… mais la vie en a décidé autrement.
Alors, je compense en m’efforçant de faire de mon mieux à bord d’In Cold Blog : j’accueille mes passagers, veille à leur confort tout le temps de la traversée, puis les quitte en espérant qu’ils ont fait bon voyage et que j’aurais le plaisir de les revoir prochainement sur une de mes lignes.
Il y a une quinzaine de jours, plusieurs passagers sont venus se plaindre auprès de moi qu’un bruit alarmant peu rassurant gâchait leur voyage (qu’ils en soient ici remerciés).
Après une petite recherche dans le guide de bord, j’ai pu identifier l’anomalie et suis allé en référer à la tour de contrôle pour qu’elle me guide dans la marche à suivre, comme je l’ai vu faire des dizaines de fois dans tous ces films catastrophes où l’hôtesse de l’air sexy arrive à faire atterrir l’avion toute seule, grâce aux explications détaillées des aiguilleurs du ciel.
Le protège plateau en aluminium offre une solide protection, particulièrement appréciable sur un vélo pliant.
Sauf que je n’ai pas été aussi chanceux que ces bombasses de cinéma.
Déjà, c’est un euphémisme de dire que la liaison radio avec la tour de contrôle était mauvaise. A chacune de mes questions, il m’a souvent fallu attendre plusieurs jours pour avoir une réponse… incomplète ou à côté de la plaque. Donc, je devais reposer ma question et attendre une éventuelle réponse.
Au bout d’une semaine, tout ce que j’avais réussi à soutirer de l’aiguilleur du ciel, c’est que l’origine du problème se trouvait quelque part dans les circuits imprimés et qu’il me suffisait de les changer.
J’ai eu beau lui dire que mon boulot, c’est de distribuer des sourires, boissons et sacs à vomi, pas de trifouiller dans les circuits électroniques corrompus, il n’a rien voulu savoir. Démerde-toi ma belle ! C’est bien beau tout ça mais, avant même d’aller voir si je peux réparer la panne, il faudrait peut-être que je sache déjà où les dégoter ces fameux circuits. Je te souhaite bien du plaisir, gros malin, pour trouver l’aiguille quand tu ne sais pas où se trouve la botte de foin !
Sans me vanter, je connais plutôt bien mon boulot.
Je suis rompu au rythme des traversées, j’ai mes marques, je maîtrise mon plan de vol. En cabine, je sais rester discret tout en étant efficace et les voyages se déroulent généralement sans encombre. Parfois, quelques turbulences viennent chambouler cette petite organisation bien huilée, mais jamais rien de très sérieux qui nous empêche d’arriver à bon port. Mais dès qu’il s’agit de technique, je ne suis plus bon à rien. Ces questions-là me dépassent complètement.
Au bout de quinze jours de vains échanges, épuisé et désabusé, j’ai coupé tout contact avec la tour de contrôle. Je n’avais plus d’autre choix que de tenter l’opération de la dernière chance : remplacer le matériel défectueux par un modèle plus ancien, mais en état de marche.
Mais il suffisait que je fasse un mauvais branchement pour qu’on s’écrase en une seconde et là, adieu à tout jamais In Cold Blog. C’était quitte ou double. L’atterrissage ou le crash.
Comme j’avais moyen envie de finir façon kamikaze en mission suicide dans le Pacifique, je suis allé demander parmi les passagers si, par hasard, il n’y aurait pas un spécialiste. Et là, comme au cinéma, a surgi le héros qui a pris les choses en mains et grâce auquel je me tiens à nouveau devant vous aujourd’hui (ma reconnaissance est inversement proportionnelle à mon incompétence en la matière).
« Mesdames, messieurs. Ladies and gentlemen. Señoras y señores. Le commandant et son équipage vous souhaitent la bienvenue à bord d’In Cold Blog, à destination des grands espaces littéraires. Nous volerons à une altitude raisonnable (entre le ras-des-pâquerettes et les hautes sphères inaccessibles), à une vitesse de croisière tributaire de notre emploi du temps. Nous allons faire notre possible pour rattraper le retard que nous avons accumulé dans les commentaires et vous souhaitons un très agréable voyage en notre compagnie. »
Jacques Dutronc – L’hôtesse de l’air PLAY
Crédit photo: © François Walthéry