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Amour et raison font rarement bon ménage.
Les folles passions s’apparentent plus souvent à un saut dans le vide qu’à une promenade de santé. Ce qui les différencie, c’est l’atterrissage, plus ou moins rapide, plus ou moins violent.

Vélo pliable.

Sans même se soucier de vérifier si elle a enfilé son parachute ou si l’élastique est solidement arrimé à ses chevilles, Murielle se jette de la hauteur de ses 17 ans dans une relation amoureuse avec un de ses professeurs de l’École de chansons de Paris.
À cœur et à corps perdus.
Même si elle pressent que l’aventure peu conventionnelle (l’homme, sommité dans le monde du spectacle, de vingt ans son aîné), ne sera pas sans obstacles, elle sent que cela en vaut la peine. Qu’elle doit la vivre, que c’est l’amour de sa vie.

L’absent. Il était l’absent. L’homme qui échappe.
Il était l’homme référence. Il était l’homme que je voulais croiser, dans la rue, par hasard. Je le guettais parfois, j’espérais qu’il apparaisse.
Les autres ont-ils aussi dans leur vie l’espoir d’un être à croiser ? Ou était-ce moi seulement qui avais cette bizarrerie-là ?

Peu importent les conséquences. Elle préfère ne pas penser qu’une fois embarquée, il n’y aura plus moyen de faire marche arrière et se persuade qu’il sera toujours temps d’aviser, le moment voulu.

C’est vrai qu’il en jette le prof. Homme charismatique, solaire, il éblouit la jeune femme, lui fait chaud en dedans, la fascine comme le feu, attirant et dangereux.
Elle peut s’y brûler, elle le sait. Mais ne peut résister à l’envie de s’en approcher au plus près.

Journal informatique 1
17-08-97
La peur liée au choix de vie que j’ai fait. Celui de l’insécurité. Celui d’aimer un homme hors du commun, démesuré, effrayant et admirable.

Le temps des presque vingt années que durera leur relation en pointillés, Murielle va passer par des moments de joie intenses et d’exaltation nageant en plein bonheur, périodes de tristesse et de déchirement sur lesquels plane le spectre de la dépression.
Des hauts et des bas, dignes des montagnes russes.

Quelle drôle de chose que de vivre un amour, presque un mois durant, avec un homme qui vous a affolée, fait souffrir, fait vibrer, en enveloppant son cœur d’un tissu épais pour le protéger des agressions probables de l’attachement, en ne prenant que ce qu’il y a à prendre : rien qui se garde. Du présent. De l’écoute. De la tendresse.

Russe, il l’est justement, « l’homme slave ». Dom Juan notoire, charmeur et volage, il est connu pour faire craquer les jeunettes qu’il remplace aussitôt qu’une nouvelle apparaît, comme son matériel hi-fi.
Elle s’étonne qu’il lui accorde de l’attention à elle, si discrète, si « normale », tellement « moins tout » que celles qu’il glisse dans son lit. Lui, attendri, va prendre goût à la voir de temps à autre, le temps d’un dîner, d’une nuit partagée. Lucide sur sa situation, Murielle va se contenter de ce que lui donne son pygmalion, mais caresse toujours au fond d’elle la possibilité d’une relation stable et suivie avec le Russe. Le temps lui donnera raison : ils vont s’installer et vivre ensemble, faire un enfant…

Mais au bout de quelques années rangé des voitures, l’amoureux du « sentiment amoureux », éternel infidèle, va finir par se lasser et va se mettre à nouveau à collectionner les conquêtes… sans jamais cesser d’assurer sa « femme » de son amour.

Je me gaussais de son répétitif : « Elle incarne pour moi le “mythe” du sentiment amoureux » censé me signifier qu’il traquait précisément ce « sentiment amoureux », et qu’elle l’avait réveillé ; (nous, nous avions basculé dans l’ “amour”). Lui et son mythe n’étaient pour moi que les acteurs d’une grossière pantalonnade, mais une grossière pantalonnade aux conséquences redoutables sur moi et sur ma vie.

Le bourreau de travail, généreux, charismatique se montre alors égoïste, mufle et souvent le plus grand des salauds. Si peu sûr de lui en définitive, au point de le rendre attachant… et finalement irrésistible.

L’ombre de cet homme. L’ombre de l’homme slave commençait à tomber sur lui comme une nuit. La petite musique perverse que je ne reconnaissais pas encore balbutiait déjà sa ritournelle.
Il avait convoqué ses démons ; ils étaient au garde à vous.

En ouverture, l’auteur annonce la couleur. Sous couvert de roman, N’oublie pas les oiseaux est un récit autobiographique. Murielle Magellan y parle d’elle, du grand amour de sa vie. Et si jamais après cette mise en bouche des horreurs comme autofiction, voyeurisme, impudeur, égocentrisme, règlements de compte… vous sont venues à l’esprit, lisez ce roman, ne serait-ce que pour voir à quel point vous êtes dans l’erreur.

À travers son histoire personnelle, Murielle Magellan raconte une relation amoureuse dévorante et tumultueuse. Une de ces histoires que l’on sait impossible, vouée à l’échec mais à laquelle on ne peut résister, avec tout ce que cela entraîne de déchirures, de frustrations, de douleurs mais aussi de passion, d’euphorie et de joie.

Journal informatique 1
11-05-2000
J’ai peur.
Le perdre, c’est me perdre pour un bon bout de temps. Mais tout accepter, c’est me perdre aussi..

Découpée en huit mouvements, cette histoire d’amour hors-norme, extra-ordinaire (et pourtant si banale, au fond : je te désire, je te veux, je t’aime, je ne t’aime plus), résonnera pourtant en tous ceux qui auront vécu au moins une fois dans leur vie une relation amoureuse intense et seront passés par son cortège d’émotions, depuis la fébrile euphorie des premiers moments aux douloureux tourments de la séparation.

Nous nous étions complétés magnifiquement dans l’amour mais nous étions aux antipodes dans la rupture.

Ce qui rend ce récit intime encore plus émouvant, c’est le regard que pose la femme, auteur aujourd’hui reconnu, sur la jeune provinciale candide et pleine d’illusions (mais lucide et volontaire!), dont la voix se fait entendre dans les extraits de journaux intimes ressortis pour l’occasion (ainsi que les « mots du matin » de l’amoureux et le « cahier de liaison »).
Un regard attendri, nostalgique peut-être, mais sans concession, sur la femme qui s’est façonnée au contact de l’homme slave, mais aussi en opposition à lui.
C’est d’ailleurs après avoir regardé cette vidéo dans laquelle Murielle Magellan évoque son histoire que j’ai accepté de lire N’oublie pas les oiseaux, tant son émotion palpable à l’évocation de l’homme slave m’a moi-même ému
J’y ai retrouvé avec plaisir le réalisme des situations, la vérité des sentiments et l’absence de toute caricature que j’avais appréciées dans Un refrain sur les murs.

Un beau moment de lecture ; un bel hommage à l’amour et à l’homme aimé.

Avec lui, j’ai tout arraché de moi. Comme un torrent. Ou plutôt comme un vertige. Comme quand on mise tout sur le 20 et qu’on attend au bord de l’abîme.

Ce qu’elles en ont pensé :

Cuné : « Tout témoigne d’un vrai esprit libre, et c’est peut-être pour ça que c’est aussi accrocheur, aussi bouleversant. Elle offre une vérité dont le puissant charme est irrésistible, on est très bousculé (…) quelle belle histoire que cet amour-là ! Un roman vibrant que j’ai adoré. »

Delphine : « Oui la passion est en flux tendu dans ce roman, où tout un chacun retrouve parfois les aspects de sa propre vie privée : la rupture, la jalousie n’est pas exempte du récit. Et en dépit de l’aspect autobiographique, de cette chute attendue, le nœud au creux de l’estomac gagne lorsque l’inéluctable moment arrive. »

George : « Difficile de lire ce roman en évitant l’identification et c’est bien là son paradoxe. Alors même qu’il est viscéralement autobiographique, il nous renvoie à des sentiments enfouis (…) Murielle Magellan raconte finalement sa propre éclosion et finit son récit sur une note d’espoir, sur des rires. »

Leiloona : « Murielle Magellan signe ici un très joli roman qui ne tombe jamais dans le pathos, le larmoyant ou le voyeurisme… Au contraire, même, elle porte au rang d’universel sa belle histoire d’amour. Je crois que l’homme slave ne pouvait rêver plus bel hommage. »

Titine75 : « Murielle Magellan nous raconte son histoire d’amour sans étalage, sans voyeurisme. Une grande honnêteté se dégage de ce texte. N’oublie pas les oiseaux est un texte prenant, un hymne à la gloire d’un amour fou, un portrait magnifique et sensible de l’homme slave. »

D’autres avis sur Babelio.

N’oublie pas les oiseaux, de Murielle Magellan
Julliard (9 janvier 2014) – 350 pages