collecte-monstres-urienRien à voir avec un quelconque ramassage des encombrants de nos cités dans le recueil de nouvelles d’Emmanuelle Urien. Les monstres qu’elle collecte au fil de ses dix-huit textes sont des personnages ordinaires, généralement discrets, à la limite ternes. Jeune fille en mal de solitude, étudiante et pute occasionnelle, artiste névrosé à succès, vétéran amoché par les combats, clodo chanceux, comptable consciencieux, starlette de porno ou fillette innocente, leurs préoccupations sont celles qui font les choux gras des horoscopes : le grand amour, le job en or, l’argent qui coule à flot et la santé en béton. En un mot : le bonheur. Rien ne les distingue dans la foule des anonymes, rien si ce n’est cette fêlure intime, cette folie douce qui, le temps d’un instant, va les projeter hors de leur grisaille quotidienne pour leur faire vivre un moment extra-ordinaire, au sens littéral du terme.
Il faut se méfier car chez Emmanuelle Urien, la monstruosité ne réside pas toujours là où on le pense, le monstre n’est pas forcément celui désigné comme tel. Qui est le vrai monstre, la proie ou le prédateur, le soumis ou le tyran ? D’autant que la victime peut fort bien se transformer en bourreau, le manipulé se révéler être habile manipulateur… Une seule certitude, la mort est (presque) toujours au rendez-vous.

Stéphane, Jean, Corinne ou Emma qui vous guiderons sur le modèle le mieux adaptés à vous et à votre usage, le définition de vos besoins est un élément clé dans le choix de votre vélo pliant.

Noir c’est noir. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’univers d’Emmanuelle Urien n’est pas des plus joyeux. Il serait plutôt du genre acerbe, voire méchamment cynique, comme j’adore. Les textes sont brillamment écrits ; l’attention du lecteur est happée dès les premières lignes. De toute évidence, l’auteur maîtrise l’écriture si particulière de la nouvelle, et parvient avec habileté à mener son lecteur jusqu’à la chute finale, souvent surprenante, voire déconcertante. Bien sûr, les dix-huit textes ne sont pas tous aussi percutants. Mes préférés sont Cas de figure 38, Zoologique et Converti en grammes, car ce sont ceux dont la chute m’a semblé la moins “téléphonée”.
Car le défaut des textes de ce recueil réside dans leur structure même, celle de la nouvelle “à chute” chère à Guy de Maupassant (cf. le remue-méninges précédent) ou, dans un registre plus contemporain et anglo-saxon, compilée dans la série Histoires à… d’Alfred Hitchcock que j’ai dévorée dans ma jeunesse. Dans La collecte des monstres, tous les récits reposent sur le même ressort dramatique, ce qui finit à la longue par donner à l’ensemble un côté systématique et artificiel. Au bout de deux, trois textes d’affilée, on a saisi le “truc”, alors on est à l’affût du moindre indice et on devine alors rapidement où veut nous emmener l’auteur. De fait, la chute devient prévisible, ôtant ainsi tout l’effet de surprise escompté.
C’est pourquoi, je me permettrais de donner un conseil pour profiter pleinement de ces histoires qui valent vraiment le détour : les savourer à dose homéopathique, pas plus de deux à la fois.

Deux courts extraits pour vous mettre l’eau à la bouche :
«La promiscuité m’a soulevé le cœur. Je me suis retrouvé dans la masse de ceux dont j’allais, sans le savoir, devenir le semblable, écrasé contre leurs corps, piétinant leurs membres, respirant leur haleine ou les miasmes de leurs terreurs organiques. Dans la mêlée, nous ne formions plus qu’un, nous étions un seul vaisseau en perdition, luttant malgré l’issue déjà fatale. Comme eux, je ne voulais pas sombrer : je croyais qu’il était indispensable de survivre et d’en revenir. Croire que l’on peut revenir de tout, c’est le propre de l’homme. Mais est-il encore homme, celui qui n’a plus rien d’humain ? Sali, souillé jusqu’à l’os par les insultes et l’humiliation, l’honneur en lambeaux, l’orgueil à l’air pire que la tripe, et du sang sur les mains qui ne serait pas que le sien. Je suis devenu chien, porc, e même hyène, j’ai défendu ma vie avec mes dents, je me suis aplati quand elle en dépendait, je n’ai pas hésité à vendre mon frère chien, nous étions tous bâtards gémissant dans nos cages, réclamant pitance, suppliant pour avoir la vie sauve.» (Revenir).

«Je suis tombé pour complicité dans une affaire de drogue, et je n’en sais guère plus : la drogue, je n’y connais rien, et la complicité, avant d’être déféré, je croyais que c’était bien. Un truc entre deux personnes, des choses qui passent sans qu’on les dise, des regards qui font rire, des verres qui s’entrechoquent et de la mousse qui déborde. Des clichés de télévision. Mais la complicité pour laquelle on m’a accusé n’avait, hélas, rien à voir avec ça» (Présumé coupable)

Clarabel, Flo, Malice et Tamara ont aimé sans réserve.
Le site perso d’Emmanuelle Urien.

La collecte des monstres, d’Emmanuelle Urien
Gallimard – 157 pages