enfant-berlin-wiazemskyCaen, Cannes, Béziers… Au volant de son ambulance de la Croix-Rouge, Claire, 27 ans, parcours les routes de la France fraîchement libérée.
Quand s’achève sa mission, la jeune fille redoute de retrouver le cadre rigide de sa famille, et la seule éventualité de son futur mariage avec son fiancé, prisonnier en Allemagne, la fait frémir.

En cette année 1945, quand s’offre à elle la possibilité de poursuivre son action à Berlin, elle n’hésite pas une seconde et, au grand dam de ses parents, accepte la nouvelle mission qui lui est assignée.
Là-bas, dans un décor de fin du monde, elle va travailler pour la Division des personnes déplacées en participant au rapatriement des victimes du STO et des malgré-nous prisonniers de l’Armée Rouge, dispersés un peu partout dans le pays.
Plus que jamais, dans un Berlin en ruines, Claire va se sentir utile. Ce qu’elle entreprend sur place, les horreurs dont elle est témoin transforment peu à peu la petite fille privilégiée qu’elle était en une jeune femme volontaire et indépendante, appréciée des ses camarades logées dans le même immeuble qu’elle.

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Un jour, arrive au 96 Kurfürstendamm, Yvan Wiazemsky, officier français mais authentique prince russe dont la famille a été chassée à la révolution. Immédiatement, Claire va tomber sous le charme de ce jeune homme dont elle admire la désinvolture et le côté extraverti.
Mais plus que tout, ce que Claire aime chez Wia, c’est qu’il l’apprécie pour ce qu’elle est , et non parce qu’elle est la “fille de”…

Pas facile d’être la fille d’un personnage illustre comme François Mauriac. Pas facile non plus, dans les années 1940, d’être une jeune fille de “bonne famille”. Sous l’emprise de sa famille bourgeoise catholique, Claire étouffe. La libération de son pays représente pour elle une chance unique de se libérer du carcan familial et de gagner son indépendance. D’ailleurs, à plusieurs reprises, dans ses lettres à ses parents et dans son journal intime, elle dira : « J’étais une gosse, je suis une femme. ».
Cependant, malgré ses réelles aspirations à s’émanciper, Claire reste par certains côtés une petite fille. D’ailleurs, son indépendance est toute relative. Son esprit “rebelle” fera long feu dès qu’il sera question de son mariage avec Wia : elle n’aura de cesse d’obtenir l’accord parental (aurait-elle bravé l’interdiction ?) et pliera devant l’insistance de son père pour que le mariage soit célébré à Paris et non à Berlin comme l’avaient souhaité les fiancés.

Claire va trouver dans son travail d’ambulancière de quoi satisfaire son grand besoin de reconnaissance. Paradoxalement, c’est au milieu des ruines de la capitale allemande qu’elle va vivre les instants les plus intenses et les plus merveilleux de son existence. L’omniprésence du danger, de la douleur et de la mort les fait se sentir d’autant plus vivants, elle et ses camarades, Rolanne, Mitsou, Plumette, Olga… Savoir que la vie peut basculer à chaque instant exalte les sentiments, l’amitié, la solidarité, le courage.

C’est aussi certainement ce contexte hors du commun qui favorise et alimente la romance entre Claire et Wia.
Car tout oppose les deux jeunes gens : leur milieu social (Claire est issue de la bourgeoisie catholique, Wia d’une famille princière russe déchue), leur culture (Claire est très « française » alors que Wia est cosmopolite), leur caractère (Claire est réservée et migraineuse, Wia est extraverti et charmeur).
La jeune fille en est bien consciente et confie à son journal : «Wia aime sortir le soir et je déteste ça ; il aime voir des amis et je déteste ça; il aime raconter des histoires drôles et je déteste ça; nous n’avons aucun point commun, mais je pense que c’est peut-être avec lui que j’ai une toute petite chance d’être heureuse.»


Il était une fois, une ambulancière et un prince. Ils s’aimèrent, se marièrent, vécurent heureux et eurent des beaucoup enfants.
Avec Mon enfant de Berlin, Anne Wiazemsky propose une histoire pour le moins banale (deux jeunes gens tombent amoureux), dans un contexte extra-ordinaire (le Berlin de l’immédiate après-guerre).
Ce qui est certainement moins banal, pour l’auteur tout au moins, c’est que les deux personnages dont il est question dans le roman sont ses propres parents, Claire Mauriac et Yvan Wiazemsky. L’enfant de Berlin dont il est question dans le titre du roman n’est autre qu’Anne elle-même. D’ailleurs, les lettres de Claire à ses parents et son journal intime sont la base du roman. L’auteur les inclut à son récit de façon à faire s’interpénétrer les deux voix, celle de la mère et celle de la fille.

Malheureusement, ma déception est à la hauteur de mes espérances. Là où j’attendais fougue, émotion, ardeur, je n’ai trouvé qu’une romance gentillette, à la limite de la mièvrerie. Je garde pourtant un excellent souvenir de Je m’appelle Elisabeth, le seul roman d’Anne Wiazemsky que j’ai lu avant celui-ci. A n’y rien comprendre.
Pourtant, on retrouve dans Mon enfant de Berlin les mêmes “ingrédients”, ou presque, que dans Je m’appelle Elisabeth : une circonstance spéciale offre à une gamine en mal d’émancipation (mais ayant toujours besoin d’être protégée) l’occasion de prouver à son père qu’elle est une grande. Alors pourquoi la magie n’a-t-elle pas opéré cette fois-ci ? Même le style d’Anne Wiazemsky, que j’avais trouvé limpide et collant fort bien au récit, m’a paru ici sans relief.

La faiblesse de Mon enfant de Berlin réside essentiellement dans l’idéalisation de ses deux personnages principaux : Claire et Wia sont jeunes et beaux, ils s’aiment, ils sont heureux, volontaires, courageux… Aucune ambivalence, aucune complexité chez eux. Zéro défaut.
Leur romance est gentillette et chaste. J’ai été choqué de ne trouver aucune trace de sensualité dans les pages de ce roman qui est quand même l’histoire d’une rencontre amoureuse et du fruit de ces amours. Même pour l’époque, on peut s’étonner de l’extrême retenue déployée par les deux tourtereaux qui semblent tout heureux de quelques chastes bisous échangés ! A aucun moment, il n’est question de l’attrait es corps, du désir.
La retenue, voilà le mal dont souffre ce roman. Le fait qu’il s’agisse des parents de l’auteur n’y est peut-être pas étranger.

Alors bien sûr, il y a le contexte historique en toile de fond, mais, évoqué à l’occasion, il n’est là que comme “prétexte” à la romance qui prend tout l’espace.
J’aurais préféré que l’idylle de Claire et Wia soit le prétexte pour parler de ces filles de bonnes familles piégées par les conventions, vouées au mariage, à élever leurs enfants.
Tout juste esquissé dans une courte scène dans un café, le poids des différences de classe et de culture de Claire et Wia méritait lui aussi d’être creusé.
Et que dire de la description de la vie de ces Allemands dont on ne parle que rarement, ces survivants aux bombardements qui tentent d’échapper aux viols, aux meurtres, à la famine ? Fugitivement évoqués au cours de l’épisode où Claire, bravant les interdits, va prévenir une allemande que les autorités viendront le lendemain lui retirer son enfant né de père français…

On me rétorquera que tel n’est pas le sujet du livre, que je fantasme un tout autre livre.
Peut-être, mais c’est celui que j’aurais aimé lire.

Sur le site des Éditions Gallimard, Anne Wiazemsky parle de Mon enfant de Berlin dans un entretien vidéo. Thierry Hancisse, Sociétaire de la Comédie-Française, y lit un extrait du roman. Les premières pages du roman (disponibles également en annexe de ce billet) y sont proposées à la lecture.

Ce qu’ils en ont pensé :

Alice : « C’est un roman magnifique aussi beau, et aussi fort que Hymne à l’amour (la suite en quelque sorte) que j’avais trouvé aussi très fort. L’écriture d’Anne Wiazemsky se bonifie avec le temps Mon enfant de Berlin est son meilleur roman que j’ai lu d’elle. »

Cathe : « Je crois que tous les lecteurs et lectrices ont été sous le charme de ce magnifique récit. Anne a fait un très beau travail de romancière en faisant revivre sa mère pendant les quelques années qui ont précédé sa naissance, puisque l’enfant de Berlin c’est bien sûr elle. »

Clarabel : « Mon enfant de Berlin est une parenthèse enchantée, l’histoire d’un amour fou vécu à un moment incrusté dans le temps, la solidarité d’un groupe et leur amitié soudée dans la communion d’une même vocation – aider les autres, oublier les heures sombres. C’est un très, très beau roman, le cadeau d’une fille pour ses parents, car c’est elle, Anne, l’enfant de Berlin. Elle nous prouve livre après livre sa lignée et son destin romanesques, et c’est tout bonnement admirable. J’aime infiniment. »

Lilly : « Écrire un roman sur ses parents est certainement difficile. Écrire un roman sur l’amour de ses parents l’est sûrement encore plus. Cela nécessite une capacité à prendre du recul importante que je n’ai retrouvée à aucun moment dans Mon Enfant de Berlin. »

Mireille : « Je ne sais pas trop quoi penser de ce roman si ce n’est une réelle déception par rapport aux nombreuses critiques positives que j’avais lues. Certes, il doit être très difficile d’écrire l’histoire de ses parents, et encore plus l’amour de ses parents, mais j’ai trouvé cette biographie romancée gentillette, sans plus. La première partie est plus intéressante, mais j’avoue avoir survolé quelques pages de la seconde partie. Je peux même dire que je me suis ennuyée et ce livre ne me laissera pas un souvenir impérissable. »

Sylire : « J’ai vraiment adoré ce roman ; J’y ai retrouvé des personnages entrevus précédemment dans « Hymne à l’amour », « Jeune fille » et « Une poignée de gens ». La description de ce que fut Berlin après la guerre m’a beaucoup intéressée. »

Mon enfant de Berlin, d’Anne Wiazemsky
Gallimard (2009) – 247 pages