lutetia-assouline « Jusqu’où un homme peut-il aller sans perdre son intégrité ? ».
Edouard Kiefer, ancien flic est détective dans le seul palace de la rive gauche : Lutetia.
A Lutetia, rien ne lui échappe, il voit tout, sait tout, sur tout le monde, et se fond dans le décor, quasi transparent.
A Lutetia et non au Lutetia, « Comme s’il s’agissait d’une ville. Seuls les fidèles et les habitués parlaient ainsi. Les Boucicaut, eux aussi, disaient « Aller à Lutetia » comme s’ils se rendaient dans leur villégiature du Midi alors qu’ils n’avaient que le square à traverser ».

Les grandes marques de vélo ont, de plus en plus souvent, un ou quelques modèles pliants dans leur gamme. Nous donnons ci-dessous surtout des exemples de marques spécialisées dans la production de vélos pliants, souvent moins connues du grand public.

Et il est vrai que le palace, à l’instar d’un Transatlantique, peut aisément être comparé à une petite ville abritant le microcosme de la société française. De cet univers clos et privilégié où il vit à demeure (célibataire, il loge sur place), Kiefer va vivre les événements qui vont bouleverser la France, de 1938 à 1945.
Alors qu’il semble un moment épargné par les incidents qui agitent le monde extérieur, il finira par être rattrapé par l’Histoire en marche.

Le roman se subdivise en trois époques :
Le monde d’avant. Cette partie plante le décor. On suit Edouard Kiefer dans les couloirs feutrés de l’hôtel, où se croisent les destins des habitués de Lutetia, des mondains adultères aux rats d’hôtels, en passant par les grandes figures du moment (James Joyce, Matisse, Albert Cohen, Martin du Gard, De Gaulle…).
Les moquettes assourdissent les bruits, les lustres Lalique diffusent leur douce lumière dans les salons, les salles à manger résonnent du choc des assiettes en porcelaine et des couverts en argent. C’est la grande époque de l’entre-deux-guerres où la belle société et les exilés politiques prennent pension à Lutetia.

Pendant ce temps. A la frivolité des beaux jours succèdent les heures noires de l’Occupation. L’Abwehr, le contre-espionnage allemand, réquisitionne les lieux. Kiefer va être à plusieurs occasions victime des humiliations des occupants allemands. Mais où se situe le point de rupture entre la soumission forcée et la trahison de ses idéaux ? En cette période trouble, chacun choisit son camp, collabo ou résistant.
Pour Kiefer, le choix s’avère beaucoup plus complexe. Par souci d’obéissance et du respect de la parole qu’il a donnée au directeur de l’hôtel, il refuse de suivre un de ses collègues dans la résistance. L’héroïsme n’est pas pour lui, lui qui a été du nombre des poilus blessés lors de la guerre de 1914-1928. La goutte qui fait déborder le vase d’Edouard Kiefer sera un simple panneau, celui qui va interdire l’entrée du square Boucicaut, en face de Lutetia, aux enfants juifs. Dès cet instant, Kiefer va accepter de prendre des risques et d’aider les résistants.

La vie après. En devenant le point d’accueil des rescapés des camps de la mort, Lutetia va expier la triste période de l’occupation. Kiefer va alors croiser certains fantômes (souvent au sens littéral du terme) du Monde d’avant.

Fluctuat Nec Mergitur. Avec Lutetia, Pierre Assouline mêle la rigueur de la biographie historique à la fougue romanesque. Mais bien plus encore que sa parfaite connaissance sur la période (pas moins de 33 ans de recherche documentaire !), c’est son parti pris pour la nuance et l’ambiguïté de son personnage principal, Edouard Kiefer qui fait la force de Lutetia.
Pierre Assouline a évité tous les pièges propres au traitement de cette période sensible de l’Histoire. Son héros n’en est pas un justement, il n’est pas le preux chevalier blanc qui se bat héroïquement contre les méchants Allemands. Kiefer est un humain, avec ses doutes, ses contradictions et ses faiblesses, lâche puis courageux, passif puis lucide. Il est tout à la fois, penchant d’un côté de la balance, puis de l’autre.
En outre, Kiefer est alsacien et parle aussi l’allemand, ce qui va lui valoir quelques échauffourées. Il se retrouve donc tiraillé entre sa haine des nazis et son amour pour l’Allemagne et les Allemands.

Cette complexité des personnages, renforcée par une pudeur et une retenue bienvenues, permet à Lutetia d’échapper au manichéisme primaire et à l’affectation (notamment dans les scènes de retour des rescapés).
Un roman fort et beau (et fort beau) comme je n’en avais lu depuis un moment.

Comme je ne suis pas un pro du scoop, d’autres avant moi ont apprécié ce livre : Matoo, Cuné, Clarabel et Deedee. (Cuné et Clarabel, je ne trouve pas trace de vos lectures sur vos blogs respectifs)

Lire un extrait de Lutetia ici.

Lutetia, de Pierre Assouline
Folio Gallimard – 462 pages