On a trop souvent tendance à penser -et moi le premier- que tout ce qui est digne d’intérêt aux Etats-Unis vient forcément d’une des deux côtes, Est ou Ouest ; l’immensité entre les deux étant alors réduite à un immense vide intersidéral où toute activité intellectuelle se résumerait à un encéphalogramme plat. Eh bien, il semblerait qu’en matière de littérature, ce soit justement tout le contraire. Mes grands coups de cœur en littérature américaine – Le pouvoir du chien, Now is the hour, Chambres étroites ou Blessés– sont des romans qui ont pour toile de fond cette Amérique profonde et rurale, tout comme Une femme vertueuse, de Kaye Gibbons.
Pensez ainsi aux vélos pliants à suspension. Privilégiez aussi des vélos aux articulations solideset de qualité.
Un environnement rude, une vie rudimentaire, des gens simples, certains diraient rustres. Le travail de la terre et les bêtes passent avant tout. «Si vous voulez voir ce que c’est, un homme qui a peur, vous n’avez qu’à le mettre dans une chambre avec une femme qu’il a connue du temps de sa force. Je sais aujourd’hui que le mode repose sur la force des femmes. C’est elles qui l’ont construit et qui l’entretiennent, elles qui s’agenouillent, qui s’accroupissent, qui tirent, qui se penchent, et qui se relève quand il faut aller faire ce qu’il y a à faire. Et quand un homme voit une femme de cette trempe malade, et souffrant, surtout si c’est le genre d’homme qui reconnaît la force des femmes mais qui refuse de l’admettre, de la voir malade, et souffrant, ça l’épouvante, comme s’il voyait se détacher un morceau de l’univers en sachant pertinemment qu’il est incapable de recoller les morceaux.»
On ne s’encombre pas de paroles inutiles. Pas le temps de s’apitoyer ni de se plaindre, encore moins pour se dire qu’on s’aime. «Mais s’il faut expliquer aux gens ce qu’on attend d’eux, ça ne compte pas. Ça compte pour du beurre. C’est comme de s’envoyer des fleurs le jour de son anniversaire, et de signer la carte du nom de l’homme qu’on aime.»
Et pourtant, il y en a de l’amour entre Jack et Ruby, malgré leurs vingt années d’écart et leurs origines sociales différentes, malgré cette vie pas toujours rose. Et voilà qu’à quarante-cinq ans, Ruby vient de mourir d’un cancer foudroyant du poumon. Jack se retrouve seul et désemparé. Trois mois plus tard, avec le dernier repas congelé qu’elle lui a préparé avant de partir pour l’hôpital, c’est Ruby qui s’en va définitivement de la vie de Jack. «Ça m’a énormément touché, qu’elle vienne, et j’ai bien l’intention de tout faire pour qu’elle recommence cette nuit. Je sais bien qu’un fantôme, on ne peut pas lui mettre la main dessus et le garder. C’est pourtant ce que je ferais si je pouvais, et je suis bien sûr qu’il y a des tas de gens dans mon cas. (…)
(…) Je vais mettre le pyjama qu’elle m’a donné une fois comme cadeau de Noël, et qui est encore dans son sac en plastique. Ensuite, mine de rien, je me couche, l’air de quelqu’un qui n’attend rien d’autre qu’une bonne nuit de sommeil dans son pyjama neuf et des draps propres. Je ne voudrais surtout pas avoir l’air de quelqu’un qui attend la visite d’une femme. Peut-être qui si j’ai l’air de m’occuper de mes affaires et de rien d’autre, elle reviendra se glisser à mes côtés. Je ne sais pas encore ce que je ferai dans ces cas-là. Je ne voudrais pas risquer de l’effaroucher et de la voir filer.
Quelles sont mes chances, à votre avis ? On dit que les meilleures choses arrivent au moment où on s’y attend le moins, que tout ce qui passe repasse au bout d’un tour. J’espère que c’est vrai. Remarquez, si par malchance elle ne veut pas venir, je n’en ferai pas une histoire. C’est déjà ça, qu’elle soit venue une fois.»
A tour de rôle, chapitre après chapitre, Jack et Ruby vont raconter leur histoire, leur rencontre, leur vie toute simple, leurs espoirs. Et à travers les petits riens de la vie, à travers les non-dits, toutes ces choses que l’un ou l’autre n’a pas pu ou su dire, va se dessiner une jolie histoire d’amour. Un amour simple, comme eux, comme leur vie, mais un amour vrai et profond. Avec leurs maladresses et leur pudeur, Kaye Gibbons fait de Jack et Ruby des personnages diablement humains et émouvants. A travers eux, elle démontre que l’amour c’est avant tout des actes d’amour, bien plus forts que toutes les paroles du monde.
Le billet de Cuné qui avait piqué ma curiosité et ceux de Clarabel, Gambadou, Lily et Sylire.
Une femme vertueuse, de Kaye Gibbons
Traduction : Marie-Claire Pasquier
Christian Bourgois – 167 pages