
Car le danger de lire les best-sellers après tout le monde, c’est de déjà tout connaître de l’histoire avant même d’avoir ouvert le livre.
Et il n’y a rien de plus ennuyeux qu’un secret éventé.

« Fils unique, j’ai longtemps eu un frère. Il fallait me croire sur parole quand je servais cette fable à mes relations de vacances, à mes amis de passage. J’avais un frère. Plus beau, plus fort. Un frère aîné, glorieux, invisible. »
Toute son enfance, le narrateur a souffert de sa nature chétive. Lui, dont les parents, sportifs accomplis, aux corps parfaits, forcent l’admiration de leur entourage, ne peut s’empêcher de lire la déception dans le regard de son père.
Alors il décide de s’inventer un frère aîné, un double de lui-même en positif : fort, athlétique, brillant. De la même façon, il idéalise ses parents, écrivant à sa manière d’enfant, l’histoire de leur rencontre, de leur idylle et de leur vie avant sa naissance.
Pourtant, quelque part au fond de lui, sans l’identifier clairement, il sent bien que quelque chose cloche.

Et ce “quelque chose”, c’est justement le secret du titre du roman. Un secret volontairement occulté par les mémoires familiales qui lui sera confié à son adolescence par un tiers. La vérité sur ses origines.
« Le lendemain de mes quinze ans, j’apprenais enfin ce que j’avais toujours su. J’aurais pu moi aussi coudre l’insigne à ma poitrine, comme ma vieille amie, fuir les persécutions, comme mes parents, mes chères statues. Comme tous ceux de ma famille. Comme leurs semblables, ces voisins, ces inconnus, dénoncés par la dernière syllabe de leurs noms en sky, en thal ou en stein. »

A la lumière de ces révélations, l’histoire de ses parents va alors lui apparaître toute autre que celle qu’il avait imaginée, rêvée.
« Je n’étais plus le même et ceux que j’allais rejoindre, à quelques mètres du cabinet de Louise, s’étaient transformés eux aussi. Derrière les masques qui venaient de tomber demeuraient deux souffrances insoupçonnables. Alertés par ma pâleur, mes parents se sont inquiétés, je les ai rassurés d’un sourire. Je les ai observés, ils n’avaient pas changé. Le silence allait persister et je n’imaginais pas ce qui pourrait me décider à le rompre. A mon tour je cherchais à les protéger. »

Vont ensuite remonter à la surface les vieux fantômes du passé.
« Simon et Hannah, effacés à deux reprises : par la haine de leurs persécuteurs et par l’amour de leurs proches. Aspirés par ce vide dont je n’aurais pu m’approcher sans risquer le naufrage. Un silence rayonnant, soleil noir qui ne s’était pas contenté d’absorber son existence mais avait aussi recouvert toute trace de nos origines. »

Si comme moi en commençant ma lecture, vous ignorez encore de quoi il retourne exactement dans Un secret, je n’en dirai pas plus pour ne pas gâcher le suspense.
Car même si ce roman est de facture classique, voire banale, et si l’on devine effectivement au fil de la lecture la nature de ce fameux secret, on n’entrevoit pas forcément son ampleur.

Et là réside justement selon moi la force du roman de Grimbert : toucher, bouleverser sans en avoir l’air.
La langue est simple, le style sobre, les phrases courtes, tout comme les chapitres. Assurément, les thèmes centraux (la passion, la jalousie, la trahison, la culpabilité, le poids des non-dits sur fond de seconde guerre mondiale, une histoire personnelle et l’Histoire qui se télescopent) ont déjà été traités maintes fois. Tout concourt donc à ce que cette histoire semble des plus ordinaires.
Et pourtant, on est touché. Le dépouillement se fait élégance, l’épure cache la pudeur et la retenue des sentiments. Cette simplicité apparente s’oppose alors encore plus radicalement aux événements relatés, faisant ressortir d’autant plus crûment leur violence et leur cruauté. Le poids des non-dits et de la culpabilité devient encore plus écrasant.
Enfin, l’aspect autobiographique du roman rend le récit plus poignant encore.
Ce roman est une belle déclaration d’amour d’un fils à ses parents. J’ai aimé que Philippe Grimbert, avec sensibilité mais sans sensiblerie, partage son Secret avec moi le temps d’un livre.

Si par un grand hasard vous êtes des irréductibles qui n’ont pas encore lu Un secret (en reste-t-il ?), ce lien vous conduira vers les premières pages.
En revanche, les avis des autres blogueurs et blogueuses qui ont été plus prompts que moi à lire ce roman sont trop nombreux pour que je les recense ici. J’ai la flemme.

hoyningen-huene-divers-1930En aparté :
La description que le narrateur fait de ses parents m’a immédiatement fait penser à la célèbre photo de George Hoyningen-Huene (Divers, 1930) où l’on peut voir un couple de deux magnifiques athlètes, très chic, fixant l’horizon, assis au bord de ce qui semble être un plongeoir ou une avancée vers l’océan.

En la recherchant sur Internet, je me suis aperçu que c’est justement cette photographie-là qui avait été choisie lors de la première parution du roman au format poche.
Malheureusement, elle a été remplacée depuis par l’affiche du film de Miller, puis encore après par une photo tirée du même film. J’ai beau beaucoup aimer Cécile de France, je trouve que la photo de Hoyningen-Huene était un meilleur choix.

Pour voir d’autres œuvres de Hoyningen-Huene, c’est ici.

Un secret, de Philippe Grimbert
Grasset (2004) – 192 pages