En ce jour d’Halloween, la ronde des monstres peut commencer ! Pouah…

Messerschmidt-mauvaise-humeur

L’Homme de mauvaise humeur (Tête de caractère, c.1770) © Franz-Xaver Messerschmidt

Il sagit dun vélo pliant dahon vert.

« David passa par le vestiaire des hommes, un lieu, se dit-il, que seul Dante aurait pu imaginer. Ce n’était pas le côté fétide ou souillé. En réalité, l’endroit était même tout à fait propre et bien éclairé, les serviettes récemment lavées aussi chaudes que du pain frais, et près des lavabos, les peignes trempant dans de l’eau de Cologne Clubman. Mais il y avait des monstres ici, appartenant à l’espèce humaine, des hommes constitués de cubes et de sphères attachés les uns aux autres qui paraissaient tous obligés de déambuler nus, parfaitement inconscients, semblait-il, de leurs difformités, aussi spontanés que des enfants. Dégoulinants de sueur au sortir du sauna ou du hammam, la peau rouge comme des homards bouillis, ils s’interpellaient les uns les autres aussi simplement qu’ils se croisaient dans la rue.
– Leland, fit l’un d’eux. Alors, comment vas-tu ?
– Slim, alors, qu’est-ce que tu deviens ?
Je ne regarde pas ton pénis, tel était le sous-titre de ces échanges, imagina David, suivi de Je ne regarde pas ton pénis, moi non plus. Mais il regardait, lui. C’était une véritable fascination, exactement ce à quoi pensait Virgile avec son petit voyage dans les enfers : face à un choix si vaste, une si grande variété de formes et de tailles, vous ne pouviez faire autrement que regarder. Des pénis d’éléphant, des queues de cheval, des bites de chien, des shlongs juifs et des chibres d’âne. Des pénis avec une seule burne visible, une seule burne, ou pas de burne du tout. Des micros sur des géants, des macros sur des avortons, et vice versa. Des pénis de Noirs, le gland aussi rose qu’une langue de chien, les tailles confirmant ou infirmant tous les stéréotypes, des pénis orientaux confirmant ou infirmant la même chose. Des pénis circoncis, le prépuce aussi tendu qu’un lifting, si peu souples alors qu’ils pendaient flacides, qu’on imaginait toute érection douloureuse. Même des pénis avec piercing – des Prince Albert -, l’anneau enfoncé dans le méat ressortant par l’urètre comme aux narines d’un bœuf. Un panoptique de pénis, un champ de phallus, et en présence de tant de bites, sa seule pensée fut qu’aucune loi ne semblait gouverner l’univers – pas de bienfaits garantis pour les bons, ou des châtiments pour les méchants, aucune équité dans ce que Dieu donnait ou reprenait, excepté le fait indéniable de la corporalité, et par conséquent, de votre propre mort. »
(p. 409-410)

Mr Peanut, de Adam Ross
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Jean-Baptiste Dupin
Collection Grand Format (2011) – 516 pages