Depuis un moment, Régine a des absences.
Des blancs de plus en plus fréquents, qui voilent sa mémoire et préoccupent son fils, Louis.
Et si Régine souffrait de la maladie d’Alzheimer ?
Mais Alzheimer n’y est pour rien si Régine perd chaque jour un peu plus la tête. La sentence du médecin est sans appel : la batterie d’examens a parlé, le temps de Régine est compté.
Louis met alors son métier d’écrivain public entre parenthèses, pour se consacrer encore plus que d’ordinaire à sa mère.
Un jour qu’il s’attarde dans le capharnaüm du grenier de la maison familiale, parmi les vieux meubles, les anciens vélos et les trente-trois tours de sa jeunesse, il tombe nez à nez avec un vieux mannequin surgi du passé.
« “C’est le mannequin de Pierre”, disait-elle. Pierre, cet oncle qu’ils n’ont pas connu, mort à dix ans, qu’on voit dans l’un des albums de famille photographié avec son mannequin. Il le tient par le cou. Tous deux ont la même taille et sont habillés pareillement, en vareuse de marin et bonnet à pompon. On dirait qu’ils sont frères jumeaux. Et pourtant non. L’un est un enfant, l’autre un mannequin aux yeux de verre. Louis observe les orbites vides, qui donnent au visage du presque enfant un air spectral et effrayant. Il approche la main, caresse les cheveux, sent rouler la poussière sous ses doigts, et soulève délicatement la tête en carton. Un fil casse à la base du cou. Rongée par les ans, la couture se défait et les points cèdent les uns après les autres, lentement la tête se sépare du corps. Un œil de verre tombe, petit ploc, suivi par une enveloppe que Louis cherche à rattraper mais qui glisse le long de sa jambe et vient s’échouer à ses pieds..
. »
Ce que Louis vient de découvrir accidentellement, caché dans la tête du mannequin, n’est pas qu’un simple paquet de vieilles lettres oubliées. C’est le secret de Régine. Dissimulé depuis plus de quarante années.
Louis doit faire vite s’il veut en savoir plus sur cette parenthèse de vie qui s’estompe chaque jour davantage, en même temps que la mémoire de Régine.
C’est après avoir assisté à la représentation d’une des pièces de l’auteur, Luc Tartar, Les yeux d’Anna, que ma soeur m’a proposé de me prêter son dernier roman.
Contrairement à ce que suggère le titre du roman, dans Sauvez Régine il est avant tout question de Louis, ce fils qui va retenir autant que possible sa mère qui s’en va doucement pour tâcher de démêler et comprendre cet épisode de sa vie resté dans l’ombre toutes ces années.
Tandis qu’il entreprend ses recherches, il ignore encore qu’à travers l’écho qu’il va trouver avec sa propre histoire, lui, le « survivant », part à la rencontre de celui qu’il est vraiment.
Il ne faut pas hésiter à passer outre le titre ma foi peu affriolant de ce roman, référence au fameux Salve Regina, pour se délecter d’un texte habilement construit, à l’écriture à vif, tout à la fois âpre et sensible, mais non dénuée d’humour.
Luc Tartar est assurément un auteur qui mériterait de gagner une plus large audience.
Le site web de Luc Tartar.
Sauvez Régine, de Luc Tartar
Éditions de l’Amandier (2010) – 212 pages