chirurgien-ambulant-sernoEspagne. XVIe siècle. Au monastère de Campodios, l’abbé Hardinus se meurt. Profitant de son dernier souffle, il fait venir à son chevet Vitus, un jeune oblat de vingt ans qu’il considère comme son fils. Hardinus révèle à Vitus qu’il a été découvert abandonné aux portes du monastère alors qu’il n’était âgé que de quelques jours seulement. Le seul indice qui pourrait le conduire sur les traces de sa famille est le tissu damassé qui lui servait de lange, sur lequel sont brodées des armoiries. Après analyse des symboles, il semblerait que ces armoiries soient d’origine anglaise.
Armé de ses seules connaissances en médecine et en chirurgie, Vitus quitte le monastère pour se rendre en Angleterre. Mais avant de gagner le port de Santander d’où il doit embarquer pour rejoindre les côtes anglaises, il doit traverser l’Espagne. Et en ces temps troubles de l’Inquisition, les routes ne sont pas sûres et les embûches nombreuses.

Ce vélo pliant sera utile pour vous déplacer rapidement.

Je l’ai déjà dit ici, j’avais été un peu paniqué quand j’ai découvert Le chirurgien ambulant dans la sélection de février pour le Prix des Lecteurs du Livre de Poche. Chirurgie, médecine, Renaissance espagnole, le tout sur plus de 760 pages, il y avait de quoi impressionner le petit joueur que je suis. Persuadé de devoir suer sang et eau pour arriver jusqu’à la dernière page, j’ai donc décidé de commencer mon travail de juré par ce pavé.

Comme je m’étais trompé. Le chirurgien ambulant n’a rien d’un livre austère et savant. Au cours de notre entretien, Brice Depasse a dit qu’il en était des livres comme des films : il y a la littérature d’auteur et à la littérature de pur divertissement. Avec Le chirurgien ambulant de Wolf Serno, on est clairement dans le second cas de figure. Un jeune orphelin à la recherche de ses origines débrouillard et charismatique, de fidèles compagnons de voyage, des personnages secondaires (religieux, saltimbanques, Tziganes, nain bossu, charlatans, corsaires) hauts en couleur. Action, corruption, complots, trahison, romance. Tous les ingrédients des récits d’aventure sont réunis. Pour ajouter au dépaysement, Serno a choisi de planter son histoire au Moyen-âge, en Espagne.

J’ai retrouvé dans ce roman l’esprit des films de cape et d’épée des années 1950/60, comme Le bossu ou Le capitan (je ne suis pas sûr que ça “parle” aux plus jeunes), même si le contexte historique était différent. Ça fourmille de rebondissements, de coïncidences heureuses et de bons sentiments. Il est souvent moins une, il s’en faut souvent d’un cheveu, mais le valeureux héros s’en sort toujours à temps. Sa générosité lui vaut souvent de se faire des amis de ses ennemis. Je me suis parfois pris à croire d’un nouveau personnage qu’il pouvait jouer un double jeu. Chaque fois, mes attentes (perverses ?) ont été déçues : les méchants sont méchants et les gentils gentils. Si gentils que ça frise le politiquement correct, notion pourtant anachronique pour l’époque. Je ne suis pas certain qu’au Moyen-âge un jeune élevé pendant vingt ans au monastère dans la foi catholique se soit montré si tolérant et ouvert envers les “étrangers” qu’étaient à ses yeux juifs, tziganes et homosexuels.
En outre, j’ai eu également l’impression de m’instruire en s’amusant. J’en ai appris sur la médecine, les sciences et la marine du moyen-âge. On sent que Serno s’est documenté sur le sujet. Malheureusement, sa façon de les transmettre au lecteur n’est pas très subtile : il place de grandes tirades dans la bouche de ses personnages, ce qui donne trop souvent un côté scolaire et artificiel à ces parties de dialogues, qui sont pourtant, en général, plutôt bien enlevés.
Mais qu’importe, on marche à plein. On moisit dans les geôles de l’Inquisition, on tremble devant les bûchers où périssent les “hérétiques”, on sourit aux boniments des arracheurs de dents, on s’extasie devant les numéros des forains ambulants, on tangue dans les galions pris dans la tempête, on se meurt d’amour pour les yeux de la belle et on se lance à l’abordage des navires ennemis.

Au final, s’il ne va pas me laisser un souvenir impérissable, ce Chirurgien ambulant m’a permis sans conteste de passer un moment agréable. Très visuel et très dialogué, ce roman est un film d’aventure sur papier. D’ailleurs, il en utilise même les codes “marketing” puisque le roman s’achève sur un nouveau mystère dont on se doute par avance, qu’il fera l’objet d’un second tome. Intuition qui se révèle rapidement exacte puisque la version du Livre de Poche offre en “bonus” les quinze premières pages du prologue du Chirurgien de Campodios qui devrait sortir sous peu.

L’avis de Lau(renceV)

Le chirurgien ambulant, de Wolf Serno
Traduction : Isabelle Hausser
Le Livre de Poche – 795 pages