swing-chaperonBien plus qu’en littérature, en matière de musique, je suis un familier du grand écart ; depuis toujours, se côtoient en bonne intelligence dans ma discothèque les pires daubes commerciales et des albums plus confidentiels, ou considérés par certains comme plus “pointus”, et ce dans tous les genres musicaux ou presque.
Il est pourtant un style de musique auquel je suis venu assez tard : le jazz. Je ne suis d’ailleurs pas un grand spécialiste du genre, mes préférences allant au jazz d’avant les années 1960 et généralement chanté plutôt qu’instrumental, plus facile d’accès je suppose.
Tout cela pour dire, que je ne sais plus ce qui a pu m’inciter à lire Swing, le premier roman de Jean-Yves Chaperon. D’ailleurs, j’ai été un peu déstabilisé au début de la lecture car dans mon souvenir, le récit devait se dérouler dans l’univers des bouges du Harlem des années 30. A défaut, Swing s’ouvre à Paris, de nos jours de surcroît, pour basculer rapidement dans le Londres du début du siècle.

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Et de jazz, pas de traces, du moins dans les premières pages, où il n’est question (presque) que de peinture : après avoir été découvert dans un grenier de Philadelphie, un tableau inédit du peintre français Joseph Gaignault est exposé dans une galerie parisienne.
Ajoutée à la découverte tardive de la toile, l’inscription qui y figure, “Joseph Gaignault n’est pas un peintre”, alimente alors les rumeurs les plus folles : provocation surréaliste à l’image du fameux “Ceci n’est pas une pipe” de Magritte ou message révélant au monde entier l’imposture d’un peintre dont on ne tient pour sûrs que peu d’éléments biographiques ? De toute son existence, Gaignault n’aura réalisé qu’une douzaine de toiles. Son expérience du charnier de la première guerre mondiale l’aura laissé traumatisé et atteint d’”autisme pictural”, incapable à son retour de reprendre ses pinceaux. C’est dans la musique que dorénavant il laissera s’exprimer sa créativité, devenant un des trompettistes les plus fameux des boîtes de jazz de Montmartre, avant de finir mystérieusement assassiné.
Dès lors, le lecteur se retrouve emporté dans un tourbillon d’événements et de personnages qui vont l’emmener du vieux continent aux Amériques, de la butte Montmartre à New York, en passant par La Havane, la Toscane ou San Francisco, de 2006 au début du siècle… Dans le sillage de Gaignault, personnage inventé par Jean-Yves Chaperon, évoluent des figures bien réelles comme le pianiste Willie “the Lion” Smith, le percussionniste Buddy Gilmore, le poète Tristan Tzara, le clarinettiste Sydney Bechet, ou encore Joséphine Baker, Charles Chaplin, le fameux ténor Caruso, Francis Picabia, Jack London, le boxeur Jack Johnson et bien d’autres (j’en ai réuni quelques uns dans le Slide ci-dessous).

Quand le jazz est, quand le jazz est là… C’est une véritable fresque que ce premier roman de Jean-Yves Chaperon qu’on ne lâche plus, à peine commencé. Les chapitres se succèdent à un rythme enlevé. L’horreur des tranchées fait place à l’insouciance des années folles, où fleurissent les courants artistiques et où se répand la fièvre du jazz, tempo révolutionnaire rapporté par les soldats américains débarqués en Europe pour participer à la grande guerre.
On suit les personnages un moment, puis on les laisse pour d’autres, avant de les retrouver un peu plus tard. On réchappe avec Caruso du grand tremblement de terre de San Francisco ; on assiste, en compagnie de Jack London, au combat lors duquel Jack Johnson va devenir le premier boxeur noir champion du monde des poids lourds (avènement que l’Amérique ségrégationniste vit comme un affront à la suprématie blanche) ; on s’enflamme pour le swing et ses musiciens qui détrônent le tango dans les clubs montmartrois… Les personnages se croisent, d’autres vont se rencontrer, d’autres encore vont se rater mais tous mènent, d’une façon ou d’une autre, à Joseph Gaignault, et à l’énigme qui entoure sa vie. « A l’instant où Caruso embarque, Jack et Charmian descendent du bateau voisin qui les a amenés sur les lieux du drame. Le reporter aperçoit cet homme imposant, dont le profil lui dit quelque chose. Avec tant de bagages et ce domestique à ses côtés, il doit être un personnage important. Jack reconnaît alors le grand ténor Enrico Caruso, dont la photo ornait les quotidiens, les jours précédents. Jack London arrive, et Caruso s’en va. Ils ne se parleront pas. Dommage. »

Musique, peinture, boxe, Swing est un roman foisonnant et efficace, sans prétention ni temps mort. Loin d’être un frein à l’intrigue, l’abondance de vrais et faux personnages entretient le rythme et le suspens de la narration. Et bien entendu, au cœur de Swing, la question “Qui est réellement Joseph Gaignault ?” trouvera sa réponse en toute fin de récit. Pas besoin d’être féru de jazz pour vibrer et apprécier ce roman. Bien au contraire, aux ignares comme moi, Swing donnerait plutôt envie de combler dare-dare ses lacunes.
A signaler que pour ce roman, Jean-Yves Chaperon, bien connu des jazz addicts pour son émission quotidienne sur RTL, a reçu le Prix du 1er roman du Rotary Club 2007.

Les avis de Clarabel et de Brice Depasse.

Swing, de Jean-Yves Chaperon
Éditions Anne Carrière – 452 pages