corps-divins-vallet Après avoir longtemps été considéré comme anecdotique, souvent raillé et un peu vite réduit au rang de kitschissime, le travail de Pierre et Gilles semble être désormais en odeur de sainteté.
A l’heure où la galerie Jérôme de Noirmont expose les œuvres réalisées ces deux dernières années, Odon Vallet, docteur en sciences de la religion, décrypte le panthéon du plus célèbre duo d’artistes français dans son livre, Corps Divins.

La Sainte Famille, Krishna, Ganymède, David et Jonathan, Bouddha, Sarasvatî, Adam et Ève, Apollon, Mercure… Depuis l’origine, et notamment leur fameuse série Les Saints, l’univers et l’esthétique de Pierre et Gilles puisent avec jubilation dans l’imagerie pieuse des religions du monde : figures bibliques, divinités hindoues, dieux de la mythologie et même demi-dieux du show biz. Dans leurs tableaux se côtoient sans complexe, dans des compositions ambiguës, le trivial (voire l’érotisme) et le sacré.
« L’univers contrasté de Pierre et Gilles mêle avec beaucoup de talent le honteux et le sacré, saints en érection et diables en prière. Il s’agit moins de provocation que d’ambivalence dans la confusion des sentiments et l’inconscient des contraires. (…) L’art de Pierre et Gilles est de rapprocher la colombe du Saint-Esprit et le serpent du tentateur » résume Odon Vallet.

pierre-gilles-monde-parfait Ces thèmes récurrents et quasi obsessionnels, ainsi que d’autres qui leur sont familiers, se retrouvent dans leur exposition, Un monde parfait, à la galerie Jérôme de Noirmont.
Bien que l’exposition emprunte son titre à la rengaine insouciante d’Ilona, on remarquera que la réalité du monde fait son apparition dans l’univers fantasmagorique de Pierre et Gilles, avec des œuvres comme Iraq war (2006), David et Jonathan (2005), qui prône le rapprochement musulmans/juifs, L’Afrique brise ses chaînes (2006), référence à l’esclavage et au passé colonialiste, ou Vive la France (2006), image d’une France black blanc beur fantasmée mais qui n’existe pas en réalité.

une courroie en kevlar, les vélos pliants Strida sont moins salissant que les vélos classique.

Dans Pierre et Gilles : tout sauf futile, le texte du catalogue de l’exposition, Pierre Ardenne n’hésite pas à faire la démonstration de l’engagement politique des artistes.
« Ce terme de “politique”, sans doute, paraîtra déplacé, outrancier même à ceux qui ont une fois pour toutes – à tort- catalogué Pierre et Gilles sous l’étiquette de livreurs d’images chic de tendance esthétique Gay pour modèles ultra-narcissiques. (…) A leur manière si singulière, non moins “politiquement” que les enragés les plus affichés, eux se seront même montrés les plus œcuméniques d’entre les pasteurs de la Causa Sexualis. Ne furent-ils pas les premiers, eux qui vivent depuis 1976 au grand jour, leur liaison, à esthétiser leur vie de couple, comme en témoignent une myriade d’autoportraits doubles, du Totem (1984) à l’emblématique Les mariés (1992) ? »

Pour celles et ceux qui ne connaissant pas encore Pierre et Gilles, et voudront juger par eux-mêmes de la portée de leurs créations, la Galerie Nationale du Jeu de Paume, à Paris, rassemblera plus d’une centaine d’œuvres, du 2 juillet au 23 septembre 2007, pour la rétrospective Pierre et Gilles 1976 – 2006, qui sera auparavant passée par la Russie.

Corps divins, d’Odon Vallet – Éditions du Chêne – 181 pages
Un monde parfait – Texte : Paul Ardenne – Galerie Jérôme de Noirmont Paris – 88 pages