La mort vient de faucher Rachel Kelly dans son atelier.
Si elle est un peintre reconnu et admiré, elle n’a pas été une épouse ni une mère admirable. Souffrant de troubles bipolaires, elle a imposé à sa famille la perpétuelle succession de ses phases d’exaltation et de dépression.
Vous souhaitez vendre un vélo pliant, des accessoires ou des vêtements.
Présence écrasante et perturbante, elle agissait sur ses proches comme un trou noir, les laissant exténués, fragilisés, meurtris.
Terrorisés même, parfois. Comme ses quatre enfants, Garfield, Morwenna, Hedley, Petroc, qui tous ont grandi dans l’ombre menaçante de cette mère excentrique qui les (mal) aimait à sa façon.
Devenus adultes, ils portent toujours en eux les peurs générées par la personnalité de leur mère. Morwenna a d’ailleurs préféré fuir le foyer très jeune, sans plus donner de nouvelles que très sporadiquement à son frère Hedley.
Et pourtant, à sa mort, Rachel demeure un mystère pour ses proches. Tout juste si l’on sait qu’elle est née au Canada.
Si tout le monde ignore ce qu’a été sa jeunesse avant qu’Anthony la rencontre en Cornouailles, c’est que toute sa vie, Rachel a occulté tout ce qui avait trait à son passé, faisant du sujet un tabou familial.
Sa mort va être l’occasion pour les siens d’essayer de savoir quelle femme se cachait réellement derrière le peintre de génie qui ne vivait que pour son art et le tyran maniacodépressif qui étouffait sa famille.
Conçu comme une exposition posthume consacrée à l’artiste Rachel Kelly, Tableaux d’une exposition est construit selon une structure originale : chaque chapitre s’ouvre sur le descriptif d’un cartel présentant une œuvre ou un objet ayant appartenu à l’artiste (à cet endroit, le titre original du roman, Notes from an exhibition, est plus pertinent que le titre français, plus restrictif). Suit alors l’épisode de la vie de Rachel Kelly qui s’y rapporte directement, retracé par un membre de sa famille.
Cette construction légitime pleinement la multiplicité des points de vue, des déplacements dans le temps et sur les continents qui, loin de perturber la lecture, la rendent plus passionnante encore. Les chapitres/tableaux se répondent, se complètent, se contredisent pour donner à la fin du livre/de la visite une image plus complète – et ô combien plus complexe ! – de Rachel Kelly et de son œuvre. Ainsi, chaque chapitre va donner un éclairage complémentaire qui va permettre aux membres de la famille de Rachel Kelly, ainsi qu’au lecteur, de découvrir le mystère de la vie du peintre et de mieux comprendre certains événements majeurs de son existence.
D’ailleurs, rien n’empêcherait le lecteur/visiteur de suivre l’exposition/roman dans le sens de son choix, de s’arrêter à une étape plus particulière du parcours créé par le conservateur/auteur, ou de cheminer selon un ordre chronologique s’il le souhaitait.
Peint avec sensibilité par Patrick Gale, Tableaux d’une exposition est un beau portrait de famille doux-amer, empreint d’une douleur diffuse.
Avec une subtile finesse et une extrême justesse, Patrick Gale donne vie à une famille « true-to-life », dépeint la complexité des relations qui unissent chacun de ses membres : Rachel, artiste excentrique que la maladie transforme en ogresse égoïste ; Anthony, le Quaker au soutien indéfectible, compagnon des bons et des mauvais jours; Morwenna, la fille fragile qui a choisi la fuite ; Petroc, le fils préféré disparu prématurément… Chacun d’eux à sa façon, selon sa sensibilité et sa personnalité, gère au mieux la maladie de Rachel.
Bien entendu, Tableaux d’une exposition fait la part belle à l’art et à la créativité. De leur place dans la vie de Rachel : la peinture a-t-elle été pour elle un exutoire à sa maladie ou est-ce sa maladie qui est à l’origine de son talent ? De leur place dans la vie de ses enfants, qui ne se sont jamais sentis à la hauteur des exigences et du talent de leur mère, qui ont toujours plus ou moins inconsciemment associé la peinture à la maladie.
Un très beau roman où j’ai retrouvé toute la palette d’émotions qui m’avaient touché à la lecture de Chronique d’un été, du même auteur.
Les premières pages sont à lire sur le site de l’éditeur.
Le site web de Patrick Gale.
Ce qu’elles en ont pensé :
Au Coin Du Livre : « Toutes les familles ont leurs histoires, leurs secrets, leur drame. Cette complexité intergénérationnelle est dure à cerner, à retranscrire. Pourtant, Patrick Gale s’y emploie merveilleusement bien dans Tableaux d’une Exposition. »
Cathulu : « L’auteur réussit le pari, si souvent raté, de nous faire voir les tableaux de Rachel. Une réussite ! Un livre tout corné, évidemment. »
Tableaux d’une exposition, de Patrick Gale
(Notes from an exhibition) Traduction de l’anglais : Fabienne Bogaert
Belfond (2009) – 360 pages