Jamais asile n’a si bien porté son nom.
Dans ces années de fin de seconde guerre mondiale, l’hôpital psychiatrique de Tworki fait figure de havre de paix, tandis que hors les murs s’exprime la vraie folie des hommes.
Géré par les occupants Allemands, Tworki fait appel aux connaissances comptables de quelques jeunes Polonais.
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Parmi eux, il y a Jurek, le narrateur, jeune garçon sympathique, féru de poésie, qui passe son temps à réciter des vers de sa composition à ses amis. Et puis, il y a Sonia, la jolie et mystérieuse Sonia, dont il tombe amoureux au premier regard.
Mais Sonia, elle, aime Olek, le meilleur ami de Jurek, qui se console alors auprès de la douce Janka, elle aussi employée à la comptabilité.
Tandis que ce quatuor insouciant évolue parmi les pensionnaires de Tworki, la folie du monde extérieur va franchir les murs de l’asile…
Amour fou. Comme à ses collègues Polonais, ce nouveau poste assure à Jurek la sécurité : sécurité de l’emploi, du logement et du repas. Les Allemands qui gèrent l’endroit sont humains, en rien comparables aux monstres nazis.
Que la guerre alors semble loin, dans le parc de l’asile où Sonia s’enivre d’air pur et de vitesse sur la balançoire improvisée sous la charmille. Bien sûr, il y a les privations, mais le quatuor s’en accommode tant bien que mal, profitant du moindre moment de liberté pour se retrouver, jouer aux cartes, danser, s’aimer.
Les préoccupations des jeunes de cette époque pourront paraître naïves, leurs rapports réservés, à mille lieues de la jeunesse d’aujourd’hui, mais ce sont ces moments là dont se souvient Jurek, ceux-là seuls qui restent à jamais gravés dans sa mémoire. Des épisodes insignifiants aux yeux du lecteur prennent alors une place importance dans le récit du narrateur.
Mais des responsables de Tworki, on ne saura que très peu de choses ; les pensionnaires, à l’exception notable d’Antiplaton, seront souvent réduits à des pyjamas rayés errant dans le parc de l’hôpital. Puis, petit à petit, la réalité du monde rattrape les personnages.
Outre son traitement original de la seconde guerre mondiale, ce roman se démarque par son style qui, à l’image de son poète de narrateur, use de rimes et d’allitérations, qui le font ressembler souvent à un poème en prose ou à un long chant.
C’est justement ce style particulier qui m’a demandé un certain temps d’adaptation pour entrer dans le récit et réellement l’apprécier. Mais une fois déchiffrée la partition, le chant s’immisce doucement pour ne plus se déloger de l’esprit.
Un très beau roman.
Tworki, de Marek Bienczyk
Traduction : Nicolas Véron – Denoël – 272 pages