wonderful-town-catalogue Depuis ce jour de 1993, où je suis allé voir leur exposition à la galerie Samia Saouma, je ne rate aucune exposition parisienne de Pierre & Gilles. Il m’est même arrivé de passer quelques jours à l’étranger rien que pour voir une exposition qui leur est consacrée.
Alors évidemment, je n’ai pas tardé à me rendre à la Galerie Jérôme de Noirmont qui présente depuis le 27 novembre, Wonderful Town, réunissant leurs œuvres réalisées entre 2007 et 2009.

Dans cette nouvelle série, le travail du couple d’artistes révèle un univers bien plus sombre qu’à leur habitude (même si en 2000, la série Exil Intérieur avait déjà marqué un virage en ce sens).
Cette fois-ci, on ne retrouve que peu de traces des paillettes, du strass et des couleurs chatoyantes qui ont fait leur réputation, leur valant d’être injustement considérés comme des artistes futiles.

Non seulement le mini vélo pliant Strida présente un superbe design mais il est aussi équipé du système de pliage en trois secondes breveté à la courroie crantée en kevlar pour remplacer la chaîne ou encore au système de freins à disques, la maison Strida fait dans le high tech.

Comme son nom ne l’indique pas, Wonderful Town dépeint un univers urbain des plus sombres.
L’essentiel des œuvres place les modèles au cœur d’un décor aux accents post-apocalyptiques, à l’horizon barré d’usines, de barres d’immeubles, de grues ou d’engins de chantier. Le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle (© qui vous savez), baignant le tableau de couleurs de cendre et de fumée.
Sur un tas de détritus ou au milieu des immondices d’une décharge, les personnages de Pierre & Gilles sont les seules tâches de lumière et de couleur de la composition, incarnations d’un vestige de féerie et de poésie, qui refuse de céder aux ténèbres.

On retrouve dans cette série de portraits les composantes fondatrices de l’univers de Pierre & Gilles, qui réussissent pourtant à se renouveler sans se répéter, ni se plagier : les images religieuses : Saint Sébastien de la guerre (2009), La vierge à l’enfant (2009), San Sébastian (2009), Rédemption (2008), L’Antéchrist (2008) ; les marins : Full Moon (2007), Ocean Green’s (2008), Bare capture (2008), Le marin fantôme (2008) ; le milieu interlope : Marlène D. (2009).
Il y a aussi le lot habituel de célébrités de la chanson (Mathieu Chédid, Sylvie Vartan, Coco Rosie), des lettres (Amélie Nothomb), du cinéma (Hafsia Herzi), de la télévision (Armande Altaï), du cinéma porno (François Sagat, Fred Faurtin)…

Comme à leur habitude, les compositions de Pierre & Gilles sont plus complexes que de simples portraits et donnent à voir toute une histoire On s’amuse toujours à dénicher les allusions phalliques, plus mutines qu’obscènes, disséminées ici ou là, parfois de façon évidente comme dans Toys (2007), dernier autoportrait en date des artistes (qui n’est pas forcément une réussite, d’ailleurs).

Et pourtant, je dois reconnaître que j’ai été déçu : Wonderful Town, telle que proposée par la Galerie de Noirmont, ne présente que dix-neuf portraits des trente-quatre qui constituent la série ! En effet, l’essentiel de celle-ci est exposée jusqu’au 17 janvier prochain au Brésil, au Centre Oi Futura de Rio de Janeiro.

En outre, pour peu qu’on s’intéresse un peu à l’actualité des deux artistes, une infime proportion de ces dix-neuf portraits exposés à Paris constitue une véritable découverte puisque beaucoup d’entre-eux ont déjà été présentés à diverses occasions : De l’autre côté de l’amour (2008) et Toutes les femmes ont un secret (2008) à la rétrospective de Sofia en Bulgarie (mai-juin 2008), Le chant du cygne (2008) à la biennale Prospect 1 de la Nouvelle-Orléans (novembre 2008-janvier 2009), La vierge à l’enfant (2009) à l’exposition La Force de l’Art 02 (avril-juin 2009) ou encore San Sébastian (2009) ou Sucré-salé (2008) à la rétrospective du C/O de Berlin (juillet-octobre 2009). Même le portrait d’Amélie Nothomb, Bloody Amélie (2008), a été largement diffusé puisqu’il a été utilisé pour la couverture de son roman Le fait du prince.

Même si rien ne vaut la confrontation directe avec les œuvres (d’autant que chacune d’entre-elles est sublimée par un cadre original réalisé spécialement par les artistes), je me suis donc plongé avec plaisir dans le catalogue de l’exposition qui répertorie l’ensemble de la série Wonderful Town.
A noter que pour un prix réduit de moitié comparé à Un monde parfait, la dernière exposition de Pierre & Gilles, la Galerie de Noirmont propose un catalogue de bien plus belle facture, avec une couverture rigide et une reproduction des œuvres de qualité qui en font un véritable livre d’art.

Le site de la Galerie Jérôme de Noirmont propose quelques vues d’ensemble de l’exposition qui se tiendra jusqu’au 23 janvier 2010.
On peut feuilleter le catalogue ici (une page vierge remplace les œuvres les plus “suggestives”).

Wonderful Town, de Pierre & Gilles
Texte “Avant la fête”, de Jean-Louis Froment
Éditions Jérôme de Noirmont (2009) – 90 pages