Quel rapport peut-il y avoir entre El-Muîn Ibn Sava, le modiste de chaussures pour femmes, plus connu dans la Bagdad de l’âge d’or sous le doux nom de Salmonella, et Dörte, la vieille fille frustrée d’Aix-la-Chapelle, désespérée de n’être toujours pas casée alors qu’elle vient de fêter son quarantième anniversaire ?
Une mystérieuse lampe magique dont Ralf König nous narre l’histoire, à la manière des Mille et une nuits, dans son dernier album en date : Djinn djinn Tome 1 : le sortilège de Sa’âdât.
Il existe une multitude de vélos pliants différents. Il convient donc de savoir quel vélo pliant acheter selon ses besoins.
Tout commence dans la province du Dhôdhân, où la sévérité du Moufti Abdloulha Abba Al Sheik Ehmat faisait « tomber plus de têtes que de figues des arbres »
. Un jour qu’il a mangé du mouton avarié, le mollah tombe malade.
C’est alors que lui apparaît l’archange Brodemîl lui dictant de nouvelles lois à porter à son peuple, tombé, selon lui, dans la débauche.
Une fois remis de son indigestion, le Moufti ne trouve rien de mieux pour remettre de l’ordre parmi ses ouailles que d’interdire le foot, de décréter sataniques le chant et la musique, d’imposer la barbe aux hommes et d’affubler les femmes de « grands sacs poubelles »
avec « hublots anti-drague »
Mais, c’est sans compter avec Salmonella, « l’hindou sodomite préférentiel »
qui encourage chez les femmes drapées du village le goût de « tout ce que porte la femme moderne du Tigre à l’Euphrate. Chaussures de mode du Caire ou de Delhi… sandalettes laquées rouge vif laissant les orteils libres, avec son vernis à ongles correspondant… Osez mettre vos barbus dans tous leurs états, ils en ont vraiment bien besoin… que ça bouge un peu dans ce bled paumé au bord du désert »
.
Bien évidemment, cette “révolution” n’est pas du tout du goût du mollah aigri…
Le djinn, les vices. Oui mais, me direz-vous, que vient faire là-dedans la très contemporaine Dörte, célibataire à son corps défendant (mais pas trop !), toujours amoureuse de son ex et partageant son appartement avec le gay Manfred ?
Tut tut tut…. Je n’en dirai pas plus, pour ne pas déflorer ce conte digne d’être rapporté par Shéhérazade au cours d’une mille deuxième nuit.
Sachez seulement qu’il y est question d’un éfrit, d’un djinn d’un genre particulier (un djinn de l’amour), d’un sortilège de 440 391 nuits, mais aussi de burqas en latex importées de Londres qui font un malheur dans le milieu S/M allemand, de soirées télé, de séances chez le psy…
On l’aura compris, dans ce nouvel opus, Ralf König aborde avec humour l’intolérance religieuse.
A l’intégrisme bileux, il oppose avec jubilation le charme envoûtant des Mille et Une Nuits, dont il cite à plusieurs reprises certains passages spécifiquement dédiés à la beauté des éphèbes.
Le site de Glénat propose de découvrir les cinq premières planches de l’album, mais ce court extrait de la vision du Moufti Abdloulha Abba Al Sheik Ehmat qui va conduire à la création de la burqa, est à mon avis, plus parlant :
L’archange Brodemîl : Aux jeunes filles et aux poules qui caquettent, il convient de tordre le cou tôt ou tard sans requête !
Le Moufti : Louanges et bénédiction au poète pour ces vers admirables !
L’archange Brodemîl : Pour cela couvre et cache toute femelle sous étoffe, garde-toi de la ruse et de l’infidélité de la femme ! A peine t’en es-tu retourné qu’aussitôt en rut elles jettent œillades à des inconnus, mettent des pantalons, vont à des cours du soir ou à la piscine, pour enfin se barrer avec le maître-nageur, persuadées d’avoir le droit d’épouser qui elles veulent, toutes des putes insatiables !!!
Le Moufti : Là, j’ai réglé le problème depuis longtemps, tout-puissant ! La culture est strictement interdite à toute femelle, et sans voile elles…
L’archange Brodemîl : Sache-le : la femelle en général et en particulier n’est qu’abomination !!!
Le Moufti : Et pas qu’un peu, seigneur ! Et je puis dire avec fierté que de ma vie je n’ai touché ni cochon, ni femelle, si ce n’est mes femmes pour la reproduction, et là encore il faisait tellement noir que je me suis pris les pieds dans les voiles, et…
L’archange Brodemîl : D’une étoffe les femmes tu couvriras entièrement car de devoir supporter la vue de leurs yeux et de leur nez dans la rue est pour les hommes source de trouble et d’érection et par là même abomination !!!
Le Moufti : …trèèèès bonne idée, seigneur ! …… Sauf que sous de telles tentures, elles ne verront plus rien et offriront le spectacle de grands sacs poubelles ambulants rentrant sans arrêt dans des murs et des palmiers !
L’archange Brodemîl : Elles n’auront qu’à rester à la maison, et c’en serait fini des œillades !!!
Le Moufti : Oui, seigneur, mais qui, pendant nos mâles et importantes activités telles que se gratter les couilles et curer le nez, ferait les courses, irait aux labours et porterait les charges ?
L’archange Brodemîl : Fais marcher ton imagination. Fin de transmission. Brodemîl quitte.
Le Moufti : Mais… seigneur…
L’archange Brodemîl : …
Le Moufti : Seigneur ?!
Si avec tout ça, vous n’avez pas l’envie de frotter vous-même la lampe magique pour en faire sortir le djinn…
Djinn Djinn T.1 : le sortilège de Sa’âdât, de Ralf König
Traduction : Fabrice Ricker – Glénat – 176 pages