rooom_donoghue « À saisir, dans secteur arboré et très calme, studio de 15 m² comprenant chambre, cuisine, séjour, coin lecture, coin télé, salle-de-bains et toilettes, buanderie, salle de jeu, et terrain de sports. Rare dans le secteur. »

Replié, le vélo pliable Kwiggle Bike du vélosophe allemand Karsten Bettin se range dans un bagage à main pour un voyage en avion.

Quoi ? Elle vous paraît louche, cette annonce ? Vous pensez qu’il y a un loup là-dessous ?
Et vous avez raison.
Le loup, c’est Grand Méchant Nick qui viendra vous rendre visite le soir, vous approvisionnera en produits de première nécessité, vous gratifiera d’un extra le dimanche, et s’en repartira un peu plus tard dans la nuit, en sortant les poubelles.

Mais pour Jack, cinq ans, cette pièce de quinze mètres carrés est tout son univers.
Là où Maman lui lit ses histoires préférées, où il l’aide à préparer les repas, où il joue dans son bain, voit à la télévision des mondes qu’il croit imaginaires, joue avec son unique amie Dora, court sur la piste de “sport”, se blottit aux côtés de sa mère dans le grand lit…
« Mon corps, je crois qu’il est à moi comme les idées dans ma tête. Mais mes cellules sont faites avec ses cellules alors c’est un peu comme si j’étais à elle. Et aussi quand je lui dis mes pensées et qu’elle me dit les siennes, nos idées de chacun se mélangent dans nos deux têtes comme si on coloriait au crayon bleu par-dessus le jaune pour faire du vert. » p. 22

La Chambre est son monde. Celui, rassurant et familier, de Madame Télé, Monsieur Lit, Doudou-Lait, Petit Dressing, Grande Cuillère Fondue, Madame Lucarne… Lui ne le trouve pas trop exigu, ni trop monotone ; c’est le cocon où il s’épanouit depuis sa naissance.
Au centre de son monde, il y a Maman. Maman qui, elle, n’en peut plus de cette prison de quinze mètres carrés où elle étouffe. Maintenant que Jack est grand, elle sent qu’il est temps pour eux de retrouver le monde extérieur. Il est temps d’activer le Plan B.
Mais Jack a peur de ce Dehors qu’il ne connaît pas. Bien plus encore que de Grand Méchant Nick.

Quand le lecteur pénètre dans la Chambre d’Emma Donoghue, il entre dans la tête de Jack, gamin diablement éveillé et curieux, narrateur de Room. C’est donc à travers ce que Jack comprend et connaît du monde qui l’entoure que l’on appréhende son histoire.
Pour sûr, il ne manque pas d’imagination, le petit Jack. Pour meubler sa solitude, il a pris l’habitude de considérer les objets de son quotidien comme des personnes à part entière, d’où les Madame chose et Monsieur bidule qui truffent le récit de sa vie dans la Chambre, en compagnie de celle que l’on ne connaîtra que sous le nom de Maman.
Son langage enfantin, émaillé de néologismes attendrissants (« chaudir » l’eau) et de mots-valises (« a-mal-gésiques », « peurageux », « nous-les-deux »…) fait sourire. Tout comme sa candeur.
« Certains patients nous font coucou quand on arrive et je leur réponds ; par exemple, je fais un signe de la main à la fille qui a zéro cheveu et plein de tatouages sur le cou. Les gens, ça me dérange pas trop tant qu’ils me touchent pas.
La dame au tablier a entendu dire que j’étais sorti, mais je lui ai jamais raconté. « Tu as dû trouver ça fantastique.
– Non, je réponds. Euh, pardon : non merci. »
J’apprends beaucoup d’autres bonnes manières. Si un truc est dégoûtant (comme le riz sauvage qui est aussi dur à croquer que du pas cuit), on dit que c’est intéressant. Quand je me mouche, je plie le mouchoir pour laisser personne voir le gluant qui est top secret. Si je veux que Maman m’écoute moi et pas les autres, je dis « Pardon », sauf que parfois je répète « Pardon » pendant si longtemps que quand elle répond, j’ai oublié ce que je voulais dire. »

Mais bientôt, le sourire se fige et devient rictus : cette même candeur finit par faire froid dans le dos, tant elle tranche avec la monstruosité de la réalité.
Car si Jack sent certaines choses, il ne les comprend pas vraiment. Il ne saisit pas toute l’horreur de sa situation, ni l’ampleur du danger. Depuis sa naissance, avec toute l’énergie du désespoir, sa mère s’est toujours débrouillée pour le préserver et l’élever dans l’illusion d’une vie des plus banales. S’efforçant d’entretenir une routine stricte qui rythme leurs journées, elle a su créer un climat sécurisant pour l’enfant.
« – Rendors-toi. »
J’y arrive pas. « Quelqu’un a fermé mon nez.
– C’est simplement qu’il est de plus en plus bouché, ça veut dire que tu seras bientôt guéri.
– Mais je peux pas guérir si je peux plus respirer.
– Voilà pourquoi Dieu t’a donné une bouche. C’est le Plan B », explique Maman. »

Tout ce que la jeune femme fait et endure, c’est pour Jack ; toutes les peurs qu’elle tait, toute la rage qu’elle étouffe, toute la haine qu’elle réprime, c’est pour le protéger. Reclus cinq années durant dans un espace confiné, vivant l’un sur l’autre, l’un pour l’autre, elle voue à son fils un amour inconditionnel, viscéral.
Mais elle peut aussi, dans des moments de désespoir et d’épuisement intenses, manquer de patience, et se montrer injustement agressive envers Jack qui reste la seule personne vers laquelle elle peut se tourner et sur laquelle déverser son flot de frustrations et de reproches.

Les premiers chapitres de Room ont tout du conte de fées. Puis, à mesure que l’on prend conscience de la situation et l’horreur de la situation, on retombe de plain pied dans la réalité. La relation fusionnelle qui soude les deux personnages est loin d’être idyllique : si la mère tient le coup grâce à son fils, c’est aussi à cause de lui qu’elle est restée cloîtrée cinq années dans cette cellule.
En extirpant son récit du monde de l’imaginaire pour le faire passer dans la réalité, Emma Donoghue confère complexité et profondeur à ses personnages et à son intrigue, sans jamais tomber dans le sordide, la sensiblerie ou le mièvre.
Si Room est le récit claustrophobe de l’enfermement, il est aussi – et surtout ? – celui de l’amour maternel, sous tous ses jours. Comme Maman, on est tout à tour attendri et agacé par Jack et ses réactions décalées. Le suspense est mené jusqu’au terme du roman, tension et rebondissements sont rondement menés, faisant une lecture prenante, oppressante de bout en bout.

Et si le monde extérieur était plus hostile que celui de la Chambre et du Grand Méchant Nick ?
Sans doute Natasha Kampusch, Elisabeth Fritzl ou Jaycee Lee Dugard auraient-elles bien des choses à nous apprendre à ce sujet.

Site web officiel de l’auteur.
Site web entièrement dédié au roman.
Les premières pages (en V.O.) de Room.
La bande-annonce du roman.

Ce qu’elles en ont pensé :

L’Ogresse est la première qui m’a donné envie de lire ce roman.
L’Ogresse : « Room d’Emma Donoghue est un roman dont les pages se tournent toutes seules tant il est palpitant. »

Brigitte : « Rare, fort, émouvant, impressionnant, dérangeant. »

Canel : « J’ai dévoré les pages, entraînée par le suspense, et surtout charmée par le courage de cette formidable maman, éblouie par la finesse des échanges avec son fils. »

Choco : « Eloge de l’amour et de la maternité, il est aussi une sorte de roman d’apprentissage un peu particulier, celui d’un petit garçon qui découvre le monde et ses possibilités, du haut de ses 5 ans et qui va devoir trouver son propre libre arbitre, indépendant de sa maman. »

Clara : « Il s’agit d’un livre sans voyeurisme ou pathos et d’une intensité rare! J’ai été tenue en haleine, sonnée, attendrie et chamboulée par tout l’amour qui s’en dégage. »

Danièle : « Ce roman est un récit magnifique sur l’amour maternel, la résistance à l’horreur, la volonté de ne pas laisser l’inhumain, la déculturation et la mort gagner sur la vie. »

Émeraude : « C’est émouvant, c’est dur, c’est plein d’espoir en même temps. C’est un roman fort. »

Enna : « C’est un roman très prenant, très bien construit et passionnant. Ce fut une très belle découverte à laquelle je ne m’attendais pas. »

Gilmoutsky : « Dans la veine de Le bizarre incident du chien pendant la nuit de Mark Haddon, Extrêmement fort et incroyablement près de Jonathan Safran Foer ou d’autres, Room s’inscrit donc dans cette vague d’enfants narrateur décrivant une réalité dure avec des mots simples, candides. »

Joëlle : « L’auteure a réussi un livre fort et très tendre à la fois, qui peut aussi soulever l’indignation quant au comportement de certains mais qui donne une belle bouffée d’espoir et d’émotion ! »

Jules : « Un livre lu en deux jours en un bon indice de sa qualité chez moi. Mais si je faisais un top 10 de l’année, il y figurerait sans faute, mais pas dans les 5 premiers. »

La ruelle bleue : « Ému, vous le serez. Mais vous n’êtes pas prêt d’oublier « Room » »

Laure : « Sans doute pour moi le meilleur livre de l’année 2011. Quelle force se déploie de ce roman, mêlé conjointement d’horreur et d’amour. »

Leiloona : « Outre le matériau de cette intrigue, la force de ce roman est ailleurs. Dans les liens tissés entre la mère et son fils, dans ce monde qu’elle a crée pour son enfant, dans cette détermination qui ne la quitte jamais, dans ce sacrifice qu’est finalement la maternité aussi. »

Mango : « Il m’a clouée sans pouvoir rien faire d’autre que d’aller jusqu’au bout sans m’arrêter. Il est magnifique. »

Mimigogotte : « On sent beaucoup de réalisme dans ce roman. Les limites du voyeurisme et du malsain ne sont jamais atteintes. »

Orchidée : « J’ai le sentiment, pour ma part, d’être passée à côté de ce roman dont j’avais entendu beaucoup de bien. Je n’ai pas franchement accroché à l’histoire -bien que plausible. »

Passiondeslivres : « Sans doute le livre le plus original et le plus marquant de cette rentrée littéraire. »

Philisine : « Un très grand moment (et je pèse mes mots) mais que c’est dur parfois ! »

Stef : « Dès les premières pages, j’ai été littéralement absorbée par cette histoire, inspirée de faits réels. »

Val : « Vous allez tellement vous attacher à ces deux-là (suis-je la seule à m’attacher à des personnages littéraires?) que vous les garderez longtemps en vous. »

Véronique : « C’est prenant et bouleversant car Jack nous parle de faits absolument terribles tout en nous faisant sourire et nous fait réfléchir sur des questions sensibles sans en avoir l’air. »

Virginie : « Room est un roman prenant, souvent émouvant, sans jamais être larmoyant, ni glauque. »

Zarline : « Emma Donoghue a su écrire un récit douloureux mais attachant sur la relation fusionnelle d’une mère et de son fils et sur l’apprentissage et le développement d’un enfant. »

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Room, d’Emma Donoghue
Traduction de l’anglais (Canada) : Virginie Buhl
Stock / Collection La Cosmopolite (2011) – 400 pages