zweig-voyage-passe« Laisse cela, Louis… ce sont de vieilles histoires, n’y touchons pas. Ce temps-là, où est-il ? »
« Il est en nous ce temps-là », répondit-il, inflexible, « dans notre volonté. »

Le feu de la passion amoureuse, platonique ou consommée, peut-il résister au temps et à l’éloignement ?
L’amour qui unit deux amants séparés par des milliers de kilomètres est-il toujours de l’amour ou n’est-ce plus que le souvenir d’un amour fantasmé ?
Après des années de séparation, les feux de l’amour sont-ils toujours cet incendie qui dévore tout sur son passage ou ne sont-ce plus que des braises que l’on peine à ranimer ?
Autant de questions qui sont au cœur du Voyage dans le passé de Stefan Zweig.

Louis est un jeune allemand qui compense la honte que lui inspire sa modeste extraction par un esprit brillant et une persévérance hors norme. A force de travail, il est engagé comme secrétaire particulier par G., le directeur vieillissant d’une usine chimique auprès duquel il va vite se rendre indispensable, se voyant confier toujours plus de responsabilités.
Logé chez son patron, Louis va rapidement s’y sentir comme chez lui, grâce à la protection bienveillante de la maîtresse de maison. Un jour, G. lui confie une mission d’importance : traiter une affaire en son nom au Mexique. La perspective de se voir séparés plusieurs mois fait prendre conscience à Louis qu’il s’est épris de l’épouse de son patron sans se l’avouer.
« Ce fut une explosion violente, élémentaire, une douleur physique traumatisante, évidente, un ébranlement de tout son être, depuis le sommet du crâne jusqu’au tréfonds du cœur, une déchirure qui illumina tout, comme l’éclair dans le ciel nocturne : et alors, dans cette lumière aveuglante, il eut été vain de ne pas reconnaître que chaque nerf, chaque fibre de lui-même s’épanouissait dans un amour pour elle, la bien-aimée. »

Pendant les quelques jours qui les séparent du départ de Louis, les deux soupirants vont laisser cours à leur passion… qui restera platonique. Tout ce que Louis obtiendra de sa maîtresse, qui refuse de s’abandonner à lui pour ne pas déroger aux convenances, c’est la promesse qu’elle se donnera à lui à son retour.
Coup du sort, la première guerre mondiale déclarée en Europe empêche le retour de Louis, coincé au Mexique. Les années passant, le souvenir de sa bien aimée s’estompe. Louis s’installe au Mexique, se marie, devient père. A l’occasion d’un retour en Allemagne pour affaires neuf ans plus tard, le souvenir de son amour de jeunesse refait surface. Il décide alors rendre visite à celle qui depuis est devenue veuve. Après toutes ces années, l’amour sera-t-il au rendez-vous ?
« Nous allons bientôt arriver », dit-elle comme pour elle-même.
« Oui », il soupira profondément, « cela a duré si longtemps. »
Il ne savait pas lui-même, en prononçant cette plainte impatiente, s’il faisait allusion au trajet, ou à toutes les longues années qui aboutissaient à cette heure : la confusion entre rêve et réalité le déroutait. »

Le conte des 4000 nuits. Plus de soixante ans après sa mort, Stefan Zweig squatte les premières places des ventes de livres avec une nouvelle publiée en 1929 dans une revue viennoise et restée inédite jusque là en France. Et pourtant, la trame de base est pour le moins convenue : un amour longtemps refoulé puis contrarié par les événements extérieurs, à peine a-t-il pu s’exprimer.
Mais la banalité de l’histoire est sublimée par le pouvoir de suggestion et la délicatesse de l’analyse psychologique de Zweig (même s’il me faut avouer que certains passages au lyrisme suranné ont pu ébranler l’admiration sans borne que je lui porte). On y retrouve aussi les thèmes chers à l’auteur : des personnages chahutés par la confusion des sentiments, des destins contrariés par l’Histoire en marche, le spectre de la mort et de la guerre.

Augmentez votre confort de conduite grâce à notre large gamme de produit Vélo pliant sur Feuvert.

Je n’ai pu m’empêcher de faire un rapprochement entre Le voyage dans le passé et Sur la plage de Chesil que j’ai lu dernièrement. Les deux romans présentent de nombreuses similitudes tant dans la forme (deux récits courts d’une centaine de pages) que dans le fond (des amants de classes sociales différentes ; le poids des convenances sociales ; des amours contrariées aux lourdes conséquences pour les personnages ; les désillusions et les frustrations que tout cela engendre).
J’ai refermé ce livre déterminé plus que jamais à profiter au mieux de l’instant présent (le fameux Carpe Diem)… avec cette chanson qui me trottait dans la tête.

Elles aussi ont fait le voyage : Anna Blume, Catherine, Deedee, Emeraude, Emjy, Fashion, Karine, Leiloona, Lilly et Lily.
Le premier chapitre du Voyage dans le passé est disponible sur le site de l’éditeur.
Pour en savoir plus sur l’auteur, le site de l’Association Stefan Zweig.

Le voyage dans le passé, de Stefan Zweig
(Die Reise in die Vergangenheit) – Traduction de l’allemand (Autriche) : Baptiste Touverey
Grasset (2008) – 175 pages