La ligne 13 du métro parisien est une de celles que j’emprunte le plus souvent. Dans quelques semaines, après mon déménagement, je serai amené à la prendre deux fois par jour pour me rendre sur mon lieu de travail. Alors, quand je surprends un de mes collègues à lire Ma ligne 13, de Pierre-Louis Basse, inévitablement ça m’intéresse.
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D’autant plus que la 13 est une ligne à part, “une ligne de démarcation” entre deux mondes, qui arrive de la banlieue nord et traverse les quartiers chics du cœur de Paris. Ce passage d’un monde à l’autre est concrètement marqué par les stations qui, tout comme les peaux des usagers, deviennent de plus en plus lumineuses et claires au fil du trajet.
« Je me suis souvent amusé à guetter ce moment où, sur la ligne 13, entre Châtillon-Montrouge et Mairie-de-Saint-Ouen, le métro bascule définitivement vers l’Afrique, l’Orient. C’était une affaire de géographie des visages, de tissu des vêtements, parfois de comportement, dans cette vie souterraine qui emporte chaque jour plusieurs millions de voyageurs. (…) Avec mon amie Carole, nous avions convenu que le mouvement de bascule vers l’Afrique et l’Orient s’effectuait à la station Saint-Lazare. »
Un auteur, des rails. Ligne éclectique, parfois à haute tension, la 13 offre un passionnant terrain d’étude sociologique, discipline qui ne peut se contenter de la vison binaire du monde selon Basse pour qui les riches et puissants sont forcément méprisables.
Les hommes fument le cigare et lisent La Tribune, les femmes sont siliconées et trompent leurs maris (et leur ennui), seules aux sports d’hiver avec leurs amies. Les pauvres eux, même s’ils sont méprisés, sont les dignes possesseurs d’une vraie richesse intérieure. Vous avez dit simpliste ?
Les homos aussi ont droit à leur pesant de clichés : ce sont des êtres « à la voix très féminine », parfois en couple « un vieux et un jeune comme dans les couples hétéros », qui sont « des serveurs, des coiffeurs, un vendeur d’une boutique branchée », et qui, au cours de danse, ont tous « le souci d’atteindre la perfection dans le déhanchement des fesses, en marchant. » Ben tiens.
Dans le lot, se dégagent tout de même deux jolis portraits : celui de Jeannine, une mamie qui passe ses journées, au chaud, dans le bus 80, en attendant d’aller passer la nuit au foyer d’accueil ; et un autre, d’un vieil Algérien, que l’auteur croise tous les jours. Sinon, l’ensemble est ponctué de divagations érotomanes et de poncifs du style « On a beau dire, ce n’est pas simple de s’approcher d’une personne qui est à la rue. En partant, je lui ai souhaité bon courage. Elle n’en manquait pas »
ou « J’ai pensé brusquement qu’il m’avait fallu beaucoup de temps, de voyages dans la ville pour comprendre ça : les Arabes allaient tout de même, dans l’ensemble, avec les plus pauvres ».
Tout au long de ce récit, je n’ai cessé de me sentir mal à l’aise tant Besse (qui, je l’ai appris plus tard, est rédacteur-en-chef de l’émission Cult sur France 5) semble vouloir exorciser la culpabilité d’appartenir au bon côté de la fracture sociale, sans se gêner au passage pour faire un peu de “name dropping”, mais en ne cessant de dénigrer le monde privilégié qu’il côtoie pourtant au quotidien. Il se veut absolument un des leurs, alors que son parcours et son vécu n’ont rien de commun avec ceux de ces gens des classes défavorisées. « Mais qu’est-ce qui m’avait pris, gagnant correctement ma vie, entouré de collègues de travail équilibrés, d’aller m’installer dans une ville dont le seul nom suffisait à fendre le visage d’un chauffeur de taxi d’un rictus imbécile ? »
Désolé, mais habiter le 9-3 (a fortiori Saint-Ouen qui n’est pas une ville sensible comme peuvent l’être Clichy-sous-Bois ou La Courneuve) et saluer les jeunes du quartier “à la bad guys” ne suffisent pas.
Inutile et démago.
Ma ligne 13, de Pierre-Louis Basse
Le Serpent à Plumes / Collection Motifs – 154 pages