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1954.
Les États-Unis engagent une série d’essais nucléaires sur l’atoll de Bikini.
En France, René Julliard s’apprête lui aussi à lancer une bombe : il a décidé de publier Bonjour tristesse, le roman d’une jeune inconnue de 18 ans qui va provoquer une onde de choc sans précédent dans la société française.

En mars 1954, Françoise Quoirez n’est pas encore Sagan, cette jeune fille qui va devenir malgré elle un fulgurant phénomène de société, au-delà même des frontières de son pays.
Elle n’est pas encore ce mythe sulfureux, amalgame de fêtes nocturnes, casinos, boîtes de nuit, clubs de jazz, et voitures de sport conduites à vive allure, auquel elle sera à jamais associée.
Et trop souvent réduite.

À dix-huit ans, encouragée par son amie Florence Malraux, Françoise dépose chez trois des plus grands éditeurs parisiens le manuscrit du livre qu’elle a écrit en à peine six semaines, l’été précédent.
Cadette choyée par des parents bourgeois fantasques, elle ne doute pas une seconde qu’elle sera publiée. Il faudra effectivement moins de 11 jours pour que René Julliard se manifeste auprès d’elle, alerté par François Le Grix, premier lecteur de sa maison d’édition.

Le vélo est facilement pliable er peut etre transporté dans le train gratuitement.

Sur ce sentiment inconnu dont l’ennui, la douceur m’obsèdent, j’hésite à apposer le nom, le beau nom grave de tristesse.
Incipit de Bonjour Tristesse, Julliard 1954

La machine du succès est lancée : le pseudo déniché chez Proust, la publication de Bonjour Tristesse, le scandale provoqué par Cécile, héroïne mineure émancipée qui couche avec un homme plus âgé sans l’aimer vraiment (et sans l’épouser, ce qui apparait alors plus répréhensible encore !).
Puis vient la consécration avec l’obtention du Prix de la Critique, la parution en Une du Figaro du fameux « charmant petit monstre » de Mauriac, et la tournée de promotion à New York.
Entraînée dans la spirale de la célébrité et de l’argent, Françoise devient Sagan, porte-drapeau à son corps défendant d’une jeunesse dorée, insouciante et sexuellement libérée.

2014 marque un double anniversaire : celui des 60 ans de la sortie de Bonjour tristesse, et celui des 20 ans de la disparition de son auteur.
En cette année particulière, Denis Westhoff, le fils de Françoise Sagan, contacte Anne Berest pour lui proposer d’écrire un livre sur la sortie de Bonjour tristesse et ses répercussions dans la société française de l’époque.
Anne Berest, en pleine séparation sentimentale, se jette à corps perdu dans ce livre. Elle va vivre et respirer Sagan jour et nuit, se griser d’écriture et de recherches biographiques pour mieux oublier sa rupture.

Enfiler la pensée de Françoise Sagan comme des bas de soie – me revêtir de sa vie pour oublier la mienne.

Sagan me donne du courage, elle est la meilleure consolatrice qui soit.

C’est ainsi que ce qui est présenté en couverture comme un roman se révèle être un hybride de biographie, de journal intime et de roman.

Prononcez : « Françoise Sagan » et vous verrez les gens se mettre à sourire, de ce même sourire que si vous leur proposiez : « Une coupe de champagne ? »

Et c’est exactement ce qui se produit quand on ouvre Sagan 1954. Anne Berest saisit la jeune Françoise juste avant la tornade Bonjour Tristesse. Mais déjà, Sagan pointe sous Quoirez.

Même si j’ai déjà lu plusieurs biographies et vu nombre de reportages et documentaires sur la vie de Françoise Sagan, j’ai grandement apprécié cette incursion en 54, année charnière entre toutes. L’atmosphère de la France de l’époque (l’appel de l’abbé Pierre, Diên Biên Phu, la tentative de suicide de Bardot, la mort de Colette…) et la mise en branle du phénomène Sagan sont agréablement restituées.
En revanche, tout ce qui a trait aux atermoiements d’Anne Berest sur sa vie privée ne m’a pas intéressé le moins du monde. J’y ai trouvé un je-ne-sais-quoi de puéril et de prétentieux, à des années-lumière de la générosité de Sagan, qui a élevé la politesse au rang d’art délicieusement suranné aujourd’hui [1], et de son incisive lucidité.

Le plus important, au final, est que Sagan 1954 remplit pleinement sa mission : faire revivre Sagan et communiquer l’irrésistible envie de se replonger dans sa vie et son œuvre. À peine le roman refermé, je me suis empressé d’aller piocher dans ma PAL pour en ressortir Sagan et fils, de Denis Westhoff, puis Un peu de soleil dans l’eau froide. J’ai aussi regardé Encore un hiver, le court-métrage qu’elle a réalisé en 1974 (1/2 et 2/2).
Je sens que d’autres vont suivre en ce mois de mai 2014 placé sous le signe de Sagan. J’ai d’ailleurs hâte de l’entendre à travers le recueil d’entretiens, Je ne renie rien, qui vient tout juste de sortir, et que je ne devrais pas tarder à me procurer.

Dans cette vidéo pour la librairie Mollat, Anne Berest présente (plutôt laborieusement) son roman.
Les fans garderont contact avec l’actualité Sagan via le site web officiel et les comptes Facebook et Twitter qui lui sont dédiés.

Ce qu’ils en pensent :

Canel : « Cette lecture m’a donné envie de redécouvrir Bonjour Tristesse et de trouver des biographies plus sérieuses et moins nombrilistes sur Françoise Sagan. C’est déjà ça. »

Mango : « C’est une Sagan très jeune, très vivante, pleine de vie et entourée d’amis que j’ai retrouvée ici et là et ça, j’ai beaucoup aimé. »

Sentinelle : « Sagan 1954 donne furieusement envie de relire le premier roman de Françoise Sagan. Mais c’est aussi une première approche d’un écrivain que je ne connaissais pas, Anne Berest. »

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Sagan 1954, d’Anne Berest
Stock (30/04/2014) / Collection La Bleue – 198 pages

Notes

[1] La fameuse fausse interview de Desproges pour le Petit Rapporteur en 1975, suffit à s’en convaincre.