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Sky through trees © Tim Rohe

« L’herbe crissa et je me levai d’un bond. Louise Kendricks pénétra dans mon bosquet.
(…)
– Que fais-tu ici toute seule, marguerite ?
Elle n’accusait pas, elle se renseignait. Je lui répondis que j’observais le ciel.
(…)
Elle leva la tête.
– Tu ne peux pas voir beaucoup de ciel d’ici.
Puis elle s’assit non loin de moi. Découvrant deux racines saillantes, elle posa de minces poignets dessus comme si elle avait été dans un fauteuil. Lentement, elle appuya son dos contre le tronc. Je fermai les yeux en pensant à la nécessité de me trouver un autre endroit et à l’impossibilité probable qu’il en existât un présentant les mêmes avantages. J’entendis de petits cris en cascade et, avant que j’aie pu rouvrir les yeux, Louise saisit ma main.
– Je tombais (elle secoua ses longues nattes), je tombais dans le ciel !
Je l’aimais d’être capable de tomber dans le ciel et de l’avouer. Je suggérai :
– Essayons ensemble. Mais il faut qu’on se redresse après avoir compté jusqu’à cinq.
– Tu veux qu’on se tienne par la main ? dit Louise. Juste au cas ?
J’acceptai. Si l’une de nous tombait, l’autre pourrait la tirer d’affaire.
Après quelques dégringolades dans l’éternité (nous savions toutes deux ce que c’était), nous éclatâmes de rire à l’idée d’avoir joué avec la mort et la destruction, et de leur avoir échappé.
– Regardons ce bon vieux ciel en tournant, dit Louise.
Nous prenant par les mains, nous nous mîmes à tourner au milieu de la clairière. Tout doucement d’abord. Le menton levé et les yeux fixés sur le séduisant morceau d’azur. Plus vite, juste un peu plus vite, puis plus vite et encore plus vite. Et puis finalement l’éternité pris le dessus. Impossible de nous arrêter de tourner jusqu’à ce que l’exigeante gravité m’arrachât aux mains de Louise et me renvoyât à mon sort en bas – non, au-dessus, pas en bas. Je me retrouvai saine, sauve et étourdie au pied du sycomore. Louise avait échoué sur ses genoux de l’autre côté du bosquet.
A coup sûr, le moment était venu de rire. Nous avions perdu, mais sans rien perdre. Nous commençâmes par glousser et ramper en titubant l’une vers l’autre, puis nous éclatâmes d’un gigantesque fou rire, suivi de grandes tapes dans le dos et d’autres rires. Nous avions ridiculisé ou fait mentir quelque chose et n’était-ce pas là un exploit formidable ?
En osant défier l’inconnu avec moi, Louise devint ma première amie. »
(p.171-174)

ans, à la fabrication des meilleurs vélos pliants au monde.

Je sais pourquoi chante l’oiseau en cage, de Maya Angelou
(I Know Why the Caged Bird Sings) – Traduit de l’anglais (États-Unis) : Christiane Besse
Le Livre de poche n°31533 (2009) – 343 pages