Hasard du calendrier, en ce jour de Saint-Valentin, fête commerciale des amoureux, je viens de terminer Des amants de Daniel Arsand.
Bien que très différent dans son style, ce roman présente certaines similitudes avec L’Homme accidentel de Philippe Besson que j’ai lu il y a peu. Dans les deux cas, il s’agit de deux hommes de milieux sociaux différents, qui n’étaient pas faits pour se rencontrer, ici un berger de quinze ans et un jeune noble, mais qu’un événement accidentel met en présence l’un de l’autre. Comme les personnages du roman de Besson, la passion de Sébastien et Balthazar va les isoler du monde extérieur et de la société pour finir par les conduire à leur perte. Si Un homme accidentel se passe dans le Los Angeles des années 1980 et Des amants dans la France de 1749, les deux romans plaident la liberté d’aimer et le droit à l’indifférence.
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Sébastien Faure gardait son troupeau quand le cheval de Balthazar de Créon arrivant au grand galop désarçonne son cavalier, qui reste à terre, inanimé. Grâce à ses connaissances en herboristerie, Sébastien réanime Balthazar à l’aide d’une «pluie miraculeuse» de plantes broyées. «Et lorsque l’homme s’appuie un instant contre son épaule, il murmure : “Je suis à vous”.»
Quelques temps plus tard, Balthazar revient chercher Sébastien pour l’emmener avec lui à Roanne, au château de Créon, parfaire son éducation et en faire le médecin du roi. «Tu seras mon élève, tu seras mon maître, tu acquerras la gloire, tu me seras fidèle, tu m’abandonneras, tu me reviendras toujours.»
La mère de Balthazar, Anne de Créon, voit arriver d’un mauvais œil cet étranger sous son toit, d’autant que tout à sa nouvelle passion, Balthazar déserte la cour de Versailles et reste sourd aux requêtes du roi qui le fait mander. A la Cour, les rumeurs ne tardent pas à circuler, où se mêlent à l’envi les accusations pour sodomie, alchimie et sorcellerie. Pendant ce temps, Sébastien, après avoir appris à lire et à écrire, s’adonne à la peinture et s’émancipe peu à peu de Balthazar, multipliant les infidélités. «Beaucoup de honte, mais une certaine exaltation à découvrir que son amour pour Balthazar reste inentamé. Cet amour ne subira aucune altération, il lui est respiration nécessaire, stabilité, joie.
Et Balthazar qui toujours pardonne, et Balthazar qui accepte, et Balthazar qui le berce, et la présence de Balthazar à ses côtés qui le mène aux sommeils et aux rêves. Merci.»
Inquiète pour l’avenir de son fils chéri, Anne de Créon décide d’aller à Versailles faire taire les mauvaises langues et plaider la cause de Balthazar auprès du roi. En vain. Balthazar est arrêté, jugé et condamné au bûcher. Mise au ban de la Cour, Anne de Créon, folle de douleur et de chagrin, est obligée de se retirer dans un couvent. Sébastien décide de partir sur les routes de France, et trouvera refuge comme jardinier auprès d’une nouvelle bienfaitrice.
En cent courts tableaux (certains n’excèdent pas quelques lignes), Daniel Arsand dépeint une passion amoureuse universelle, où l’amour, même s’il fait souffrir, est plus fort que la mort. «Il y a eu un matin où la vue des roses l’a transporté de joie. Et c’est ce matin-là qu’il a su que Balthazar perdait en lui de sa réalité. L’univers exista de nouveau. Et que c’était bon.
Il ne s’est pas révolté contre l’effacement de Balthazar. S’en est juste un peu étonné, puis a accepté cette joie qui l’envahissait, une joie très ancienne et comme neuve soudain, bruissante et solaire. Oui, c’était bon. Et la paix a pénétré en lui.»
«Nous sommes encore un, toi, Balthazar de Créon, et moi. J’ai cru que tu m’avais quitté, abandonné, choisis le mot qui te convient, mon amour, j’ai cru que je m’étais détourné de toi, j’ai cru à ce qui ne pouvait être.»
Malheureusement, excepté quelques rares moments, je n’ai pas réussi à être ému par ces Amants. Peut-être le lyrisme et la poésie du style très travaillé de Daniel Arsand y sont-ils pour quelque chose.
Des amants, de Daniel Arsand
Stock – 174 pages