festival-cannes-mitterrand«(…) la seule chose qui m’ennuie est cette persistance à vouloir toujours penser à autre chose, à m’insurger pour des détails qui n’intéressent que moi et à me dire que Cannes n’est décidément pas le centre du monde, juste un peu de son écume, alors qu’il serait tellement plus simple et reposant de nager avec le courant pendant quelques jours (…)»

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Seul dans la foule. Souvent, au milieu de l’agitation et du battage médiatique du Festival de Cannes, Frédéric Mitterrand est là, sans y être vraiment : de la foire aux vanités cannoise qui l’attire tout autant qu’elle lui répugne, il s’échappe par l’esprit. Ses rêveries toutes proustiennes le plongent avec mélancolie dans un temps qui n’existe plus, où le cinéma était encore en noir et blanc «Même sans être encore tout à fait vieux, je vois déjà trop de cimetières quand je me tourne vers le passé.»
D’ailleurs, l’exergue tiré du Nosferatu de Murnau “Quand il eut passé le pont, les fantômes vinrent à sa rencontre” annonce la couleur. Dans ses souvenirs flotte, omniprésente, l’ombre de François Chalais, interviewant stars et starlettes d’alors. «Descendre du train en gare de Cannes, c’est revoir dans sa tête des images d’actualité que François Chalais montrait et commentait si bien de sa voix métallique au tempo inimitable. Claudia Cardinale, Brigitte Bardot, Silvana Mangano en robes d’été, souriant aux caméras d’un festival en noir et blanc et c’était aussi du cinéma dont les plans improvisés se confondent avec les séquences de certains de mes films préférés qui n’intéressent plus beaucoup les jeunes d’aujourd’hui.» Dans l’album intime de souvenirs de cet amoureux du septième art, se côtoient Rita Hayworth, Ava Gardner, John Huston et Suzanne Flon, Mélina Mercouri, Sophia Loren, mais aussi Pedro Almodovar, Tim Burton et bien d’autres.

Certains tiennent une place privilégiée dans sa vie et dans son cœur, ce sont eux qui vont donner vie aux plus belles pages de ce livre : la rencontre manquée avec Wim Wenders, alors jeune réalisateur, l’appel au secours nocturne de Dominique Laffin, qui disparaitra peu après, mais surtout la visite (j’allais dire, la violation) de l’appartement abandonné de Sean Flynn et le souvenir de Luca Magnani dans des studios de télévision parisiens. A ces deux jeunes hommes au lourd héritage, fils d’acteur et d’actrice célèbres dont il a été autrefois amoureux, Frédéric Mitterrand réserve une place de choix, au générique de début et de fin de son livre, dans des chapitres aux noms pour le moins évocateurs, “A l’ombre du père” et “A l’ombre de la mère”.

Frédéric Mitterrand aurait pu appeler son livre Mon festival de Cannes. Bien sûr, en prenant pour prétexte sa venue au festival de l’an dernier, comme membre d’un jury officiel de l’Éducation Nationale, il rend compte du quotidien d’un festivalier, entre séances de projection et soirées jet set. Il ne s’agirait que de cela, le livre ne présenterait pas grand intérêt. Mais heureusement, on ne la lui fait plus à Frédéric Mitterrand. Ce n’est pas à un vieux singe qu’on apprend à faire la grimace. Le regard désillusionné et sans complaisance qu’il pose sur la faune cannoise et ses mœurs, mais aussi sur lui-même, donne lieu à des passages savoureux : «Tous ces gens qui déambulent doivent se raconter durant tout le reste de l’année qu’ils ont fait le Festival de Cannes, comme d’autres font les lacs italiens ou la vallée des Rois. Le grand frisson, la preuve définitive, c’est de se faire photographier à côté de quelqu’un de connu, une vedette de la télé de préférence, quand on appartient au gibier, rien de tel pour prendre la mesure de sa popularité. Nettement faiblissante en ce qui me concerne. Et lorsque cela tombe sur moi malgré tout l’épreuve est encore un peu plus déprimante car elle est assortie de la remarque rituelle : “Comme c’est dommage, on ne vous voit plus nulle part.”»

Comme dans La mauvaise vie, Mitterrand se dévoile avec sincérité. «On met tellement de temps à devenir adulte, c’est toujours trop tard et la vie se venge en nous infligeant des peines qui ne s’effacent pas et des remords affreusement amers. On peut se bricoler de bonnes raisons, elles ne tiennent pas, ce ne sont que des tentatives d’évasion et on finit par être rattrapé.» Tantôt mélancolique, tantôt malicieux, il est toujours sensible ou touchant, comme lors de cette rencontre entre Mélina Mercouri et Valentina Cortese : «Elles échangeaient donc de grands sourires débordants d’amitié et je ne savais plus quelle contenance adopter ; on aurait dit qu’elles étaient prêtes à se tomber dans les bras l’une de l’autre alors qu’elles se crachaient virtuellement au visage. Le mieux pour moi était de m’en tenir à mon statut d’animal de compagnie et d’attendre qu’on me remplace le plus vite possible, or ce fut interminable, personne ne se souciant de me tirer de ce guêpier et je ne me rappelle plus aujourd’hui par quel stratagème je parvins finalement à tirer mon épingle du jeu. Au théâtre le confident disparaît quand la reine a fini sa tirade, il a dû se passer quelque chose comme ça et je n’ai plus servi à rien.»
Pour Frédéric Mitterrand, « (…) il en est des films comme des gens, il arrive qu’on les refuse quand on devrait les aimer parce que ce n’est tout simplement pas le moment, on ne saurait pas dire pourquoi et on n’a même pas envie de s’exprimer, on le regrette ensuite mais c’est toujours cette même histoire » Mais moi, même en pyjama de pilou, je le trouve diablement attachant.

Un avis enthousiaste de Biblioblog et un autre plus réservé de Because of the Rain.

Le Festival de Cannes, de Frédéric Mitterrand
Robert Laffont – 260 pages