Une fois, j’ai rencontré Doudou dans l’ascenseur.
– Salut Doudou.
– Salut.
Alors que je l’avais appelé un million de fois Doudou, je ne sais pas pourquoi, cette fois-ci, c’était étrange.
Je lui ai demandé son vrai prénom.
– Ben Doudou !
– Mais non, c’est un diminutif, comme Dédé, Mimi ou Youyou.
– Comment ça ?
– Ben, c’est pas leurs vrais prénoms quoi !
– Ben merde… Mais alors c’est quoi leurs vrais prénoms ?
– André, Michel et Youssef.
– Ben merde… Les pauvres vieux… Moi j’aimerais pas qu’on m’appelle autrement que comme j’m’appelle.
– On t’appelle déjà autrement… Doudou !
– J’te dis que c’est mon vrai prénom, tiens regarde.
Il a sorti son passeport de la poche arrière de son jean, et me l’a tendu.
Doudou s’appelait vraiment Doudou.
– Ben merde, tu t’appelles vraiment Doudou !
– C’est ce que j’te dis.
– Remarque, j’comprends que t’aies pas de diminutif.
– Comment ça ?
– Ben, comment tu veux réduire Doudou ?
Ça a eu l’air de le contrarier.
– Putain c’est vrai… Comment ça se fait que j’peux pas avoir de diminutif moi ?
– Parce que tes parents t’ont déjà donné un diminutif comme prénom.
– Merde.
– Toi, faudrait que tu fasses le contraire… Faudrait que tu te trouves un vrai prénom.
– Ouais, t’as raison.
– Y a un prénom qui te plaît ?
Doudou a immédiatement lâché :
– Johnny !
– Pourquoi Johnny ?
– C’est mon prénom en cours d’anglais… J’aime bien.
– Bon OK, alors Johnny, ça fait… Jojo.
Doudou s’est rappelé Jojo dans sa tête.
– Ça fait con Jojo.
– Alors… Nini.
Là, il a même pas cherché.
– C’est encore plus con Nini… On peut pas garder Johnny ?
– Ben non, c’est un diminutif qu’on te cherche, pas un prénom.
– Merde.
Finalement, Doudou est resté Doudou.
Et nous sommes arrivés au rez-de-chaussée.
(p 41)
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Chroniques de l’asphalte 1/5 – Le temps des tours, de Samuel Benchetrit
Julliard – 187 pages