erdrich-chorale-bouchers La vie est ainsi faite : il ne faut parfois pas plus qu’une tranche de pain de mie pour décider du destin de plusieurs générations d’individus.
C’est en voyant pour la première fois de sa vie un pain de mie industriel fabriqué à Seattle, que Fidelis Waldvogel, jeune boucher allemand de retour de la première guerre mondiale, décide de quitter son pays pour rejoindre le Nouveau monde, d’où provient ce pain à la forme si parfaite.

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C’est ainsi que Fidelis débarque à New York avec une simple valise contenant ses précieux couteaux et les saucisses qu’il a fabriquées avant son départ d’Allemagne.
Pendant plusieurs jours, il va rester aux abords de la gare, à vendre jusqu’à la dernière de ses saucisses aux passants.Toutefois, l’argent récolté ne suffira pas à lui payer son billet pour Seattle. Il n’aura pas de quoi aller plus loin qu’Argus, bled paumé du Dakota du Nord où il se fait embaucher par le boucher du village.
Des mois durant, il va mettre de l’argent de côté pour acheter une ferme à l’écart du village, faire venir sa femme Eva et son fils et ouvrir sa propre boutique.

A Argus, la vie, bien que rude, s’écoule paisiblement. La famille Waldvogel s’agrandit. Nostalgique de la chorale de Ludwigsruhe, Fidelis crée une petite chorale dans laquelle il réunit tous les hommes du village.
Un jour, arrivent Delphine et Cyprien, un couple atypique d’équilibristes qui court le pays en se produisant dans de petites troupes de cirque. Alors qu’elle ne faisait que passer rendre visite à son père, Delphine, forcée de rester à Argus plus longtemps que prévu, va se lier d’une profonde amitié avec Eva, la femme de Fidelis.

A partir de cet instant, exit les bouchers, ou presque. Exit aussi la chorale qui se révélera anecdotique. Place à Delphine qui est la vraie figure centrale de La chorale des maîtres bouchers de Louise Erdrich (d’où le titre tout aussi mauvais de ce billet).
C’est donc par l’intermédiaire de la jeune femme, volontaire et indépendante, que le lecteur va faire connaissance avec les principaux habitants d’Argus, à commencer par la famille Waldvogel. Mais aussi Cyprien Lazarre, compagnon de fortune de Delphine, mi-français mi-ojibwé ; Roy l’ivrogne du village, père de la jeune femme ; Clarisse, son amie d’enfance, qui a repris l’affaire de pompes funèbres au décès de son oncle ; Tante, vieille fille acariâtre et sœur de Fidelis ; Un-Pas-Et-Demi, l’énigmatique et inquiétante clocharde… et toute une kyrielle d’autres personnages hauts en couleur.

A défaut de la chronique d’une chorale, de ses membres et du monde de la musique à laquelle je m’attendais, je me suis trouvé embrigadé dans le journal de la vie d’un village des Grandes Plaines américaines, depuis les années 1920 jusqu’aux années 1950.
Dans cette bourgade livrée aux quatre vents, quasiment coupée du monde, les personnages évoluent sous la baguette du chef d’orchestre Louise Erdrich. A force de petits riens, de gestes quotidiens, d’anecdotes, elle évoque des destins qui parfois semblent sans rapport les uns avec les autres mais qui tous convergent à un moment ou à un autre vers Delphine, clé de voûte du roman, et finissent par constituer la grande saga villageoise qu’est La chorale des maîtres bouchers.

La destinée de ces petites gens, à l’existence simple et rustique, va subir les répercussions des grands événements qui agitent l’Amérique : Prohibition, Grande Dépression, Seconde guerre mondiale…
Fresque romanesque, La chorale des maîtres bouchers brasse les grands thèmes de prédilection du genre : l’amour, l’amitié, la jalousie, les rivalités, la rancœur, l’exil, la mort, la filiation… Son originalité tient sans doute à la famille Waldvogel, déchirée par le conflit de 39/45, dont les membres se demandent s’ils se doivent d’être loyaux à leur pays d’origine ou à celui qui les a accueilli, et alors d’accepter de se battre contre les siens, contre ses frères.

De ce roman foisonnant, Louise Erdrich fait émerger un par un les principaux protagonistes, leur donnant la vedette chacun leur tour. Il se dégage de ces pages beaucoup d’humanité et de douceur malgré la rudesse des existences et les accidents de la vie auxquels devront faire face les personnages.
Avec sensibilité et sobriété, elle donne vie à des caractères attachants et pas trop caricaturaux ; des gens simples qui pourtant, chacun à leur manière, sortent de l’ordinaire.

Et pourtant… Et pourtant, j’ai éprouvé beaucoup de difficulté à venir à bout de ce roman pas si déplaisant malgré tout.
Et je ne pense pas que ma suractivité du moment soit la seule cause de ce manque d’entrain. En dépit de la révélation (superflue, à mon avis) contenue dans les dernières pages, j’ai trouvé que ce roman manquait d’un véritable souffle, quelque chose qui puisse me transporter malgré mes contingences matérielles, malgré moi.
Peut-être que les dithyrambes lus au sujet de ce livre et le rapprochement de l’auteur avec Faulkner et Toni Morrison ont placé mes attentes un peu trop haut.

Merci à Blog-O-Book et au Livre de Poche pour cette découverte.

Ce qu’elles en ont pensé :

Voici quelques avis à ajouter à tous ceux déjà répertoriés par B-o-B :

Aifelle : « J’ai été enthousiasmée par ce roman et ne sait comment rendre compte de la richesse que j’y ai trouvée. Bien sûr il y a une trame principale, mais il y a surtout une multitude “d’histoires dans l’histoire” qui en fait tout le sel et l’intérêt. »

A propos de livres : « Une très belle lecture et je vous conseille de découvrir ce livre. »

Delphine : « N’ayons pas peur des mots : un Chef d’œuvre !!! J’ai tout simplement adoré ce roman qui m’a totalement accaparé. »

Liliba : « Je vous dis simplement : lisez ce livre ! Vous passerez un vraiment bon moment. »

Nanne : « Que dire de plus sinon que ce roman est un pur joyau de la littérature amérindienne. “La Chorale des maîtres bouchers” est une cantate, un requiem, un lied en hommage au foisonnement de la vie, à ses vicissitudes, à sa beauté, à ses difficultés, à ce qui fait son intérêt. C’est tout simplement magnifique ! »

Sylire : « Une fresque familiale assez passionnante. »

Theoma : « C’est un roman complexe et très bien écrit. Je ne suis juste pas entrée dedans. »

La chorale des maîtres bouchers, de Louise Erdrich
(The Master Butchers Singing Club) Traduit de l’anglais (États-Unis) : Isabelle Reinharez
Le Livre de Poche (2007) – 569 pages