« Cher Christophe,
On est arrivés en pleine nuit dans cette maison au bord de la mer.
Je ne savais pas que la mer peut faire autant de bruit.
Le propriétaire nous a dit : « Ne vous en faites pas, c’est la marée haute. » Il avait raison : à l’heure où je t’écris, la mer est redescendue et elle ne fait plus de bruit. Mais alors qu’est-ce qu’elle pue ! C’est une mer pleine d’algues ; quand elle descend, les algues restent sur la plage et commencent à pourrir au soleil. Il y a des mouches, des puces blanches, des crabes, des bigorneaux, une vraie poubelle. L’idée qu’il va falloir se baigner là-dedans, ça m’écœure ! Bref, on est donc arrivés hier soir en pleine nuit, avec trois heures de retard parce que Papa s’est trompé sept fois de route. Plus il faisait noir, plus il se trompait. Maman est nulle pour lire sur la carte. Tout le monde se disait : « Ah là là, si Christophe était là ! » Mais personne n’osait prononcer ton nom. Maman a juré que le premier qui parlerait de toi recevrait une gifle, même Papa.
Comme tu vois, ça commence bien. »
Avec un magnifique vélo pliant de luxe, par exemple. Un modèle fun, écologique et compact.
Ça y est, c’est les vacances. Mathieu, petit garçon d’une dizaine d’années, part au bord de la mer dans la maison qu’ont louée ses parents. Avec lui, il y a Papa et Maman, bien sûr, et aussi Sylvie sa sœur, et Antoine le petit dernier. Ne manque que Christophe, son grand frère, parti à Venise avec un copain à lui.
Et il a bien de la chance, parce qu’à la mer, cette année, tout va de travers. Si Christophe était là comme avant, tout irait tellement mieux. Et Mathieu ne comprend pas bien pourquoi sa mère devient quasi hystérique aussitôt le nom de Christophe est prononcé.
Pour compenser, Mathieu écrit chaque jour en cachette à Christophe, comme celui-ci lui a demandé. A chaque envoi, Sylvie glisse un petit trésor dans l’enveloppe, comme par exemple une plume de cormoran. « (Sylvie) l’a trouvé mort ce matin, étendu sur les galets, rejeté par la mer ; elle était triste et elle a eu l’idée de lui arracher une plume et de te l’envoyer pour que tu voies combien elle était triste ».
Dans ces lettres, il confie à son grand frère qu’il en a marre que Maman rate ses pâtes, que Papa ne sait pas piloter le voilier qu’il a loué, que le mur de clôture risque de s’écrouler sous le poids des vacanciers qui viennent s’y installer à marrée haute, qu’il est amoureux de Sophie Marineaux qu’il a rencontrée à la pharmacie… Quand Mathieu n’en peut plus, que la situation tourne au cauchemar, il appelle Christophe à la rescousse, ce qui va mettre Maman très très en colère…
On allait au bord de la mer, avec mon père, ma sœur, ma mère… Sous couvert d’un récit humoristique et parfois rocambolesque, Christophe Donner aborde un thème sérieux, suggéré au fil des pages, puis finalement exprimé : « cette idiote de Sylvie est allée lui raconter qu’elle vous avait vus, toi et Florian, en train de vous embrasser sur la bouche. »
Donner nous épargne le message lourdingue, et livre un récit drôle et tendre dont la “morale” pourrait être : « Si on a plus le droit d’embrasser ses copains où on veut, autant aller en prison tout de suite. »
Les Lettres de mon petit frère, de Chris Donner
L’École des Loisirs – 80 pages