« Dans un jour ou deux »
Il n’en faut pas plus qu’un graffiti sous le pont d’une autoroute pour que la face du monde – et même de l’humanité toute entière – en soit bouleversée.
Tandis que chacun en ville spécule sur la signification du graffiti et l’identité de son auteur, Flake Fountain, chercheur généticien, se voit recruté de force par le directeur de son université pour travailler sur un projet secret.
Consigné par les membres du CPCP (Comité Pour des Conflits Pacifiques) dans un bunker sous-terrain ultra secret sous contrôle militaire, Fountain est chargé de mettre au point un antidote au Joueur de Flûte, une arme bactériologique fabriquée par le gouvernement américain.
En parasitant les circuits de la communication orale et écrite chez les humains, le Joueur de Flûte éradique systématiquement toute velléité guerrière au sein des forces étrangères qui projetteraient d’attaquer le pays. Ainsi, les États-Unis sont en mesure de mettre fin aux conflits armés sans recourir à la violence, ni faire un seul mort.
Conduit dans une aile hautement sécurisée du bunker où sont détenus des cobayes humains, Fountain est consterné par ce qu’il observe des effets du virus : d’abord atteintes d’une sorte de démence, les victimes sont frappées de mutisme avant de finir par ne plus être en mesure de communiquer entre elles.
Plus que jamais réticent à prendre part aux travaux de recherche sur le Joueur de Flûte, Fountain essaie par tous les moyens de gagner du temps. Jusqu’au moment où il découvre que son meilleur ami, Blip, professeur de sociologie dans la même université que lui, fait partie des cobayes.
Dans un jour ou deux est un roman satirique brillant, bourré d’esprit, qui m’a captivé de bout en bout et que j’ai dévoré en un temps record (entendre par là, record pour moi).
pour un vélo électrique pliable, destiné à être utilisé principalement dans un environnement urbain pour des déplacements de quelques kilomètres.
Est-il possible de détruire l’humanité sans tuer un seul être humain ? Que considère-t-on réellement indispensable à notre existence ?… Sous des dehors de comédie loufoque, Dans un jour ou deux amène le lecteur à méditer sur la science, la religion, la vie.
Mais c’est surtout une réflexion sur la communication, le langage et les relations humaines qui est au cœur du récit : jusqu’où peut-on se passer du langage ? Le langage ne serait-il pas un obstacle qui éloigne les gens plutôt qu’il ne les rapproche ? Sans langage, la société est-elle vouée à disparaître ? Et enfin, question plus complexe qu’elle n’y paraît, récurrente dans le roman : pourquoi on n’appelle pas les pommes des rouges ?
Vigorito ne se prive pas au passage de tacler l’armée et les instances gouvernementales dans une diatribe contre ceux qui jouent aux apprentis sorciers sans se soucier des répercussions de leurs décisions sur l’humanité.
Loin d’être rébarbative ou pontifiante, la démonstration est drôle et le rythme enlevé (158 chapitres pour 346 pages !).
En virtuose des mots et de la langue, Vigorito joue de la sémantique (un exercice de haute voltige qui donne envie de voir de plus près à quoi ressemble la version originale). Il verse même dans la poésie, dans le Livre des Mots Doux qui regroupe des échanges de lettres entre Blip et Sophia.
Vigorito s’amuse avec les mots et leurs sens jusque dans les noms de ses personnages, un petit monde de figures hautes en couleurs, dont certaines sont limite déjantées : un narrateur un brin cynique, Flake Fountain ; son meilleur ami, Blip, doux rêveur, qui mène avec sa femme, la belle Sophia, et leur fille Dandy (diminutif de Dandelion), une existence de hippies ; un président d’université pervers, Tibor Tynee, grand amateur de poisons ; une riche héritière, Miss Mary, aux allures et aux caprices de star de cinéma ; un général sadique, Killjoy, dont la principale occupation est de remettre indéfiniment en place ses bijoux de famille (une sale manie qui offre à Vigorito l’occasion de nous gratifier d’une flopée d’expressions, toutes différentes et toutes plus imagées les unes que les autres. Chapeau au traducteur !) ; une espionne digne des héroïnes de films d’action, l’Agent Mella Orange ; Monsieur Volt, homme à tout faire qui cumule les fonctions de serveur, chef cuisinier, chauffeur et garde du corps, sans oublier les chiens Meeko et Tippy…
Publié à compte d’auteur en 2001, Dans un jour ou deux a remporté le Best Visionary Fiction Independent Publisher Book Awards en 2002. L’engouement autour du roman a été tel que Houghton Mifflin Harcourt, gros éditeur américain, s’en est emparé en 2007. Depuis, il a été traduit en cinq langues et publié dans une douzaine de pays.
Je ne sais pas comment Dans un jour ou deux va être accueilli en France, mais j’ai le sentiment qu’il devrait susciter des avis bien tranchés, mettant dos à dos ceux qui vont l’aimer sans mesure et ceux qui vont le détester tout aussi excessivement.
J’espère vivement que que les partisans seront plus nombreux dans le premier camp car, pour ma part, c’est un vrai coup de cœur. D’une vraie richesse stylistique, c’est un roman foisonnant qu’il faut aborder sans préjugé, ni idée préconçue sur ce qu’on pense y trouver. Il faut accepter que certains points ne soient éclaircis que plus tard dans le récit et se laisser embarquer dans cet univers si particulier qu’est celui de Tony Vigorito.
Le site de l’auteur.
Les premières pages du roman à découvrir sur le site de Gallmeister ou en annexe de ce billet.
Dans un jour ou deux, de Tony Vigorito
(Just a couple of days) Traduction de l’américain (États-Unis) : Jacques Mailhos
Gallmeister / Collection Americana (2011) – 360 pages