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Tuesday.

Dearest,

I feel certain that I am going mad again. I feel we can’t go through another of those terrible times. And I shan’t recover this time. I begin to hear voices, and I can’t concentrate. So I am doing what seems the best thing to do. You have given me the greatest possible happiness. You have been in every way all that anyone could be. I don’t think two people could have been happier till this terrible disease came. I can’t fight any longer. I know that I am spoiling your life, that without me you could work. And you will I know. You see I can’t even write this properly. I can’t read. What I want to say is I owe all the happiness of my life to you. You have been entirely patient with me and incredibly good. I want to say that – everybody knows it. If anybody could have saved me it would have been you. Everything has gone from me but the certainty of your goodness. I can’t go on spoiling your life any longer.

Deux vélos pliants compacts avec vitesses dans le moyeu.

I don’t think two people could have been happier than we have been.

V.

Mardi

Chéri,

Je suis certaine que je redeviens folle. Je pense que nous ne pourrons pas vivre une seconde fois une épreuve aussi terrible. Et cette fois, je ne m’en sortirai pas. Je commence à entendre des voix et je ne peux plus me concentrer. Alors je vais faire ce qui me semble la meilleure chose à faire. Tu m’as donné le plus grand bonheur qui soit. Tu as été plus parfait que n’importe qui. Je ne crois pas que deux personnes aient été plus heureuses que nous jusqu’à ce que cette terrible maladie me frappe. Je ne peux plus combattre. Je sais que je gâche ta vie et que sans moi, tu pourrais travailler. Et tu le feras, je le sais. Tu vois, je n’arrive même pas à m’exprimer correctement. Je ne peux plus lire. Ce que je veux te dire c’est que je te dois tout le bonheur que j’ai connu. Tu as été totalement patient envers moi et incroyablement bon. Je tiens à le dire — le monde le sait. Si quelqu’un avait encore pu me sauver, cela aurait été toi. Tout m’échappe sauf la certitude de ta bonté. Je ne peux plus continuer à gâcher ta vie.

Je ne crois pas que deux personnes puissent être plus heureuses que nous ne l’avons été.

V.

Mot d’adieu de Virginia à Léonard Woolf.
Léonard a trouvé ce mot laissé par Virginia avant qu’elle aille se noyer dans l’Ouse (Sussex), le vendredi 28 mars 1941.
La date indique qu’il a été écrit quelques jours auparavant, mardi, jour de sa première tentative de suicide.

Manuscrit et transcription trouvés sur l’excellent blog Letters of Note, dont je vous avais déjà parlé ici.

La traduction française est de Thérésa et Christine de Cherisey
(dans Lettres illustrées : Virginia Woolf. Lettres choisies et présentées par Frances Spalding, Éditions Herscher).