homme-marchait-lune-mccord On a marché sur la Lune. Et pas qu’une fois.
L’aventurier qui réitère inlassablement cet exploit depuis plus de cinq ans est un homme solitaire d’une cinquantaine d’années, du nom de William Gasper.

Étrange personnage que ce Gasper qui, loin du monde civilisé et des préoccupations matérielles (tout ce qu’il possède est stocké dans un container de location), disparaît régulièrement de longues semaines pour escalader la Lune, montagne du Nevada aussi désertique et exempte de toute présence humaine que son nom le laisse présager.

ai acheté deux vélos électriques et pliants de la marque Blanc Marine, un pour moi et un pour mon épouse.

A force d’arpenter “sa” montagne en tous sens, Gasper a fini par la connaître sur le bout des doigts… et la pointe de son fusil.
Marcheur solitaire, il apprécie par-dessus tout cette vie spartiate, loin des hommes, en communion avec la nature (il adore courir nu à travers la montagne !). Il connaît toutes les astuces pour économiser ses vivres, reconnaître les baies comestibles, traquer le gibier, se protéger au mieux des intempéries, récupérer l’eau de pluie…

Lors de son ascension, tous ses sens en alerte, Gasper laisse divaguer son esprit, passe en revue certains épisodes de son passé. Son monologue intérieur en dit un peu plus sur sa personnalité.
« La Lune était naturellement propice à ce genre de pensées bénignes : la succulence de la chair de grouse, le grand cri d’Oncle Angus. C’était un lieu où la mémoire pouvait se détendre ou se laisser bercer au point d’atteindre des choses plaisantes ; un lieu où le trop-plein d’horreur brute de la vie pouvait être voilé par la brillance même du jour. »

Peu à peu, la figure plutôt sympathique du vieux hippy acariâtre fait place à celle, plus inquiétante, d’une sorte de Rambo des montagnes maîtrisant toutes les techniques de survie en milieu hostile, citant Kierkegaard et Schopenhauer.
« Comporte-toi comme un dieu et envoie l’hybris au diable. Apprends à connaître précisément tes limites et à ne jamais les outrepasser. Vise la certitude. Connais tes points faibles mieux que ceux de ton ennemi – car l’une de ces choses est possible et l’autre non. »

Qui est vraiment William Gasper ? Est-il ce philosophe en symbiose parfaite avec la nature et ses esprits, ou un être menaçant en proie à une folie hallucinatoire ? La présence à ses trousses de deux ombres furtives qu’il prend pour Cerridwen, la déesse celte, et son chat meurtrier, Palug, est-elle le fruit de l’imagination d’un doux rêveur ou le délire d’un dangereux paranoïaque ?
« J’ai pour les armes un amour authentique, qui m’en fait leur esclave – mon passé, le cours que ma vie a pris, est une autre cause de cet esclavage. Je me suis engagé dans une violence que je n’avais pas anticipée et un jour elle m’est devenue habituelle. Je ne suis pas un homme paisible, bien que je le regrette. »

Voilà un roman qui ne ressemble à rien de ce que j’ai pu lire jusqu’ici… et qui m’a laissé bien perplexe.
L’homme qui marchait sur la lune est un mélange des genres : à la fois roman réaliste dans la mouvance du Nature Writing, roman onirique nourri des visions et du mysticisme de Gasper, et polar/thriller.
Paradoxalement, ce roman de Howard McCord est un huis clos… qui se déroule en pleine nature ! De même, le personnage de Gasper est tout en ambiguïté, se montrant très respectueux de Mère nature et, en même temps, impitoyable avec l’Homme.
« Parfois, des bêtes rapides et affamées mangent des bêtes moins rapides. »

Avec une économie de mots que ne renierait pas son héros taciturne, McCord parvient à instaurer une tension qui va crescendo tout au long de cette mortelle randonnée, menant vers une fin que l’on pressent tragique, jusqu’à la chute… fatale !

Les Américains en ont fait de L’homme qui marchait sur la lune un livre culte.
Personnellement, je ne sais pas trop quoi penser de ce roman qui n’a rien à voir avec ce à quoi je m’attendais. Si je n’ai pas détesté cette lecture, quelque chose que je n’arrive pas à identifier clairement m’a empêché de l’apprécier sans réserve.

Les premières pages du roman sont disponibles sur le site des Editions Gallmeister ou en annexe de ce billet.
Pour en savoir plus sur l’auteur, rendez-vous sur le site officiel de Howard McCord (in English).

Ce qu’ils en ont pensé :

BlueGrey : « C’est un livre sombre, un chouïa barré, déroutant et parfois même assez dérangeant. »

Cathe : « Voilà un roman extrêmement original dans cette rentrée littéraire, d’un auteur américain vétéran de la guerre de Corée et auteur de plusieurs récits et recueils de poésie. »

Cathulu : « On ne peut qu’être séduit par ce texte qui rudoie le lecteur, le happe et le fascine. »

Cuné : « Puissamment envoûtant et dans la mouvance de Cormac McCarthy, mâtiné de Carlos Castaneda. Imaginez… »

Eeguab : « Décidément, les raisons qui font que ce roman ne m’a pas enthousiasmé plus que cela restent aussi insondables que son protagoniste principal ! »

Emeraude : « Une énigme racontée avec une plume et une réflexion aussi puissantes qu’une lune dans un ciel sans étoile. »

Papillon : « Un roman complètement nihiliste et parfaitement dérangeant. »

Pascal : « On verra dans ce roman, plus qu’un habituel polar, un texte empreint d’érudition, une sorte de conte poétique et philosophique où le rêve et le fantasme prennent parfois le pas sur la réalité. »

Sentinelle : « Beaucoup de lecteurs y ont vu un hymne à la nature sauvage. Pourquoi pas, même si je préfère les romans de Jim Harrison dans ce cas de figure. Quant à l’écriture poétique, je préfère nettement la plume de John Burnside à celle de Howard McCord. »

L’homme qui marchait sur la lune, de Howard McCord
(The Man Who Walked to The Moon) – Traduction de l’anglais (américain) : Jacques Mailhos
Gallmeister (2008) – 152 pages