L’accès le plus spectaculaire à la cité de Petra, en Jordanie, se fait par un long corridor rocheux naturel, le Sîq, canyon qui débouche sur un des joyaux de la cité antique : le trésor (Al Khazneh).
Quand il s’engage dans le Sîq, le promeneur sait qu’un spectacle extra-ordinaire l’attend au bout du chemin. Au fur et à mesure de sa progression, impatient, il anticipe cet instant. Dans les derniers mètres, il se voit enfin récompensé : le Khazneh se dévoile peu à peu à son regard, pour se révéler dans toute sa majesté une fois le Sîq franchi.

Prenez le temps de découvir les possibilités que vous offre un vélo pliant.

Pourquoi est-ce que je vous parle de Petra alors que je suis censé annoncer les résultats de l’enquête sur la 4e de couverture ? Parce que l’image du Khazneh m’est venue spontanément à l’esprit tandis que j’analysais les réponses au questionnaire.
Plutôt que d’accéder directement au Khazneh, le lecteur préfèrera emprunter le Sîq. Ce bon quart d’heure de marche, comme la promesse d’un moment unique à venir, va mettre le lecteur en condition et exacerber sa réceptivité aux émotions éprouvées face à la splendeur monument.

Tout ça pour dire que, pour les personnes ayant répondu au questionnaire, une bonne 4e de couverture ressemblera à ça…

Petra

Al Khazneh, Petra © Pir6mon

…plutôt qu’à ça :

Al_Khazneh_Petra

Al Khazneh, Petra © Graham Racher

Après cette longue analogie, qui j’espère aura été suffisamment explicite même si vous n’êtes jamais allés à Petra, passons aux résultats de l’enquête sur la 4e de couverture.
Entre le 14 avril et le 15 mai 2011, vous avez été 225 à répondre au questionnaire. Je vous en remercie chaudement.

Avant toute chose, une mise au point s’impose : cette étude n’a aucune prétention scientifique. Elle n’a pas été réalisée par un statisticien professionnel, dans les règles de l’art propres à cette discipline.
Je serais bien étonné si vous y trouviez des révélations fracassantes. En revanche, vous y verrez certainement confirmation de quelques certitudes ou de tendances perçues de façon intuitive.

Par égard pour votre patience, je ne reproduis dans ce billet que la synthèse.
Pour ceux que cela peut intéresser, l’analyse complète de l’enquête est disponible en annexe (où figure également cette analyse). Pour les plus curieux, j’y ai adjoint le rapport généré par SurveyPirate.

N’hésitez pas à me faire part de vos observations.


La quatrième de couverture, bénédiction ou abomination ?

Ce n’est pas encore demain que sonnera le glas de la 4e de couverture. Une écrasante majorité des lecteurs (86 %) n’envisage pas devoir s’en passer un jour.
La 4e de couverture reste un passage incontournable pour près de 80 % des répondants qui la lisent systématiquement (40,89 %) ou souvent (38,67 %). Ils sont même 72 % à déclarer la lire plusieurs fois. Parmi eux, 62,5 % se servent de la 4e de couverture comme d’aide-mémoire au moment de prêter un livre, de piocher dans leur PAL, de fureter dans leur bibliothèque…

Toutefois, elle a beau être considérée comme indispensable, la 4e de couverture n’en est pas pour autant lue de A à Z : 56 % des lecteurs ne font que la survoler.

La 4e de couverture n’est pas considérée comme le critère décisif au moment d’acheter/choisir/emprunter un livre. Quelle que soit la population observée, l’auteur est le premier critère (sur 7) à peser dans le choix final. Sur l’ensemble du panel, la 4e de couverture, elle, n’arrive qu’en 5e position (les hommes le placent en 3e position, les femmes en 5e).

Son impact reste néanmoins fort puisque 78 % des lecteurs se disent influencés/plutôt influencés par la 4e de couverture. Sans surprise, les gros lecteurs se disent moins influencés par la 4e de couverture que les autres lecteurs. Ils sont donc logiquement plus nombreux à ne pas s’émouvoir d’une éventuelle disparition de la 4e de couverture.
La valeur de la 4e de couverture n’est pas la même que l’on sache ou non à l’avance ce qu’on vient chercher en librairie ou en bibliothèque. Elle est nulle dès qu’il s’agit d’un auteur fétiche, que l’on lit les yeux fermés sans même avoir besoin de savoir de quoi il y est question, quoi qu’il arrive et qu’il se dise dans la presse. Sa valeur fluctue en fonction de ce qu’on a entendu au préalable au sujet du livre (bouche-à-oreille, presse…). En revanche, la 4e de couverture a toute sa raison d’être quand on ignore tout de l’auteur et/ou de l’histoire.

Si la 4e de couverture est si largement plébiscitée, c’est bien parce qu’elle apporte des informations sur le contenu du livre : 90 % des répondants viennent y trouver un résumé de l’histoire.
La 4e de couverture rassure. Même incomplète, voire inexacte, elle réduit les « erreurs de casting » et limite les déceptions. De l’avis général, plutôt que rien, mieux vaut encore une 4e de couverture mal faite.

Du résumé ou de l’extrait, s’il fallait se passer de l’un des deux, c’est l’extrait qui serait sacrifié par 78 % des lecteurs au profit du résumé pour la simple et bonne raison que si le lecteur veut avoir un extrait du style de l’auteur, il lui suffit d’ouvrir le livre ! Un autre argument avancé en faveur du résumé, c’est qu’à l’instar de la bande-annonce d’un film, l’extrait n’est pas forcément représentatif et peut être volontairement ou non, partial, et donc trompeur.
D’ailleurs, si extrait il doit y avoir, 87,56 % des lecteurs exigent qu’il soit significatif. Pas question de faire dans la fantaisie avec un extrait décalé. Une réaction là encore certainement suscitée par la crainte de se voir floué sur le contenu réel du livre et d’essuyer une déception.

Autre composant de la 4e de couverture, le blurb importé des Etats-Unis fait l’unanimité… contre lui ! 90 % des lecteurs ne lui portent aucun crédit. C’est l’aspect mercantile du procédé qui attise l’animosité des lecteurs qui sont plus de 90 % à le trouver commercial et racoleur. A peine plus de 30 % le trouvent incitatif. L’opposition aux blurbs est d’autant plus forte que le lecteur est avancé en âge et qu’il « consomme » de livres dans l’année.
Ce rejet massif va à l’encontre du développement croissant de l’utilisation du blurb en France. Il est d’ailleurs intéressant de noter que 81,82 % des auteurs et 75 % des éditeurs ayant participé à ce sondage déclarent ne pas apporter de crédit aux blurbs !

Tout comme les blurbs, les lecteurs restent très circonspects vis-à-vis des comparaisons faites avec des livres considérés comme des « références » par les éditeurs (pour leur qualité littéraire ou le nombre de leurs ventes !). Ils sont 73 % à trouver qu’elles desservent les livres.

Pas plus que les blurbs, le bandeau ne trouve grâce aux yeux des lecteurs qui le trouvent inutile/plutôt inutile (86 %). Plus les lecteurs sont jeunes et moins ils lisent de livres dans l’année, plus ils trouvent le bandeau utile/plutôt utile.
Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à se déclarer insensibles aux sirènes du bandeau (31 % de rarement/jamais contre 19 %).

Nombreux sont les lecteurs à souhaiter qu’il n’y ait pas de bandeau. Pour plagier la phrase attribuée à Philip Henry Sheridan selon laquelle « Un bon Indien est un Indien mort », pour presque la moitié des lecteurs, un bandeau utile est un bandeau qui n’existe pas !
Près de la moitié des lecteurs (49,78 %) ôtent et jettent le bandeau avant de commencer leur lecture. A noter que, parmi ceux qui l’utilisent comme marque-page, la plupart finissent par le jeter à la fin de leur lecture. A noter que le taux le plus important de personnes qui jettent le bandeau (75 %) est à chercher chez les éditeurs !

Même si de nombreuses voix dénoncent la place croissante du marketing dans la 4e de couverture, les lecteurs ne sont que 23 % à la réduire à un outil purement commercial, préférant y voir une porte d’accès au livre.

L’auteur serait-il la personne la mieux placée pour rédiger la 4e de couverture de son livre ? Même si le Non/Plutôt non l’emporte à 54,67 %, les avis sont partagés, la proximité de l’auteur avec son œuvre étant pour les uns un avantage, pour les autres un handicap.
Pour 40 % des lecteurs, puisque l’auteur possède une connaissance inégalée du contenu de son livre, il sait mieux que quiconque ce qui peut être dévoilé de l’intrigue ou pas (40 % des lecteurs). A l’opposé, 38 % pensent que l’auteur est donc trop impliqué, et n’a pas assez de recul pour parler au mieux de son livre.

Beaucoup le reconnaissent : la rédaction d’une 4e de couverture est un vrai métier, réservé au lecteur ou à l’éditeur. L’auteur sait de quoi il parle, ce qu’il faut dévoiler ou pas de son livre, mais ne sait pas forcément comment bien le dire, ni comment le vendre. Si l’auteur est le mieux placé pour promouvoir le contenu de son livre, l’éditeur maîtrise le mieux l’aspect commercial qui va permettre de diffuser le livre plus largement.

Les réponses laissent entrevoir une vision un peu schématique opposant auteurs et éditeurs, la création vs. le commerce. Alors que les lecteurs se montrent bienveillants envers les auteurs, on note toutefois une pointe d’animosité envers les éditeurs auxquels il est souvent reproché, à tort ou à raison, de n’envisager le livre que sous l’aspect d’une marchandise et non comme une œuvre de création. D’ailleurs, certains n’hésitent pas à rappeler qu’il est indispensable que le/la rédacteur de la 4e de couverture ait lu le livre !
Si malgré tout les lecteurs s’accordent pour reconnaître l’expertise de l’éditeur en la matière, certains suggèrent que les auteurs puissent jouir d’un droit de regard sur leurs 4e de couverture.

Le reproche majeur que les lecteurs expriment à l’encontre de la 4e de couverture (58,46 %) est que trop souvent elle en révèle trop et gâche le plaisir. Ils sont 6,15 % à les trouver trop longues. Elles sont aussi souvent considérées comme trop élogieuses, donc pas crédibles, donc sans intérêt.

En dépit de ces critiques, les lecteurs estiment que la 4e de couverture donne un aperçu globalement honnête du livre (69,7 % la trouvent fidèle/plutôt fidèle).
Pour tout ce qui touche à l’histoire, les lecteurs trouvent la 4e de couverture fidèle, mais dès qu’il s’agit de l’originalité ou de la qualité véritables de l’ensemble, ils la trouvent plus facilement trompeuse.
Une majorité (55,6 %) lui reproche d’être bavarde/plutôt bavarde.
Ce qui n’empêche pas qu’au final, avec 74 % d’accord/plutôt d’accord, les lecteurs sont satisfaits du contenu de la 4e de couverture.


La quatrième de couverture « idéale » vue par les lecteurs

Le lecteur attend de la 4e de couverture qu’elle le rassure. Si avant d’entamer la lecture, il veut savoir où il met les pieds, il aime défricher le terrain et en découvrir la géographie au fur et à mesure de son expédition dans le livre. Un peu à la manière dont se découvre la carte topographique d’un jeu vidéo de stratégie au fil des progrès du joueur.

C’est pour cela qu’il ne demande pas plus au résumé de 4e de couverture qu’une mise en place de l’histoire, une évocation rapide et concise de la trame, du contexte. Juste assez pour en saisir le contexte et l’atmosphère sans pour autant connaître la destination finale avant même d’avoir entamé le voyage ! Car la bête noire – et la plus grande frayeur – du lecteur, c’est le spoiler qu’il considère comme un « tue l’amour ».

Priorité à la simplicité et à l’efficacité. Perspicace, le lecteur a appris à se défier des formules dithyrambiques qui survendent le livre et peste contre tous les à-côtés marketing (blurbs, bandeau…) qu’il considère comme de la pollution publicitaire.