Après deux envois infructueux, Gallimard a préféré me faire porter directement mon exemplaire d’Impardonnables de Djian sur mon lieu de travail.
Un soir, presque deux semaines plus tard, j’ai trouvé dans ma boîte aux lettres les deux exemplaires qui n’étaient jamais arrivés.
Puisque l’éditeur m’a gentiment offert de les garder, j’ai sauté sur l’occasion pour les proposer aux deux blogueuses qui avaient manifesté dans leur commentaire leur désir de lire ce roman.
B, a prêté une attention particulière à la qualité de ses composants et la fonctionnalité du design pour son vélo à assistance électrique pliant.
Malgré mes réticences, Lilly, qui était l’une d’elles, a tenu à m’envoyer quelque chose en retour.
Quelle n’a pas été ma surprise (et ma colère aussi, je dois le reconnaître) quand j’ai découvert dans son colis un exemplaire du Sanctuaire, de Faulkner, accompagné du DVD de Where angels fear to tread, adaptation d’un roman de E.M. Forster (qu’elle m’a dit avoir acheté accidentellement en double ; ce qui a fait retomber ma colère illico, vite remplacée par une vraie joie).
Si j’ai gardé précieusement Faulkner pour plus tard, j’ai en revanche visionné le film que Charles Sturridge a tiré de Where angels fear to tread en 1991, avec un casting de folie : Helen Mirren, Helena Bonham Carter, Ruper Graves et Judy Davis. J’inaugure donc aujourd’hui une nouvelle rubrique : De l’écrit à l’écran.
Tout d’abord, il me faut avouer que je n’avais jamais fait le rapprochement entre Where angels fear to tread et Monteriano, dont on m’avait conseillé la lecture à plusieurs occasions. En effet, le roman a gardé en français le titre originel choisi par Forster mais rejeté par son éditeur, qui lui a préféré l’allusion à la citation d’Alexander Pope (“Fools rush in where angels fear to tread”).
Pour ce qui est de l’histoire, qu’on pourrait résumer par « A room with a view meets A passage to India », je vous renvoie vers le billet de Lilly.
Sachez seulement qu’on retrouve dans ce premier roman de Forster tous les thèmes qu’il déclinera ensuite dans son œuvre avec la finesse qu’on lui connaît : des personnages, principalement féminins, “transformés” par un événement dramatique, les uns hauts en couleur tentant de se rebeller contre les convenances tandis que les autres, plus dociles, sont contraints par la société edwardienne à faire des choix de vie qui ne leur conviennent pas, le tout sur fond de différences de classes sociales, de culture et de préjugés.
Je suis entré dans le film complètement vierge de tout contexte puisque j’ignorais ce que l’histoire allait me réserver ; contrairement aux précédentes adaptations de James Ivory et de David Lean, je voyais le film avant d’avoir lu le roman.
Dès les premières images des somptueux paysages de Toscane, je n’ai pu m’empêcher de faire le rapprochement avec les films de Merchant/Ivory, d’autant que deux des acteurs principaux ont figuré au générique de l’un ou l’autre de leurs films : Helena Bonham Carter (A Room with a View, Howards End) et Rupert Graves (Maurice, A Room with a View).
Si je les ai trouvé tous les deux impeccables, Helena Bonham Carter y est quand même moins remarquable que dans Howards End. Helen Mirren est, comme d’habitude, parfaite, même si elle peut paraître un peu âgée pour le rôle. En revanche, l’interprétation de Giovanni Guidelli est un peu terne et celle de Judy Davis (qui a joué dans A passage to India), trop dans l’excès.
Malgré ces chipotages, j’ai passé un très bon moment, plongé dans l’univers si particulier de Forster.
Toutefois, je suis resté un peu sur ma faim. Avoir vu ce film en V.O. sans sous-titres n’a certainement pas aidé, j’aurais eu besoin que certains points de l’intrigue me soient plus longuement expliqués.
***ATTENTION SPOILERS*** Par exemple, j’aurais bien voulu comprendre ce qui motivait les Herriton à vouloir s’immiscer à tout prix dans la vie de Lilia alors que celle-ci n’est que leur belle-fille, soit à leurs yeux une “pièce rapportée” et que l’enfant qu’elle a eu avec Gino n’a plus aucun lien de sang avec leur famille.
Je n’ai pas non plus très bien compris les intentions réelles de Caroline quand elle entreprend de repartir pour l’Italie seule de son côté, mais en même temps que Philip et Harriet.
Enfin, si Philip et Harriet peuvent repartir sans encombre en Angleterre, sans être inquiétés par les autorités italiennes, c’est parce que Gino a intercédé en leur faveur ; une attitude qui me semble pour le moins étonnante après ce qu’ils lui ont fait subir. *** FIN DES SPOILERS***
Sans avoir lu le roman, je soupçonne que ces “raccourcis” sont l’œuvre du réalisateur (et/ou du scénariste) plus que celle de Forster (bien qu’il s’agisse ici de son premier roman).
De même, ma lecture toute personnelle de l’épilogue ne doit, je pense, pas grand chose à Forster : il m’a semblé que l’attrait de Philip pour l’Italie était principalement dû à son attirance pour Gino et que le sentiment qui l’unissait à Caroline était certes de l’amour, mais un amour qu’ils éprouvent l’un et l’autre pour le bel italien et non pas celui qu’ils sont censés ressentir l’un pour l’autre.
Autant de questions qui trouveront des réponses quand je lirai Monteriano, car il n’est pas question que je zappe le roman sous prétexte que j’ai vu le film.
D’ailleurs, en faisant une recherche sur le web, j’ai constaté que Monteriano édité en 10/18 est toujours épuisé et n’est plus disponible qu’en occasion. J’ai également été sidéré de découvrir qu’en France ou même en Angleterre, il n’existe aucune édition regroupant l’intégralité des sept romans de Forster !!!